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CHAPITRE DEUXIÈME

EXAMEN DES CAS OU L'ADMINISTRATION FORESTIÈRE DOIT

S'OPPOSER AU DÉFRICHEMENT

§ 1er.

But de cet examen.

Conformément aux dispositions précitées de la loi du 18 juin 1859 et du décret du 22 novembre suivant, les particuliers qui déclarent à la sous-préfecture leur intention de défricher doivent ensuite être invités à assister à la reconnaissance de leurs bois, laquelle sera faite par un agent forestier, et, avant l'opposition, recevoir copie du procès-verbal de cette reconnaissance, avec invitation de présenter leurs observations. Or, beaucoup de particuliers sont très

embarrassés de vérifier si leurs bois se trouvent réellement dans l'un des cas où la loi prohibe le défrichement. C'est pour les éclairer à ce sujet, et ainsi les mettre en état, le cas échéant, de défendre la libre jouissance de leurs propriétés, que nous entrons dans les détails formant les paragraphes suivants.

§ 2.

Maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes. Défense du sol contre les érosions et les envahissements des fleuves, rivières ou torrents.

Les terrains qui ont un talus plus incliné que celui indiqué par l'assiette naturelle des remblais ne peuvent se maintenir en équilibre que soumis à une végélation permanente, qui, les étreignant dans un réseau de racines, empêche leur éboulement. Aussi, lorsqu'on les défriche, et que, leur enlevant le soutien qu'ils recevaient des racines d'une forêt, on les laisse sans protection, ils ne tardent pas à s'ébouler, sous l'action combinée de la gelée qui les soulève

et de la pluie qui les délaie et les entraîne; ils laissent aux versants la dénudation et la stérilité, et ensevelissent sous leurs débris les terres les plus fertiles qui s'étendaient à leurs pieds. En outre, la pluie ne subissant plus de perte sur le feuillage des arbres, n'y ralentissant plus sa vitesse, et ne trouvant plus sur le sol cette couche de terreau forestier éminemment hygroscopique, les voies d'infiltration souterraines, creusées par les racines et laissées libres par leur pourriture, ni bientôt même la terre ameublie par les labours du cultivateur puisqu'elle s'est vite éboulée, s'écoule à la surface avec rapidité, creuse le sol qui n'est plus défendu par ses lacis de racines, et le sillonne de torrents, par lesquels elle produit des inondations parfois terribles, et charrie des masses énormes de pierres qui stérilisent les vallées, dégradent les ponts et les routes, et encombrent le lit des rivières et des fleuves. Ce sont surtout les terrains fortement inclinés et dénudés qui alimentent les inondations; car les plaines, à raison de leurs faibles pentes, et de leurs terres ameublies par la culture, ne permettent aux eaux versées par l'atmosphère qu'un écoulement superficiel peu rapide, et or

dinairement leur laissent le temps de s'infiltrer dans la terre qui est perméable. Enfin, pendant l'hiver, les neiges s'amoncellent sur les talus escarpés; mais, au retour de la chaleur, n'ayant pas de forêt pour les retenir et boire l'eau provenant de leur fonte, elles glissent, et souvent forment des avalanches qui complètent les désastres produits par un déboisement imprudent.

D'ailleurs, suivant la déclivité, la hauteur, la composition géologique et l'ancienneté des montagnes auxquelles appartiennent les versants à pentes rapides, le danger du défrichement variera.

L'instabilité des talus et la vitesse de l'eau courante augmentant avec la déclivité, le danger du déboisement croîtra donc avec celle-ci.

Les montagnes sont des réfrigérants qui forment et condensent les nuages, et, en même temps, des remparts contre lesquels les vésicules des nuages, poussées par le vent et enchaînées par leur pesanteur spécifique, sont forcées de se rompre et de tomber en pluie. Plus les montagnes sont élevées, et plus d'eau elles reçoivent ainsi des météores aqueux; parce que, d'un côté, elles sont des condensateurs

plus froids et partant plus actifs, et que, d'un autre, elles arrêtent mieux les nuages qui, d'ordinaire, voguent horizontalement et à de grandes hauteurs.

Les montagnes formées de roches primitives ou liasiques n'absorbent guère la pluie, lorsqu'elles sont dépouillées de terre végétale; tandis que celles formées de roches oolitiques ou crayeuses reçoivent l'eau dans leurs fentes ou leurs pores, et ne la laissent s'écouler à leur superficie que par de violents orages. En revanche, plus les roches sont inconsistantes et friables, et plus les torrents qui y creusent leur lit vomissent de matériaux rocheux.

L'époque du soulèvement des montagnes n'a pas moins d'importance que leur déclivité, leur hauteur et leur composition géologique. Les montagnes soulevées les dernières n'ont pas encore eu le temps de prendre leur forme définitive, elles offrent des versants abrupts qui tendent à se remplacer [par des talus réguliers. Les forêts seules peuvent abriter du danger ce mouvement, en le modérant par leurs digues vivantes qui montent avec les attérissements et les dominent toujours. Nos montagnes les plus récentes, ce sont les volcans de l'Auvergne et du Vi

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