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avec leurs cliens aueune paction de quotá litis; c'est-à-dire, de se faire céder par sa partie aucune portion de ce qui devait lui revenir par l'événement du procès, à peine contre l'avocat d'être privé de son état.

Ces règlemens, et plusieurs autres semblables qui furent faits pour maintenir la pureté que demande cette noble profession, ne diminuaient rien de l'estime et de la considération que les magistrats et les empereurs avaient pour l'ordre des avocats, puisque dans le même temps ils le comblaient d'honneurs et de priviléges.

On doit même dire à la louange des avocats de Rome, qu'il ne se trouve aucun exemple qu'aucun d'entre eux ait été destitué d'une cause pour quelque malversation.

Le plus grand nombre fit toujours profession de se conduire par des principes d'honneur et de vertu. On en vit même plusieurs sacrifier tout intérêt à leur devoir; témoin l'illustre Papinien, qui aima mieux perdre la vie que d'entreprendre de justifier en plein sénat le fratricide détestable commis par Caracalla.

Tels furent les principaux points de la discipline observée chez les Romains, dans le barreau. Il y aurait bien d'autres choses curieuses à rapporter à ce sujet, mais qui nous mèneraient trop loin; il suffit d'en avoir donné cette idée, pour faire connaître les progrès de la profession d'avocat. Passons au barreau de Paris, qui fait notre principal objet.

CHAPITRE V.

ORIGINE DE LA FONCTION D'AVOCAT EN FRANCE

Nous apprenons de César, en ses commentaires, que les Druides rendaient alors la justice dans les Gaules; mais il ne dit point si les parties proposaient elles-mêmes leur défense, ou si elles avaient des défenseurs. L'obscurité des temps nous dérobe la connaissance de ce qui se pratiquait alors; on

peut seulement conjecturer que l'administration de la justice était fort simple, et que chacun plaidait soi-même sa cause.

Lorsque les Romains eurent fait la conquête des Gaules, ils laissèrent d'abord aux vaincus la liberté de suivre leurs anciens usages; mais les Gaulois, connaissant la sagesse des lois romaines, les adoptèrent volontairement. Ils reçurent favorablement les proconsuls et autres magistrats qui leur furent envoyés par les Romains. la justice y fut administrée de même que chez les Romains; ainsi l'on ne peut douter que l'on n'observât aussi dans les Gaules, pour les avocats, la même discipline qui était observée à Rome.

Cette discipline changea totalement de forme, lorsque les Francs eurent fait la conquête des Gaules, pendant toute la première race de nos rois.

Ce n'est pas qu'il n'y ait toujours eu en France, dès le commencement de la monarchie, des jurisconsultes qui faisaient les fonctions d'avocats, quoique dans certains temps on leur ait donné divers autres noms; mais les Français étant alors beaucoup plus adonnés aux armes qu'à l'étude des lois, rendaient la justice militairement. Les nobles vidaient leurs différens par un combat en champ clos. La plus grande partie des peuples était esclave, et par conséquent n'avait rien en propre. Ceux d'entre le peuple qui étaient libres, embrassaient la plupart l'état ecclésiastique, et ne pouvaient être traduits dans le for civil, de sorte que l'administration de la justice dans les tribunaux séculiers était peu considérable. Les affaires y étaient en petit nombre, et la discussion en était fort simple; c'est pourquoi il était alors plus facile à chacun de plaider soi-même sa cause, et il est à présumer que l'on avait rarement recours à des avocats, du moins pour Ja plaidoirie, et encore moins pour des écritures qui n'étaient pas alors usitées.

Sous la seconde race de nos rois, l'administration de la justice changea de forme, et ceux qui y concouraient furent aussi désignés par des titres tout nouveaux.

Les églises métropolitaines et cathédrales, les abbayes, les grands monastères et autres églises demandèrent des défen

seurs qui furent appelés advocati, ce que l'on traduit par le terme d'avoués.

Quelques-uns rapportent le premier établissement de ces avoués au quatrième siècle. Un concile de Carthage, tenu au commencement du cinquième siècle, suppose qu'ils furent institués aussitôt après le combat de Stilicon, qui fut en 405; d'autres rapportent leur institution au huitième siècle, mais il est certain qu'elle est plus ancienne. Il en est parlé dans les lois Salique et Gombette, dans la loi des Lombards et dans les Capitulaires.

Les avoués recurent encore divers autres noms; on les appelait aussi defensores ecclesiarum, tutores et actores, munburdi, pastores laïci, causidici.

Ils étaient quelquefois nommés par le prince, quelquefois par l'abbé et les religieux ; ils étaient aussi quelquefois nommés par les patrons et fondateurs des églises.

