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méthodes et assurer le progrès, cette base du développement de la production. A ce point de vue, le Gouvernement ést heureux de constater qu'il est parfaitement secondé par ces utiles associations. Aussi est-ce avec regret qu'il se voit souvent empêché de leur venir plus efficacement en aide, faute de ressources suffisantes.

L'étude des questions dont la solution intéresse au plus haut degré la production nationale s'est poursuivie, en 1864, avec la même ardeur et le même zèle que par le passé.

De nouvelles recherches ont été faites dans plusieurs départements de l'empire pour constater l'existence de gisements de phosphates de chaux fossiles, précieux amendement qui est appelé à rendre de si grands services à l'agriculture de certaines contrées.

Une mission spéciale, confiée à l'un des hommes les plus compétents, est venue porter la lumière sur de nombreuses questions de viticulture et de vinification. Les esprits, tenus en éveil par des conférences publiques, se sont appliqués à la solution de problèmes du plus haut intérêt pour la production nationale. Les expériences commencées en 1863 pour constater les résultats de nouveaux modes de fécondation, soit des céréales, soit des arbres fruitiers, se sont continuées en 1864.

Désireux de trouver les moyens d'arrêter les désastres dont l'industrie séricicole est victime depuis tant d'années, le Gouvernement avait traité avec un sériciculteur étranger, sous réserve des expériences à entreprendre, pour l'acquisition d'un procédé destiné, d'après l'inventeur, à guérir les vers à soie de la pébrine. Dans douze départements ces expériences ont eu lieu, et n'ont malheureusement donné que des résultats négatifs.

Enfin, l'attention du Gouvernement avait été appelée depuis longtemps sur la nécessité de multiplier la quantité des engrais et d'assurer la sincérité des transactions auxquelles donnait lieu l'emploi de ces matières fertilisantes. Après avoir recueilli des informations sur l'ensemble des faits qui devaient révéler l'importance des besoins et sur la situation économique de notre agriculture dans ses rapports avec le commerce des engrais, il a remis à une commission spéciale le soin d'étudier la question. Cette commission, composée des hommes les plus compétents, a jugé utile, pour asseoir son opinion, de procéder à une enquête. Dans ce but elle a appelé des agriculteurs, des fabricants et des marchands d'engrais, des chimistes, toutes les personnes, en un mot, qui pouvaient lui fournir d'utiles renseignements sur chacun des faits compris dans l'ensemble de ses études. Le douvernement, éclairé par un avis aussi soigneusement mûri, sera bientôt à même de

proposer les mesures qui seront jugées utiles pour atteindre le but désiré.

En même temps des négociations avec le Pérou, suivies par les soins du département des affaires étrangères, assuraient à l'agriculture une certaine diminution sur le prix du guano.

La situation du pays, au point de vue de la subsistance publique, est des plus prospères. La production du froment, en 1863, avait atteint le chiffre le plus élevé qui ait été constaté jusqu'ici par les statistiques officielles. Les circonstances atmosphériques ont été encore généralement assez favorables à la récolte de 1864, qui, dans son ensemble, paraît avoir été supérieure d'environ 5 à 6 p. 100 au produit d'une récolte moyenne, bien que quelques parties du territoire aient été moins bien partagées que d'autres.

A la suite de ces deux récoltes, le pays se trouve avoir, en définitive, à sa disposition, des approvisionnements d'une abondance exceptionnelle, dont l'existence a dû nécessairement exercer une influence en baisse sur le cours des grains. Ce fait, exclusivement imputable à des événements naturels, a inspiré sur quelques points une certaine inquiétude à l'agriculture, et l'on a cherché à en trouver la cause dans la législation qui a remplacé le régime de l'échelle mobile.

Mais il est facile de se convaincre que, si le prix des grains s'est abaissé sur nos marchés, la concurrence des céréales étrangères n'est pour rien dans ce résultat, car, dans le courant de l'année dernière, les importations en blé récolté hors de France, et provenant, pour la plus grande partie, de notre colonie algérienne, n'ont atteint qu'un chiffre insignifiant eu égard à celui de la consommation du pays; il n'a été introduit, en effet, pour la consommation intérieure, que 53.000 quintaux métriques par mois de froment en grains ou en farine, dont 32.000 quintaux envoyés de l'Algérie, tandis que la consommation mensuelle du froment atteint presque le chiffre de 6 millions de quintaux. Ces importations ont été, d'ailleurs, compensées et bien au delà par une exportation trois fois plus forte de blés indigènes, puisque les quantités de froment en grains ou en farine, envoyées au dehors, se sont élevées à un chiffre de près de 140.000 quintaux métriques par mois.

