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coup de canon tiré du rivage. Dans ces limites les droits de propriété et de juridiction territoriale sont absolus et excluent ceux de toutes les autres nations 1.

Les expressions côtes et rivages comprennent les parties de terre qui s'élèvent au-dessus de la mer quand même elles ne sont pas assez fermes pour pouvoir être habitées, mais ne s'étendent nullement aux parties de terre qui sont perpétuellement couvertes d'eau, quoique ces parties de terres puissent être considérées comme un prolongement des côtes. La règle du droit des gens à cet égard est celle-ci: terræ potestats finitur ubi finitur armorum vis. Depuis que l'on se sert d'armes à feu, cette distance a ordinairement été considérée comme de trois milles. Il est entendu que cette distance ne commence à compter que depuis le point où la mer est navigable 2.

Dans une cause soumise à sir W. Scott (lord Stowell), juge de la cour d'amirauté d'Angleterre, au sujet de la légalité d'une prise faite sur le territoire neutre des États-Unis à l'embouchure du Mississipi, la question s'est élevée de savoir quel était le rivage à l'embouchure du fleuve, puisqu'il se trouve à cet endroit une foule de petites iles formées de boue et de troncs d'arbres, qui

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'GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II. cap. 1, § 10. BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. vIII. Idem, de Dominio maris, cap. II. VATTEL, liv. I, chap. XXIII, § 289. VALIN, Commentaire sur l'ordonnance de la marine, liv. V, tit. I. AZUNI, Diritto marittimo, pt. I, cap. 1, art. 3, § 15. GALIANI, dei Doveri dei principi neutrali in tempo di guerra, liv. I. Life and works of Sir L. Jenkins, vol. 1, p. 780.

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2 Unce dominium maris proximi non ultra concedimus, quam e terra illi imperari potest, et tamen eo usque; nulla siquidem sit ratio, cur mare, quod in alicujus imperio est et potestate, minus ejusdem esse dicamus, quam fossam in ejus territorio...... Quare omnino videtur rectius, eo potestatem terræ extendi, quousque tormenta exploduntur eatenus quippe cum imperare, tum possidere videmur. Loquor autem de his temporibus, quibus illis machinis utimur: alioquin generaliter dicendum esset, potestatem terræ finiri, ubi finitur armorum vis: etenim hæc, ut diximus, possessionem tuetur. (BYNKERSHOEK, de Dominio maris, cap. II.) Vide ORTOLAN, Diplomatie de la mer, liv II., chap. vIII.

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$7. Etendue a

donner aux et rivages.

termes côtes

semblent faire partie de la terre ferme. Il fut prétendu que ces portions de territoire ne faisaient pas partie du continent américain, et qu'elles n'appartenaient à personne, qu'elles n'étaient d'ailleurs pas assez solides pour pouvoir être habitées, et que l'on ne s'y rendait que pour prendre des nids d'oiseaux. Il fut de plus prétendu que le territoire américain ne commençait qu'à la Balise, fort qui avait été élevé sur la terre ferme à l'entrée du fleuve, par les Espagnols. Lord Stowell décida cependant que ces portions. de terre étaient sous la juridiction du territoire américain, puisqu'elles se formaient de fragments de la terre ferme elle-même. C'était sur le principe du droit romain. Quod vis fluminis de tuo prædio detraxerit, et vicino prædio attulerit, palam tuum remanet, que le savant magistrat basait sa décision 1.

La juridiction territoriale de la couronne britannique s'est de temps immémorial étendue à ces baies qui se trouvent le long de la côte de la Grande-Bretagne, et qui sont connues sous le nom de King's Chambers. Le gouvernement des États-Unis prétend avoir droit à une juridiction semblable sur la baie de Delaware et sur d'autres baies qui font partie de son territoire. D'après sir L. Jenkins, il paraît que pendant les règnes de Jacques Ier et de Charles II, l'approche des vaisseaux étrangers des côtes de l'Angleterre, de manière à entraver le commerce anglais, était défendue, et que si des prises étaient faites par des vaisseaux étrangers dans les limites des King's Chambers, la cour d'amirauté exigeait leur restitution. Par un acte adopté en 1736 (9 Geo. II. cap. 35), il fut décidé que la juridiction territoriale s'étendrait jusqu'à une distance de quatre lieues marines des côtes, pour ce qui regarde les lois de navigation et de douane. Une semblable disposition se trouve dans les règlements de douane aux États

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 385.

Unis, et dans les deux pays ces dispositions ont été reconnues conformes au droit des gens 1.

§ 8. Droit

Le droit de pêche dans les eaux voisines des côtes d'un État appartient exclusivement aux sujets de cet État. de pêche. L'exercice de ce droit entre la France et l'Angleterre a été réglé par une convention faite en 1839. L'article 9 de cette convention porte que: «Les sujets de S. M. le roi des Français jouiront du droit exclusif de pêche dans le rayon de 3 milles, à partir de la laisse de basse mer, le long de toute l'étendue des côtes de France, et les sujets de S. M. Britannique jouiront du droit exclusif de pêche dans un rayon de 3 milles de la laisse de basse mer, le long de toute l'étendue des côtes des îles Britanniques.

« Bien entendu que, sur cette partie des côtes de France qui se trouve entre le cap Carteret et la pointe de Monga, le droit exclusif de pêche n'appartiendra qu'aux sujets français en dedans des limites mentionnées en l'article 1er de la convention.

