Page images
PDF
EPUB

les priviléges et les garanties, par la simple opération de la loi, sont ordinairement considérés comme moyen de recours et non de droit; comme appartant à la lex fori, et non à l'essence du contrat 1.

On peut donc regarder comme douteuse, a priori, la question de savoir si, par le code prussien, le droit du propriétaire est un droit réel quant à l'effet, du moins, de le mettre sur le pied de propriété transférée par contrat, car c'était là l'argument.

Mais supposez que tel soit l'effet ordinaire, par l'opération de la loi, du contrat entre le propriétaire et le locataire, cet effet peut-il atteindre quelqu'un non soumis à la loi, non justiciable de la juridiction, et, d'après la fiction de la loi, non résidant dans le pays du contrat?

Par cette supposition, c'était un incident de la loi des rapports entre le propriétaire et son locataire, et ce droit roulait sur un contrat tacite. On supposait que le locataire consentait à prendre la maison aux conditions ordinaires; mais qu'une de ces conditions était que s'il manquait de payer le loyer ou les indemnités dues pour dommages faits à ladite maison, le propriétaire aurait un recours par saisie-gagerie. Il fut donc conclu que ce n'était ni la loi ni le juge, mais le locataire lui-même qui avait transféré, quasi contractu, cet intérêt sur sa propriété. Mais si ce raisonnement était correct, pourquoi ne s'appliquerait-il pas au cas de contrainte par corps et de fourniture de caution, ou à tout autre cas de saisie? Le consentement pourrait être aussi bien impliqué là qu'en faveur du propriétaire. Certe la même induction pourrait raisonnablement s'étendre à toute espèce de lois, et les ministres étrangers pourraient être universellement soumis par contrat à la juridiction civile. La présomption impliquée dans le contrat par la loi locale, et obligeant les parties soumises

STORY, Conflict of laws, § 423-456, 2a Ed.

à la juridiction, est repoussée par l'immunité et l'exterritorialité du ministre. Celui qui entre en contrat avec un autre connait ou doit connaître la juridiction de ce dernier. C'est l'avis d'Ulpien (I. 19, pref. D. de R. S.), et le propriétaire qui loue sa maison à un ministre étranger renonce au recours de la loi dont il sait le ministre exempt.

Le gouvernement américain pencha donc, en l'absence de toute autorité contraire, à croire que la loi civile prussienne, convenablement interprétée, n'autorisait en fait aucune prétention semblable à celle élevée par le propriétaire dans l'exemple présent. Mais en supposant même qu'elle autorisât cette prétention, elle ne devait pas plus déroger dans ce cas au droit des gens établi que dans le cas d'une contrainte par corps. Les opinions citées plus haut semblaient au gouvernement américain entièrement concluantes sur ce point, et il fut entièrement conforme dans cette manière de voir par l'acte du congrès déclaratoire du droit des gens et par l'opinion des autres gouvernements. Enfin toutes les raisons revendiquées pour les immunités diplomatiques, et universellement reconnues maintenant, semblent justes comme applicables au cas de gages et d'hypothèques en faveur des propriétaires, pour les recours de toute autre espèce. Assurément rien ne le pouvait mieux démontrer que la tentative du propriétaire dans le cas présent, par le moyen de son prétendu gage, pour forcer le ministre à payer des dommages fixés à son gré pour un détriment prouvé seulement par son allégation 1.

Le gouvernement prussien déclara que son opinion sur le point controversé demeurait invariable, et ne pouvait être changée par le raisonnement qui précède, et les autorités citées à l'appui. A son point de vue, la question

1 Depeche de M. Legare à M. Wheaton, 9 juin 1843.

n'était pas si le bailleur avait le droit de retenir une partie du mobilier appartenant au locataire et trouvé dans les lieux loués à l'expiration du contrat pour sûreté des dommages encourus pour leurs dégradations; mais si le bailleur en exerçant son droit de retenir les meubles avait commis une violation aux priviléges des agents diplomatiques, ou au moins un acte punissable; et si pour cette raison on pouvait le forcer sommairement, et avant la prononciation du juge compétant sur sa réclamation, à rendre les meubles ainsi retenus. Cette dernière question ayant été résolue négativement, la décision de la première devait nécessairement être réservée aux tribunaux compétents.

Le privilége de l'exterritorialité consiste dans le droit de l'agent diplomatique d'être exempt de toute dépendance du pouvoir souverain du pays près le gouvernement duquel il est accrédité. Il s'ensuit que l'État ne peut exercer contre lui aucun acte quelconque de juridiction, et comme, par une conséquence naturelle de ce principe, les tribunaux du pays n'ont pas en général le droit de connaître des controverses concernant les ministres étrangers, ils ne sont pas non plus autorisés, dans le cas particulier d'une controverse résultant d'un contrat de louage, à ordonner la saisie du mobilier d'un ministre public.