Le système établi par le décret du 22 juin 1865, pour expérimenter l'application au commerce de la boulangerie du régime de la liberté, a été suivi pendant tout le cours de l'année 1864; à peu près partout les administrations municipales se sont associées à cette expérience par la suppression de la taxe officielle.

Cette réforme s'est accomplie sans difficultés sérieuses, et, si le

système actuel n'a pas partout réussi à amener une réduction sur le prix du pain, c'est que la concurrence n'a pas pu sérieusement s'établir sous l'empire d'un régime qui laisse encore les municipalités en possession du droit de fixer le prix de vente de cette denrée et d'en réglementer le débit. Sur un grand nombre de points, d'ailleurs, et malgré ce grave obstacle, la réforme qui se poursuit a déjà eu d'heureuses conséquences. On a signalé des faits qui permettent de bien augurer de l'avenir, et l'on a pù observer que ces faits se produisaient plus particulièrement dans les centres de population où les autorités locales sont entrées franchement et résolûment dans la voie libérale qui leur était indiquée.

La commission spéciale, instituée par le décret du 22 juin 1863, continue de suivre, avec toute l'attention que mérite une question aussi grave, les résultats produits par cette importante réforme, et une sous-commission, composée de conseillers d'État, a été récemment chargée d'une enquête sur les faits qui s'y rattachent, particulièrement dans le département de la Seine.

Industrie et commerce. La situation industrielle et commerciale de l'empire en 1864, bien qu'éprouvée par le taux généralement élevé de l'escompte, a donné des résultats satisfaisants; et, malgré la cherté de l'argent, le travail a conservé une grande activité; il se présente en ce moment dans des conditions plus favorables que celles qui ont été constatées l'année dernière à pareille époque.

A cet égard, on est heureux de citer l'industrie cotonnière, qui, au commencement de 1863, présentait encore un personnel nombreux inoccupé, en faveur duquel l'État, venant en aide aux communes et à la charité publique, avait dû s'imposer des sacrifices.

Certes, cette industrie a eu à passer des moments difficiles dans les premiers mois de 1864; l'extrême mobilité des cours de la matière première, l'insuffisance des prix offerts au producteur par la consommation, les difficultés particulières que présente la manipulation des cotons de l'Inde et de la Méditerranée, qui ont remplacé sur nos marchés les cotons d'Amérique, occasionnaient une hésitation fâcheuse pour le travail, surtout dans la Seine-Inférieure, ou 3.500 ouvriers en ont été affectés à des degrés différents.

Cependant nos industriels n'ont pas perdu courage, et, dans les moments les plus difficiles, on a vu s'élever, rotainment dans le Haut-Rhin, des établissements importants de filature et de tissage. Le perfectionnement de l'outillage s'est d'ailleurs complété.

Les manufacturiers ont compris que le monopole de l'approvi

sionnement du coton avait cessé pour les États-Unis; dès lors. les péripéties de la lutte américaine n'ont plus présenté pour eux qu'un intérêt secondaire; les cours se sont régularisés, et la situation est devenue meilleure jusqu'au moment (septembre) où des bruits de paix, concordant avec l'abondance présumée du coton de l'Inde et de l'Égypte, ont amené sur cette matière une baisse subite très-sensible, qui a fait échec momentanément au travail par suite des hésitations de l'acheteur.

