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patentes, non-seulement de leur propre gouvernement, mais encore, du gouvernement ennemi, est nécessaire pour préserver ces vaisseaux de depêches d'interruption entre puissances belligérantes. Mais un ambassadeur ou autre ministre public résidant en pays neutre, à l'effet de conserver les relations de paix et d'amitié entre l'État neutre et son gouvernement, a le droit d'envoyer librement ses dépêches dans un vaisseau neutre, qui ne saurait être inquiété par les croisières d'une puissance en guerre avec son pays 1.

§ 20. Passage

d'un ministre travers le

public à

territoire d'un État autre que celui auprès duquel il es

L'opinion des publicistes semble quelque peu divisée sur la question du respect et de la protection à accorder à un ministre public qui traverse le territoire d'un État autre que celui auprès duquel il est accrédité. L'inviolabilité des ambassadeurs sous l'empire du droit des gens ne lie, ainsi que Grotius et Bynkershoek, entre autres, le accrédité. comprennent, que les États qui les envoient et ceux qui les reçoivent 2. Wicquefort, en particulier, qui a toujours été considéré comme le plus courageux champion des droits des ambassadeurs, affirme que l'assassinat des ministres du roi de France, François 1er sur les terres de l'empereur Charles-Quint, quoiqu'un meurtre atroce, ne portait aucune atteinte au droit des gens en ce qui touche les priviléges des ambassadeurs. On peut le regarder comme une violation du droit de passage inoffensif qu'aggravait encore la circonstance du caractère de dignité des victimes du crime; on peut même le regarder comme une juste cause de guerre contre l'empereur, sans y comprendre la question de protection au caractère d'ambassadeur, qui résulte exclusivement d'une présomption légale,

1 VATTEL. liv. IV, chap. 1x, § 123. chap. XIII, § 250.

La Caroline.

MARTENS, Précis, etc., liv. VII,
ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. VI, p. 466.

2 GROTIUS, de jure belli ac pacis, lib. II, cap. xvш, § 5. KERSHOEK, de Foro competenti legatorum, cap. ix, § 7.

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et qui ne peut exister qu'entre le souverain qui envoie l'ambassadeur et celui à qui il est envoyé 1.

Vattel, d'un autre côté, déclare qu'un ambassadeur a besoin de passeports en traversant différents territoires pour se rendre au poste qui lui est destiné, afin de faire reconnaître son caractère public. Il est vrai que le souverain à qui il est envoyé, est plus spécialement obligé à faire respecter les droits attachés au caractère de l'ambassadeur, mais celui-ci n'est pas le moins du monde en droit de prétendre, sur le territoire d'une puissance tierce, au respect dû à l'envoyé d'un souverain ami. Il est surtout admis à jouir d'une sécurité personnelle complète; lui faire injure et l'insulter, serait injurier et insulter son souverain et sa nation entière; l'arrêter ou commettre sur sa personne tout autre acte de violence, serait enfreindre les droits d'ambassade qui appartiennent à tout souverain. François 1er avait donc toute justice à se plaindre de l'assassinat de ses ambassadeurs, et, sur le refus de Charles-Quint de donner satisfaction, à déclarer la guerre à ce prince. «Si le passage innocent est dû, même avec une entière sûreté, à un simple particulier, à plus forte raison le doit-on au ministre d'un souverain qui va exécuter les ordres de son maître, et qui voyage pour les affaires d'une nation. Je dis le passage innocent; car si le voyage du ministre est justement suspect, si un souverain a lieu de craindre qu'il n'abuse de la liberté d'entrer dans ses terres pour y tramer quelque chose contre son service, il peut refuser le passage. Mais il ne doit pas le maltraiter ni souffrir qu'on attente à sa personne. S'il n'a pas des raisons assez fortes pour lui refuser passage, il peut prendre des précautions contre l'abus que le ministre en pourrait faire 2.»

Il limite ensuite ce droit de passage aux ambassadeurs

1 WICQUEFORT, de l'Ambassadeur, liv. I. § 29, p. 433, 439. 2 VATTEL, Droit des gens, liv. IV, chap. vi, § 84, 85.

de souverains qui sont en relations de paix et d'amitié avec l'État que ces ambassadeurs ont à traverser; et il cite, à l'appui de cette restriction du droit, le cas du maréchal de Bellisle, ambassadeur de France en Prusse en 1744 (la France et la Grande-Bretagne étant alors en guerre), qui, en essayant de traverser le Hanovre, fut arrêté et conduit prisonnier en Angleterre 1.

Bynkershock soutient que les ambassadeurs qui traversent le territoire d'un État autre que celui auprès duquel ils sont accrédités, sont justiciables de la juridiction locale civile et criminelle, de la même manière que les autres étrangers qui doivent à l'État une obéissance temporaire. I interprète l'édit des États-Généraux de 1679, qui exempte. de l'arrestation la personne, les domestiques. et les effets des ambassadeurs, »hier te lande komende, residerende of passerende,» comme s'étendant seulement aux ministres publics, actuellement accrédités auprès de leur haute puissance. I considère le dernier terme mentionné passerende comme s'appliquant non pas à ceux qui, venant d'ailleurs, ne font que traverser les terres de l'État pour aller dans un autre pays, mais seulement à ceux qui vont quitter l'État où ils ont résidé comme ministres accrédités près du gouvernement de cet État 2.

