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à la souveraineté soutenue par le roi de Danemark a été exercée depuis les temps les plus reculés pour la protection du commerce contre les pirates et d'autres ennemis, au moyen de bâtiments armés sur les côtes, et contre les dangers de la mer par l'établissement de phares. Les Danois demeurèrent pendant plusieurs siècles maîtres des deux rives du Sund, la, province de Scanie n'ayant été cédée à la Suède que par le traité de Roeskild en 4658, traité confirmé par celui de 1660, dans lequel il fut de plus stipulé que la Suède ne devait jamais réclamer les droits du Sund, mais se contenter d'une compensation pour le maintien des phares sur les côtes de la Scanie. Le droit exclusif du Danemark fut reconnu dès 1368, par un traité entre cet État et les villes anséatiques, et par celui de 1490 avec Henri VII, roi d'Angleterre, dans lequel il était défendu aux bâtiments anglais de passer dans le grand Belt et le Sund, sauf dans des cas de nécessité absolue, et dans ces cas même ils devaient payer les droits à Wiborg, comme s'ils avaient passé le Sund à Elseneur. Le traité conclu à Spire en 1544 avec l'empereur CharlesQuint, et qui est ordinairement considéré comme le premier acte reconnaissant le droit du Danemark à lever cet impôt sur le Sund, stipule seulement que les négociants flamands passant par le Sund payeront le même droit que par le passé.

Le traité signé en 1645, à Christianople, entre les PaysBas, est la convention la plus ancienne qui indique d'une manière certaine le tarif des droits à prélever sur les bâtiments hollandais passant par le Sund et le grand Belt. Ce tarif fixait aussi les droits à payer sur chaque objet indiqué dans la liste, et ordonnait que « les marchandises non énumérées devaient payer suivant l'usage du commerce et ce qui avait été pratiqué depuis les temps anciens 1. »

1 SCHERER, der Sundzoll, seine Geschichte, sein jetziger Bestand und seine staatsrechtlich-politische Lösung, § 205.

En 1701 un traité fut conclu entre les deux États, pour éclaircir l'obscurité du traité de Christianople à l'égard des marchandises non énumérées dans le tarif. D'après l'article 3 du nouveau traité, il fut déclaré que quant aux objets non spécifiés dans le premier traité «les droits du Sund seront payés d'après leur valeur, c'est-à-dire d'après les lieux d'où ils viennent, et il sera payé un droit fixe d'un pour cent de leur valeur 1. »

Dès lors les deux traités de 1645 et de 1701 constituèrent la loi conventionnelle sur les droits du Sund. Ils sont constamment cités dans les traités postérieurs entre le Danemark et d'autres puissances, comme établissant l'échelle normale d'après laquelle ces droits doivent être réglés à l'égard des nations privilégiées. Celles qui ne le sont pas payent l'ancien droit sur les articles énumérés, et un quart pour cent de la valeur des marchandises non énumérées 2.

de 1841.

Une révision de l'ancien tarif des droits du Sund de Convention 1645 à eu lieu par suite des conventions conclues à Londres et à Elseneur en 1841, entre le Danemark et la Grande-Bretagne. D'après cet arrangement, les droits sur les marchandises non-énumérées furent fixés, et ceux sur les autres réduits; quelques abus qui s'étaient introduits dans la manière de lever ces droits furent rectifiés 3.

La mer
Baltique

mer fermée?

La mer Baltique est considérée par les puissances maritimes qui ont des possessions sur les côtes, comme une est-elle une mer fermée, en temps de guerre, à toutes les puissances qui n'y ont pas de possessions. Ce principe fut énoncé dans les traités de neutralité armée de 1780 et de 1800, et par le traité de 1794 entre le Danemark et la Suède.

1 SCHERER, der Sundzoll, etc., § 205.

2 SCHLEGEL, Staatsrecht des Königreichs Dänemark, Thl. I, Cap. vii, § 27-29.

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* SCHERER, der Sundzoll, etc., Beilage, Nr. 8-9. WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 205-213.

§ 10. Controverse

souveraineté

des mers.

Lors de la déclaration de guerre en 1807, de la Russie contre la Grande-Bretagne, l'inviolabilité de la mer Baltique et les garanties réciproques faites par les puissances baltiques furent regardées par la Russie comme aggravant les torts de la Grande-Bretagne lors de l'entrée de ses vaisseaux dans le Sund et le bombardement de Copenhague. Le gouvernement anglais, de son côté, niait qu'il eut jamais admis les principes sur lesquels on fait reposer l'inviolabilité de la mer Baltique, quoique dans certaines circonstances il avait pu sembler les reconnaître.