La réélection présidentielle aux États-Unis a mis fin à ce malaise passager. Le prix du coton s'est raffermi, en même temps que celui du produit fabriqué est devenu plus rémunérateur; la fabrication, active dans le Nord, s'est améliorée aussi dans les principaux centres, et, en définitive, s'il est permis d'apprécier l'ensemble de notre industrie cotonnière par la situation du département le plus important et en même temps le plus affecté pendant la crise, celui de la Seine-Inférieure, on répétera ici ce qu'écrivait le préfet de ce département le 31 décembre dernier: « Amélioration sensible; plus de chômage parmi les ouvriers cotonniers; ceux qui appartiennent aux ateliers supprimés et non rouverts ont trouvé un autre genre d'occupation; le travail de la semaine est complet, les comandes sont nombreuses; la concurrence étrangère est soutenue avec avantage, puisque les fils de coton anglais coûtent 3 à 4 centimes plus cher par kilogramme que les similaires français, et les tissus un centime de plus par mètre.

« Les recettes de l'octroi sur la houille et sur la viande ont augmenté assez notablement en 1864. »

Il convient d'ajouter encore, comme élément d'appréciation, qu'il a été importé pendant l'année 1864, pour la consommation, 67.634.000 kilogrammes de coton, contre 55.500.000 en 1863.

L'industrie de la laine, si l'on excepte les départements de l'Indre et de l'Aveyron, a présenté une activité très-remarquable. Souvent les bras ont manqué, et l'on a dû recourir au travail de nuit. La rareté du coton n'a pas été étrangère à cette animation Quelques villes manufacturières, et notamment Reims, se sont appliquées à produire des tissus légers, susceptibles de remplacer, pour certains usages, les tissus de coton. D'un autre côté, le développement de la consommation intérieure, résultant de l'accroissement de la fortune publique, et les demandes de l'extérieur, parmi lesquelles on a remarqué celles du Mexique, ont contribué au même résultat. L'industrie qui met en œuvre la laine pure n'a pas eu trop à souffrir du renchérissement de la matière première, par suite de la concurrence très-opportune des laines d'Australie.

Les traités de commerce n'ont occasionné aucun préjudice au travail national; on a même remarqué la préférence donnée maintenant aux tapis français sur les tapis anglais, dont l'admission sur le marché avait, dans le principe, inspiré quelques craintes à nos manufacturiers.

L'industrie du lin et du chanvre a conservé une grande activité. Le prix de ces textiles, qui s'était tenu très-élevé pendant les premiers mois de l'année, a subi le contre-coup de la baisse du coton, ce qui a produit un moment d'hésitation dans la fabrication, Mais aujourd'hui, par suite du raffermissement du prix du coton et aussi grâce au développement de la culture du lin, le prix se tient dans des limites raisonnables. L'activité reste complète, principalement dans le Nord.

L'industrie des soies, notamment celle qui s'occupe des travaux préparatoires, tels que filature, dévidage, etc., a été affectée par plusieurs récoltes assez médiocres de cocons indigènes, qui, en rendant plus rare la matière première, déjà très-recherchée à cause des mélanges auxquels elle se prête, en ont fait hausser le prix.

Malgré cette circonstance défavorable, qui disparaîtra sans doute à l'avenir, grâce aux tentatives d'acclimatation en France de graines de vers de Chine et du Japon, nonobstant aussi la continuation de la lutte américaine, qui enraye de ce côté l'exportation des objets de luxe, et principalement des soieries, la fabrique de Lyon et des principaux centres manufacturiers a conservé une certaine activité, entretenue par la consommation intérieure et par les commandes de l'étranger, particulièrement de l'Angleterre.

La métallurgie n'est pas dans une situation moins favorable que l'année précédente. A de très-rares exceptions près, les plaintes contre les traités de commerce ont cessé, et l'époque du 1 octobre, marquée pour la mise en vigueur des nouveaux tarifs conventionnels, n'a donné lieu à aucun incident fâcheux. Les réclamations qui se font encore entendre aujourd'hui sur l'insuffisance des prix ne portent plus, légitimement du moins, que sur la concurrence intérieure, laquelle s'ingénie, en effet, à trouver des prix rémunérateurs, soit par la réduction des frais généraux, soit par la création de fabrications spéciales, soit enfin par une bonne entente de fabrication.

Le Gouvernement ne saurait intervenir dans cette lutte industrielle, favorable, d'ailleurs, aux intérêts généraux du pays, qu'en redoublant d'efforts, dans la limite des ressources dont il dispose, pour mettre à la portée des usines les moyens de transport dont elles ont besoin.

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