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EXTRAIT D'UN RAPPORT ET OBSERVATIONS

sur

UNE EXPLOSION DE CHAUDIÈRE A VAPEUR SURVENUE DANS LA FABRIQUE de sucre de mm. duriez et droulerz, a coppenansforr (nord).

1° Extrait d'un Rapport de M. LEVERRIER, ingénieur des mines.

Le 13 février 1864, dans la fabrique de sucre et alcool de MM. Duriez et Droulers à Coppenansfort, près Bourbourg, un tube intérieur d'un générateur a cédé à la pression et s'est écrasé; l'eau et la vapeur s'échappant par cette ouverture, un grand nombre d'ouvriers ont été atteints de brûlures graves, des suites desquelles la plupart sont morts.

Nous avons été informé de ces faits le 14 février en conséquence, nous nous sommes rendu le 15 à Coppenansfort pour procéder à une enquête; nous sommes retourné sur les lieux, le 25, pour vérifier quelques points sur lesquels notre attention ne s'était pas portée d'abord: nous allons exposer dans ce rapport le résultat des recherches auxquelles nous nous sommes livré.

Nous devons d'abord faire connaître le système de construction du générateur et de l'emplacement qu'il occupait dans l'usine.

Description du générateur. — Ce générateur se compose de deux bouilleurs et d'un corps cylindrique avec trois tubes intérieurs, surmonté d'un dôme de vapeur. La flamme chauffe d'abord les bouilleurs et le fond du corps de chaudière, revient à l'avant du fourneau par les trois tubes intérieurs et passe ensuite dans des carneaux qui font le tour de la chaudière, de manière à la chauffer latéralement.

Les fonds de la chaudière sont presque plats, et se trouvent naturellement entretoisés par les tubes intérieurs; chacun d'eux est en outre maintenu par deux tirants qui le relient à la paroi cylindrique.

Les dimensions des diverses parties du générateur sont les suivantes:

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Ce générateur a été construit dans les ateliers de M. Fontaine, à la Madeleine, près Lille, où il a subi l'épreuve légale pour 5 atmosphères: il a commencé à fonctionner dans le courant de 1857.

Emplacement du générateur. — Ce générateur est installé à côté de deux autres, concurremment avec lesquels il a été autorisé par arrêté préfectoral en date du 17 mars 1859; tous les trois se trouvent dans un bâtiment spécial, couvert d'une toiture indépendante, contigu à l'atelier de fermentation, à la distillerie et à la sucrerie. Nous aurons, du reste, à insister longuement sur ces descriptions, nous n'entrerons donc pas dans plus de détails pour le moment.

Exposé de l'accident. Le samedi, 13 février, vers huit heures du matin, le tube intérieur a du générateur A, fig. 14 et 15, Pl. I, se déchira sur toute sa longueur, et l'eau et la vapeur des trois générateurs s'échappèrent par cette ouverture. Il n'y eut pas à proprement parler d'explosion, car le générateur n'a subi d'autre avarie que l'écrasement du tube; il ne s'est même déplacé que d'une très-petite quantité, il a reculé de 50 centimètres environ, vers le mur de la distillerie. Ce ne sont pas, dans le cas actuel, les débris du générateur qui ont porté au loin la destruction; il a suffi de la force d'expansion de la vapeur se dégageant brusquement dans un espace assez resserré, et lançant de tous côtés les briques des fourneaux, pour produire les conséquences les plus déplorables.

Effets de l'explosion quant aux personnes. En face du générateur, le mur mitoyen de la distillerie fut renversé sur toute sa hauteur correspondante à deux étages, et sur une largeur de 3 à 4 mètres: l'eau et la vapeur pénétrèrent par la brèche ainsi pratiquée, dans la distillerie qui ne fonctionne pas en ce moment,

mais où, par malheur, les ouvriers étaient alors réunis pour déjeuner. Quatorze personnes furent ainsi atteintes de brûlures graves: en même temps deux ouvriers étaient tués sur le coup dans la cave du chauffeur, deux autres qui s'y trouvaient également échappaient comme par miracle.

Quatre des victimes sont actuellement hors de danger, les autres ont succombé.

Quant aux avaries matérielles, les murs mitoyens de la distillerie et de l'atelier de fermentation ont été renversés, la toiture du local des générateurs a été enlevée, ainsi qu'une partie de celle de l'atelier de fermentation : celle du bâtiment principal a été fortement dégradée, en face des générateurs, le massif des fourneaux a été détruit et une partie du matériel de la distillerie mise hors de service. Des briques et des tuiles des toitures ont été lancées dans le sens de l'axe des générateurs, jusqu'à une distance de 60 mètres environ, etc.

Causes de l'explosion. Les explosions de générateurs peuvent, en général, être attribuées, tantôt à un excès de pression, tantôt, et c'est le cas le plus ordinaire, à un abaissement tel du niveau de l'eau dans la chaudière qu'une certaine étendue de tôle puisse rougir et donner lieu à une production subite de vapeur lorsqu'on vient à alimenter. Nous examinerons si l'une ou l'autre de ces causes a été en jeu dans le cas actuel, et si toutes les mesures de sûreté prescrites par l'ordonnance du 22 mai 1843 pour y obvier, ont été observées.