Si donc le privilége de l'exterritorialité ne se rapporte qu'aux relations existant entre l'agent diplomatique et le souverain pouvoir du pays où il réside, il est également évident que la violation de ce privilége ne peut être commise que par les autorités de ce pays et non par une personne privée. Les relations légales des sujets du pays ne sont, à aucun égard, directement changées par le principe de l'exterritorialité; ce n'est qu'indirectement que ce principe peut opérer sur ces relations; de sorte que dans les différends des citoyens, le sujet n'a pas le droit d'invoquer l'intervention des autorités de son pays contre le ministre étranger contre lequel il peut avoir une réclama

tion à faire, et s'il veut commencer des poursuites contre lui, il doit s'en référer aux tribunaux du pays même du ministre. Si d'un autre côté le sujet peut se faire justice luimême sans avoir recours aux autorités de son pays, sa position à l'égard du ministre étranger est absolument la même que si le différend se fût élévé avec un de ses compatriotes.

Il est presque inutile d'observer qu'en pareil cas la partie ne doit pas sortir des limites généralement permises. S'il employait la violence, il se rendrait coupable d'infraction à la loi, et serait punissable comme si la partie adverse était habitante du pays.

Dans la controverse en question, aucune autorité dépendant du gouvernement prussien n'avait participé, soit directement soit indirectement, à la saisie des meubles du ministre américain; le propriétaire de la maison les ayant retenus de son propre mouvement, il n'y avait donc pas de violation du privilége de l'exterritorialité. Il n'y avait aucune preuve de violence commise par lui, et le simple fait de la retenue des meubles ne pouvait être considéré comme un acte illégal.

En principe tout propriétaire d'une maison, bien qu'il l'ait louée à une autre personne, reste en possession de sa propriété. Il suit de là que les effets mobiliers apportés dans ladite maison par le locataire, peuvent être considérés à quelques égards comme en la possession du propriétaire. C'est pour cette raison que le droit civil de Prusse, de même que celui de la plupart des États de l'Europe, donne au propriétaire une garantie sur le mobilier du locataire, pour sûreté du payement du loyer. La question de savoir jusqu'à quel point ce droit fondé sur la loi positive d'un pays particulier peut être exercé contre un ministre étranger, doit être mise hors de considération, puisque l'acte de retention ne peut être regardé comme illégal et punissable, et en pareil cas il appartient aux tri

§ 18. Droits

et taxes.

$ 19. Messagers

bunaux de justice de se prononcer sur les droits que peut avoir acquis le propriétaire au moyen de cet acte 1.

La personne et les effets mobiliers du ministre ne sont pas sujets aux impôts. Il est exempt de droits d'importation sur les articles à son usage personnel et à celui de sa famille. Mais cette dernière exemption est maintenant, selon l'usage de la plupart des nations, limitée à une somme déterminée, pendant la durée de la mission. Il est soumis au payement des droits de péage et des postes aux lettres. L'hôtel qu'il habite, quoique exempt du logement des troupes, est soumis aux impôts, ainsi que les

autres propriétés foncières du pays, soit qu'il appartienne au ministre ou à son gouvernement; et bien qu'en général sa maison soit inviolable, et que les agents de la police, des douanes, ou de l'accise, n'y puissent pénétrer sans sa permission, les abus qu'entraîna ce privilége en faisant dans certains pays un asile pour les coupables, le restreignirent de beaucoup dans l'usage moderne des nations 2.

La pratique des nations a aussi étendu l'inviolabilité et courriers. des ministres publics aux messagers et aux courriers envoyés avec des dépêches aux légations ou par les légations établies dans différents pays. Ils sont exempts de toute espèce de visites et de recherches en traversant les territoires des puissances amies de leur gouvernement. Pour que cette exemption ait de l'effet, ils doivent être munis de passeports de leur gouvernement, attestant leur caractère officiel, et, dans le cas de dépêches par mer, le vaisseau, ou aviso, doit être aussi muni d'une commission ou patente. En temps de guerre, un arrangement spécial, au moyen de cartel ou de pavillon de trève et de

1 Lettre du baron de Bulow à M. Wheaton, 5 juillet 1844. Voyez un examen remarquable de la controverse ci-dessus par M. FOELIX, le savant éditeur de la Revue du droit français et étranger, t. II, p. 34.

2 VATTEL, liv. IV, chap. ix, § 117 et 118. MARTENS, Précis, etc., liv. II, chap. v, § 220. Manuel diplomatique. chap. 1, § 30, 34. MERLIN, Répertoire, tit. Ministre public, sect. v, § 5, no 23.

« PreviousContinue »