Cet emploi ne se donnait qu'à des laïcs. Une de leurs fonctions était de plaider les causes des églises auxquelles ils étaient attachés. Les églises n'avaient ordinairement point d'autres avocats; mais leur emploi embrassait encore bien d'autres fonctions; ils étaient les patrons, les protecteurs des églises; ils avaient l'administration de leur temporel ; ils acceptaient les donations qui leur étaient faites, rendaient la justice dans les lieux où elle appartenait aux églises dont ils étaient avoués ; ils défendaient toutes leurs causes, et même quelquefois se battaient en duel pour les monastères, pour vider leurs contestations, suivant la coutume barbare qui s'observait entre les nobles. Enfin, ils conduisaient à la guerre les vassaux des monastères, qui étaient obligés de fournir des soldats au roi.

Les grands seigneurs, et nos rois mêmes, prirent la qualité d'avoués de certaines églises, lorsqu'il fallut les défendre par les armes, ou les soutenir par leur autorité.

La plupart de ces avoueries furent érigées en fiefs, et devinrent héréditaires.

A l'imitation des églises, mais long-temps après, les villes, les communautés, les provinces voulurent aussi avoir des

avoués. Il y en avait à Arras, à Therouenne, dans plusieurs villes du Brabant et des Pays-Bas, et ensuite en Alsace et autres pays. On en trouve des exemples vers la fin du douzième siècle, et dans le treizième.

Dans la suite, tous ces avoués, ayant abandonné leurs fonctions, n'ont plus été considérés que comme vassaux de ceux dont ils avaient la défense. En quelques endroits ceux des églises ont été nommés vidames, et il en reste encore quelques-uns qui portent ce titre; tels que les vidames d'Amiens, de Gerberoy, de Laon, de Rheims, de Chartres, etc.

Outre ces avoués, qui, dans l'origine, faisaient la fonction d'avocats pour les églises, villes ou provinces auxquelles ils étaient attachés, il y avait des particuliers qui faisaient la même fonction pour le public, pour tous ceux qui avaient recours à eux.

On les appelait en latin clamatores, du mot celtique clam ou clain, qui signifiait action, de sorte que clamatores étaient ceux qui éxposaient l'action en jugement.

Dans le langage français de ce temps-là, on les nommait plaidours, c'est-à-dire plaidans ou conteurs, parce qu'ils racontaient le fait. Dans les établissemens de saint Louis, faits en 1270, ils sont nommés avocats ou avantparliers; on les nommait aussi parliers, emparliers, amparliers. Tous ces différens noms avaient pour objet d'exprimer que ce sont eux qui parlent avant le jugement. On les nommait aussi docteur's, ou chevaliers de loi, ou des lois, ou ès-lois.

Sous les deux premières races de nos rois, et même au commencement de la troisième, le barreau n'avait plus ce même éclat qu'il avait chez les Romains; c'était un temps de barbarie et d'ignorance, où l'éloquence était totalement négligée.

Il y eut cependant de temps en temps quelques avocats recommandables par leur érudition et par leur zèle.

Saint Germain, évêque d'Auxerre, qui mourut en 448, avait été avocat et savant jurisconsulte, en quoi il suivit l'exemple de saint Cyprien, saint Augustin, saint Athanase, saint Chrysostome et saint Ambroise, qui, dans les premiers.

siècles de l'Eglise, avaient aussi fait la même profession avec éloge.

Nous allons présentement considérer quelle a été la discipline de l'ordre des avocats depuis l'institution du Parlement, ce qui nous fournira une matière beaucoup plus riche et plus abondante que les temps qui ont précédé (1).

CHAPITRE VI.

ÉTAT DE L'ORDRE DES AVOCATS DEPUIS L'INSTITUTION DU PARLEMENT.

Ce serait une matière fort intéressante à traiter, à l'occasion de l'ordre des avocats, que de rapporter ici l'histoire du parlement. Mais comme elle a déjà été écrite par plusieurs auteurs, et que d'ailleurs ce serait s'écarter de notre objet, nous n'en rappellerons ici que les principales époques, nécessaires pour connaître l'origine et les progrès de l'Ordre des avocats, et quelle a été, selon les différens états du parlement, l'étendue et la discipline de la profession d'avocat.

Le parlement de Paris était, sans contredit, la cour du roi et la cour des pairs, le premier et le plus ancien de tous les parlemens du royaume.

Les historiens ne s'accordent pas sur l'époque de sa pre

mière institution.

Quelques-uns la font remonter jusque vers le commencement de la première race, du temps de Childebert,

Mais la première assemblée des grands du royaume, que l'on trouve qualifiée parlement, est celle qui fut convoquée en 722 par Charles Martel, qui n'était encore que maire du

(1) En lisant les chapitres qui vont suivre, il ne faut pas oublier que l'auteur écrit une histoire, et se réfère par conséquent au passé. Pour le temps même où il parle des choses comme encore existantes, on ne doit pas perdre de vue qu'il écrivait en 1753.

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