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L'accident ne paraît pas être dû à un excès de pression dans la chaudière. Soupapes de sûreté. La pression qu'il est possible d'atteindre dans une chaudière, est limitée par le poids dont est chargé la soupape de sûreté, celle-ci ayant d'ailleurs un diamètre suffisant. Dans le cas actuel, le générateur était muni de deux soupapes dont la réglementation était la suivante :

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Les soupapes devaient se lever vers 4,25: s'il n'y a pas eu de surcharge la pression indiquée au timbre de la chaudière n'a pas même été atteinte dans l'usage. MM. Duriez affirment qu'il n'a jamais été mis sur les leviers d'autres poids que ceux que nous y avons trouvés suspendus. En ce qui concerne l'indication de la

pression, un manomètre du système Noël Renier était sous les yeux du chauffeur, et était mis en communication par un tube spécial avec les trois générateurs.

L'accident ne parait pas dû à l'insuffisance de l'alimentation. L'abaissement anormal du niveau de l'eau est, avons-nous déjà dit, la cause de presque tous les accidents.

Les appareils destinés à indiquer le niveau de l'eau qui existaient sur le générateur étaient les suivants :

1° Un flotteur ordinaire;

2o Un indicateur magnétique Lethuillier-Pinel; 3° Un sifflet d'alarme.

Contrairement aux prescriptions légales, il n'existait ni tube en verre, ni robinets indicateurs du niveau de l'eau, nous devons ajouter que ces appareils manquent malheureusement sur la plupart des chaudières du département.

Dans l'espèce, il ne paraît pas que l'accident puisse être attribué à un manque d'eau; s'il en eût été ainsi, il se serait produit au moment de la reprise de l'alimentation.

Le générateur était muni de trois moyens d'alimentation :

1o Un tuyau communiquant avec la pompe alimentaire de la machine et se bifurquant pour porter l'eau froide dans les bouilleurs;

2° Un retour d'eau provenant de la cuite et de la défécation; 3o Un retour d'eau provenant de l'évaporation.

Au moment de l'accident, les deux retours d'eaux communiquaient avec le générateur du milieu seulement; le tuyau de la pompe était ouvert sur la chaudière qui a fait explosion, mais la machine ne fonctionnant pas, il n'y avait pas alimentation.

Des trois tubes intérieurs, c'est celui qui se trouve au niveau le plus bas qui a cédé : cet effet eût cependant pu se produire sans que le niveau eût baissé jusque-là; en admettant que les tubes supérieurs ayant rougi, ce fût l'inférieur qui eût cédé. Cependant la tôle portée à une haute température perd une grande partie de sa force de résistance; elle doit donc céder plutôt dans la partie même où elle a été surchauffée. Quoi qu'il en soit, si le niveau a subi un abaissement anormal, les tubes supérieurs doivent porter la trace d'un coup de feu: altération de la tôle et disjonction des pinces, détruisant l'effet du mattage. Ce dernier caractère, notamment, est facile à reconnaître et se présente toujours lorsqu'il y a eu coup de feu. Nous n'avons rien vu de pareil; les tubes renferment encore de la suie, rien, en un mot, ne donne lieu de croire qu'il y ait eu insuffisance d'alimentation.

Nous ajouterons qu'il n'existait pas d'incrustations dans la chaudière; les eaux employées à l'alimentation sont prises dans le canal de Bourbourg et ne donnent lieu qu'à des dépôts boueux sans adhérence et peu abondants.

Ces deux causes écartées, nous devons étudier quelle était la résistance du générateur, notamment du tube qui a été écrasé.

Forme du tube intérieur après l'explosion.- Les fig. 17, 18, 19 représente le tube intérieur avec toutes ses lésions. Ainsi qu'on le voit, le demi-cylindre inférieur a été complétement écrasé et replié sur le supérieur en se déchirant au sommet de la selle a et suivant les lignes de recouvrement des tôles b et c. Cette déformation de la première virole a été déterminée par le cisaillement de la tôle suivant cinq des rivets qui la fixaient sur le cône évasé existant à l'avant du tube; c'est là, en effet, que la déchirure est à son maximum; les deux lèvres de la plaie sont très-écartées et un fragment assez important a été enlevé; elles vont ensuite en se rapprochant, et sur la seconde et la troisième virole, il n'y a plus qu'une déformation ayant donné lieu à une déchirure au sommet, mais sans solution de continuité importante. Le sens dans lequel s'est produit le mouvement du générateur donne tout lieu de croire que la première phase de l'accident a consisté dans le cisaillement de la tôle sur la cornière d'avant; mais ce mouvement n'a été que de o",50 environ, ce qui montre que presque de suite un nouveau passage s'est ouvert à la vapeur. La quatrième virole, en effet, s'est déformée en partie par l'écrasement du demi-cylindre inférieur; mais en outre, par la déchirure complète du demicylindre supérieur dont la tôle s'est cisaillée suivant sept des treize rivets la fixant sur la cornière d'arrière et s'est repliée sur le demicylindre inférieur. Dans cette partie quelques fragments de tôle ont été complétement enlevés, mais sur une faible étendue: ajoutons que ces fragments n'ont pas été projetés à distance, on les a retrouvés sous les décombres du massif du fourneau.

Résistance du tube intérieur. A quelle pression pouvait résister le tube intérieur, 1° en pleine tôle, 2° dans les parties rivées? Les tôles de ce tube proviennent de la fabrique de M. Dumont à Ferrière: nous en avons fait découper deux échantillons, l'un dans la feuille supérieure de la quatrième virole, l'autre dans la feuille supérieure de la première. Dans ces échantillons ont été taillées des barres qui ont été essayées à la résistance à la traction dans les ateliers de MM. Parent et Schaken à Lille.

Le premier échantillon (tôle de la quatrième virole) présentait

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