La question de la souveraineté des mers, qui, à vrai au sujet de la dire, n'en est pas une aujourd'hui, a été traitée par les publicistes les plus distingués. Grotius, dans son traité sur les lois de la paix et de la guerre, n'admet guère que la possibilité de s'approprier les eaux voisines du territoire, quoiqu'il cite une foule d'auteurs anciens, pour prouver qu'une souveraineté plus étendue a souvent été sanctionnée par l'usage et par l'opinion. Mais Grotius a toujours limité cette souveraineté à des bornes restreintes; aussi arle-t-il toujours à ce sujet de partie de la mer (pars maris), et jamais de l'Océan tout entier 1. Dans son ouvrage de Mare libero, publié en 1609, il avait déjà soutenu le droit commun des hommes à la libre navigation, au commerce et à la pêche dans l'Atlantique et dans la mer Pacifique contre les prétentions exclusives de l'Espagne et du Portugal, fondées sur la priorité de découverte. La prétention à la souveraineté des mers qui avoisinent les îles Britanniques, soutenue par le souverain de ces îles, fut défendue pas Albericus Gentilis dans son Advocatio hispanica, publiée en 1613. Dans l'ouvrage intitulé Mare clausum, publié par Selden en 1635, les principes généraux adoptés par Grotius furent mis en question, et les prétentions de l'Angleterre furent encore plus fortement défen

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lic. II, cap. 1, § 8-13.

dues que par Gentilis. Fra Paoli Sarpi, le célèbre historien du concile de Trente, écrivit également une défense des prétentions de la république de Venise à la souveraineté de la mer Adriatique 1. Bynkershoek a examiné la question dans un de ses premiers ouvrages, avec cette clarté et cette vigueur qui caractérisent tous les ouvrages de cet illustre publiciste. I admet que des parties de la mer peuvent être soumises à une souveraineté exclusive, quoiqu'il nie la validité des prétentions du souverain de l'Angleterre à la souveraineté des mers qui entourent cet État, parce que, dit-il, ces mers n'ont pas été soumises sans interruption à cette domination 2. Puffendorf pose en principe que dans une petite mer la souveraineté appartient au souverain du pays qui l'entoure, ou bien est partagée, s'il y a plusieurs souverains habitant sur ses côtes, comme cela arrive dans le cas d'un lac sur les bords duquel résident plusieurs propriétaires. Quant à l'idée que la pleine mer puisse jamais devenir propriété, il la repousse avec indignation 3. On pourrait regarder l'autorité de Vattel comme explicite dans le même sens, s'il ne l'avait affaiblie en admettant que quoique le droit de pêche ne puisse pas être réclamé par un État sous le prétexte d'un usage immémorial, ni perdu pour les autres en vertu du principe

1 PAOLO SARPI, Del Dominio del mare Adriatico e sui reggioni per il jus belli della serenissima republica di Venezia. Venet. 1676. In-12. 2 De dominio maris. Opero minora. Dissert. V. Publié pour la première fois en 1702.

Nihil addo, quam sententiæ nostræ hanc conjectionem: Oceanus, qua patet, totus imperio subjici non potest; pars potest, possunt et maria mediterranea, quotquot sunt, omnia. Nullum tamen mare mediterraneum, neque ulla pars Oceani ditione alicujus principis tenetur, nisi qua in continentis sit imperio. Pronunciamus mare liberum, quod non possidetur vel universum possideri nequit, clausum, quod post justam occupationem navi una pluribusve olim possessum fuit, et si est in fatis, possidebitur posthac; nullum equidem nunc agnoscimus subditum, cum non sufficiat id affectasse, quin vel aliquando occupasse et possedisse, nisi etiamnum duret pessessio, quæ gentium hodie est nullibi; ita libertatem et imperium, quæ haud facile miscentur, una sede locamus. (Ibid., cap. vir ad finem.)

3 De Jure naturæ et gentium, lib. IV, cap. v. § 7.

de prescription ou par le non-usage; cependant cela peut arriver lorsque le non-usage revêt la nature d'un consentement, et devient ainsi un titre en faveur d'une nation envers une autre 1.

Les raisonnements dont on s'est servi de part et d'autre dans cette discussion sont souvent vagues et peu concluants. C'est qu'en effet il n'y a que deux raisons décisives dans la question. La première, qui est toute physique, suffirait à elle seule; si donc on y ajoute la seconde, qui est d'une nature morale, toute la question sera décidée.

I. Une chose ne peut devenir la propriété d'un homme à moins de passer en sa possession. Pour que la mer pût devenir la propriété d'une nation, il faudrait donc que cette nation pût en prendre possession et la conserver. Cela n'est pas possible pour la mer.

II. En second lieu, la mer est un élément qui appartient également à tous les hommes de même que l'air. Aucune nation n'a donc le droit de s'en approprier, quand même cela lui serait physiquement possible.

Il est donc démontré que la mer est libre, et que par suite l'usage de la mer reste ouvert et commun à tous 2.

Nous avons déjà vu que, par l'usage général des nations, qui forme la base du droit international, le territoire maritime de chaque État s'étend:

4° Aux ports, aux hâvres, aux baies, aux embouchures de fleuves et aux parties de mer réservées dans le territoire de cet État.

2o A une étendue d'une lieue marine des côtes ou bien aussi loin que peut porter un coup de canon.

3o Aux détroits qui lient deux mers, et qui sont à portée de canon des deux rives 3.

1

VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. XXIII, § 279-286.

2 ORTOLAN, Règles internationales de la mer, vol. I. p. 123-126, 3 Vide supra, § 6-9.

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