Merlin regarde cette interprétation comme forcée. « Le mot passer en français et passerende en flamand n'a jamais désigné un homme qui s'en retourne, mais un homme qui étant venu ne s'arrête pas et va plus loin. Il faut donc dire que la loi dont il s'agit attribue aux ambassadeurs qui ne font que traverser les Provinces-Unies, la même indépendance qu'à ceux qui vont y résider. On objectera sans doute avec Bynkershoek que les États- Généraux, c'est-à-dire les auteurs de cette même loi, ont fait arrêter,

2

1 CH. DE MARTENS, Causes célèbres du droit des gens, t. I, p. 311. BYNKERSHOEK, de Foro legatorum, cap IX. WHEATON, Hist. law of nations, p. 243.

au mois de février 1717, le baron de Gortz, ambassadeur de Suède qui ne faisait que passer parmi eux, et cela à la réquisition du roi d'Angleterre, contre lequel il avait tramé une conspiration à Londres. Mais Bynkershoek nous fournit lui-même la réponse à cet exemple. «La seule raison (dit-il) que les États-Généraux ont alléguée de ce procédé, c'est que cet ambassadeur ne leur avait point présenté ses lettres de créance. » » Cette raison (continue Merlin) était effectivement la seule des ÉtatsGénéraux; mais pour être isolée, elle n'en était pas moins solide. Quand on dit qu'un ambassadeur doit jouir dans les pays par lesquels il ne fait que passer de l'indépendance attachée à son caractère, cela s'entend, pourvu qu'il les traverse en ambassadeur, c'est-à-dire après s'être fait annoncer, et avoir obtenu la permission de passer comme tel. Cette permission met le souverain qui l'a accordée, dans la même obligation que si c'était à lui-même que le ministre public fût envoyé et qu'il l'eût admis. Mais aussi, sans cette permission, l'ambassadeur doit être considéré comme un voyageur ordinaire, comme un simple passager, et conséquemment rien ne s'oppose à ce qu'on l'arrête, quand il y a contre lui des causes qui seraient suffisantes pour faire arrêter un particulier 1. »

A ces observations du savant jurisconsulte Merlin, on peut ajouter que l'inviolabilité d'un ministre public, dans ce cas, repose sur le même principe que celle de son souverain venant sur le territoire d'un État ami avec la permission expresse ou tacite du gouvernement local. Tous deux ont également droit à la protection de ce gouvernement, contre tout acte de violence et toute espèce de contrainte incompatible avec leur caractère sacré.

Nous avons dit permission expresse ou tacite, parce qu'un ministre public, accrédité près d'un pays, et qui entre sur le territoire d'un autre pays en faisant connaitre son 1 MERLIN, Répertoire, tit. Ministre public, sect. V, § 3, n° 4, 12.

caractère officiel dans la forme ordinaire, peut se prévaloir autant de la permission que l'absence de prohibition lui accorde implicitement que pourrait le faire le souverain lui-même dans un cas semblable 1.

$21. Liberté du culte

Un ministre résidant en pays étranger jouit du privilége de culte religieux, dans sa chapelle privée, selon le rit de réligieux. sa religion nationale, quoique cette religion puisse ne pas être généralement tolérée par les lois de l'État où il réside. Depuis l'époque de la Réforme, ce privilége a été assuré entre les nations catholiques et protestantes de l'Europe. La même jouissance est aussi accordée aux ministres publics et aux consuls des puissances chrétiennes en Turquie et dans les États Barbaresques. L'esprit croissant d'indépendance religieuse et de libéralisme a graduellement étendu ce privilége jusqu'à souffrir dans la plupart des pays l'établissement de chapelles publiques attachées aux différentes ambassades étrangères, dans lesquelles non-seulement les étrangers de la même nation, mais même les nationaux du pays qui suivent la même religion, sont admis au libre exercice de leur culte particulier. Ceci ne s'étend pas en général aux processions publiques, à l'usage des cloches, ou autres rits extérieurs célébrés hors des murs de la chapelle 2.

§ 22. Les

consuls ne

jouissant pas des privilèges particuliers

publics.

Les consuls ne sont pas des ministres publics. Quelque protection qu'il leur soit accordée dans l'exercice de leurs devoirs officiels, quelque privilége spécial que leur confèrent les lois locales et les usages, ou les traités inter- de ministres nationaux, ils ne jouissent pas, selon le droit des gens général, des immunités particulières des ambassadeurs. Aucun État n'est forcé de souffrir chez lui des consuls étrangers, s'il n'a été par convention stipulé qu'il en recevrait. Les consuls doivent être admis par le souverain 1 Vide supra, pt. II, chap. II, § 9. 2 VATTEL, liv. IV, chap. vII, § 104. MARTENS, Précis, etc., liv. VII. chap. vi. § 222—226. KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe,

pt. II. tit. II. chap. 1, § 215, 216.

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