«Il est également entendu que le rayon de 3 milles, fixant la limite générale du droit exclusif de pêche sur les côtes des deux pays, sera mesuré, pour les baies dont l'ouverture n'excédera pas 10 milles, à partir d'une ligne droite allant d'un cap à l'autre 2. »

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Par l'article 1er de la convention faite en 1818 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, certaines limites. furent assignées à la pêche des citoyens des États-Unis sur les côtes des possessions britanniques en Amérique; hors de ces limites il était défendu auxdits citoyens de pêcher dans un rayon de 3 milles de ces côtes 3.

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1 Life and works of Sir L. Jenkins, vol. II, p. 727, 728, 780. Opinion of the United-States Attorney-General on the capture of the British ship Grange in the Delaware bay, 1793, WAITE'S American State papers vol. I, p. 75. DODSON'S Admiralty reports, vol. II, p. 245. Le Louis. CRANCH'S Reports, vol. II, p. 487. VATTEL; Droit des gens; liv. I, chap. xx, § 281.

2 Annales maritimes et coloniales, 1839, 1er partie, p. 281. 3 ELLIOT'S Diplomatic code, vol. 1, p. 284.

§ 9. Prétentions

Outre les baies, les golfes, les embouchures de fleuves a certaines et les détroits qui se trouvent sur les côtes d'un État, cer

parties

de la mer, taines nations ont prétendu avoir droit à une juridiction

fondées

sur la

prescription. Sur certaines parties de la mer, en se fondant pour cela

La mer Noire,

sur un long usage. Telle était, par exemple, la souveraineté que réclamait la république de Venise sur la mer Adriatique. La suprématie maritime réclamée par la GrandeBretagne sur les mers qui baignent leurs côtes (Narrow seas) a seulement consisté à demander certains honneurs pour le pavillon anglais dans ces mers. Cette suprématie n'a du reste jamais été généralement reconnue 1.

Si la navigation de deux mers, unies par un détroit, est libre, la navigation de ce détroit doit l'être aussi. Quand même les deux rivages du détroit sont formés par le territoire d'un même souverain, et que le détroit est si peu large, qu'il soit à portée de canon des deux rives, la juridiction territoriale absolue du souverain sur ce détroit est limitée par le droit qu'ont d'autres nations de communiquer librement d'une mer à l'autre. Ce droit peut cependant être modifié par une convention spéciale dans les cas où le passage libre dans un détroit mettrait en danger la sûreté de l'État dans lequel il se trouve. C'est ainsi que le passage du détroit peut rester libre aux bâtiments marchands des nations ayant droit de naviguer dans les mers entre lesquelles il sert de voie de communication, tandis qu'il peut rester fermé aux bâtiments de guerre en temps de paix.

Tant que les rivages de la mer Noire étaient exclusivele Bosphore ment soumis à la Turquie, cette mer pouvait à bon droit

et les Dardanelles.

être appelée mare clausum, et la Porte ottomane avait donc le droit incontestable d'empêcher les bâtiments étrangers de passer par le détroit qui la lie à la mer Méditer

MARTENS,

1 VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. xxIII, § 289. Précis du droit des gens moderne de l' Europe, liv. II, chap. 1, § 42. Edinburgh Review, vol. XI, art. 1, p. 17-19.

ranée. Mais depuis les acquisitions territoriales faites par la Russie et les établissements de commerce formés par elle dans ces contrées, cet empire, ainsi que d'autres puissances européennes, ont acquis le droit de naviguer librement dans les Dardanelles et le Bosphore. Ce droit fut expressément reconnu dans le 7 article du traité d'Andrinople signé en 1829, entre la. Russie et la Porte, tant à l'égard des bâtiments russes qu'à l'égard de ceux des autres puissances en paix avec la Porte 1.

Le droit qu'ont les bâtiments étrangers de naviguer dans ces mers ne s'étend pas aux bâtiments de guerre. L'ancienne règle de l'empire ottoman qui défend l'entrée du Bosphore et des Dardanelles aux bâtiments de guerre étrangers fut expressément indiquée dans le traité signé à Londres le 13 juillet 1841, entre les cinq grandes puis

sances.

L'article 1er de cette convention déclarait, d'une part, la résolution du sultan de maintenir à l'avenir cette règle de l'empire ottoman, et de ne permettre, en temps de paix, à aucun bâtiment de guerre d'entrer dans les deux détroits, et, d'autre part, l'engagement que prenaient les cinq, grandes puissances de respecter la détermination du sultan et de se conformer au principe ci-dessus indiqué.

L'article 2 stipulait que, tout en déclarant l'inviolabilité de cette ancienne règle de son empire, le sultan se réservait le droit d'accorder des firmans pour l'entrée des détroits aux petits navires armés qui se trouvaient au service des légations des puissances amies de la Porte 2.

et

La suprématie réclamée par le roi de Danemark sur le Sund et les deux Belts, détroits entre la mer Baltique l'Océan, repose, selon les publicistes danois, sur la prescription sanctionnée par une longue succession de traités avec d'autres puissances. Selon ces écrivains, la prétention

1 MARTENS, Nouveau Recueil, t. VIII, p. 143.

2 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. II, p. 260.

Souverai

neté du roi

de Danemark

sur le Sund

et les Belts.

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