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spéciales de commerce, de cartels d'échange de prisonniers, d'armistices, ou de capitulations de forteresse, de ville, ou de province. Ces conventions n'ont pas besoin, en général, de la ratification du pouvoir suprême de l'État, à moins que cette ratification ne soit expressément réservée dans l'acte lui-même 1.

De tels actes ou engagements, quand ils sont faits sans autorisation, ou quand ils excèdent l'autorisation dont ils ont besoin pour être faits, se nomment sponsions. Il faut que ces conventions soient confirmées par ratification expresse ou tacite. La première est donnée en termes positifs et dans les formes usuelles; l'autre est impliquée dans le fait même d'agir sous l'empire de la convention comme si l'on y était obligé par ses stipulations. Le simple silence ne suffit pas pour emporter ratification de l'une ou de l'autre des parties, quoique la bonne foi exige que la partie qui refuse doive notifier sa détermination à l'autre partie, afin d'empêcher cette dernière d'exécuter sa part du consentement. Si cependant cette exécution a eu lieu d'une manière totale ou partielle, par l'une ou l'autre des parties, agissant de bonne foi, dans la supposition que l'agent était dûment autorisé, la partie qui agit ainsi a le droit d'être indemnisée, ou replacée dans sa situation première 2.

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Plein

ratification.

Quant aux autres traités publics, pour qu'un ministre public ou autre agent diplomatique soit apte à conclure pouvoir et et à signer un traité avec le gouvernement auprès duquel il est accrédité, il faut qu'il soit muni d'un plein pouvoir indépendant de sa lettre de créance générale.

Grotius, et après lui Puffendorf, considèrent les traités et les conventions ainsi négociés et signés comme obli

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, chap. xxII, § 6, 8. VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. xiv, § 207.

2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. xv, § 16; lib. III, cap. XXII, § 1-3. VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. XIV, RUTHERFORTH'S Instit., b. II, chap. IX. § 21.

§ 209-212.

geant le souverain au nom duquel ils sont conclus, de la même manière que tout autre contrat, fait par un agent dûment autorisé, oblige son mandant selon les règles générales de la jurisprudence civile. Grotius fait une distinction entre la procuration communiquée à l'autre partie contractante, et les instructions connues seulement du mandant et de son agent. Selon lui, le souverain est obligé par les actes de son ambassadeur dans les limites de son plein pouvoir officiel, quoique celui-ci puisse avoir excédé ou violé ses instructions secrètes 1.

Cette opinion des premiers publicistes, fondée sur les analogies du droit romain relatif au contrat de mandat ou de commission, a été contestée par les écrivains plus récents.

Bynkershoek expose les vrais principes applicables à ce sujet avec cette clarté et cette précision pratique qui distinguent les écrits de ce grand publiciste. Dans le second livre de ses Quæstiones juris publici (cap. vii) il propose la question de savoir si le souverain est obligé par les actes de son ministre contraires à ses instructions secrètes. Selon lui, à résoudre la question par les règles ordinaires du droit civil, il est certain que le mandant n'est pas obligé quand l'agent excède ses pouvoirs. Mais dans le cas d'un ambassadeur il faut distinguer entre plein pouvoir général qu'il exhibe au souverain près duquel il est accrédité, et ses instructions spéciales qu'il peut conserver et qu'il conserve généralement, comme un secret entre son souverain et lui. Il déduit de l'opinion d'Albericus Gentilis de Jure belti,

1 Et in generali præpositione accidere potest ut nos obliget qui præpositus est, agendo contra voluntatem nostram sibi soli significatam: quia hi distincti sunt actus volendi: unus quo nos obligamus ratum habituros quicquid ille in tali negotiorum genere fecerit; alter, quo illum nobis obligamus, ut non agat nisi ex præscripto, sibi non aliis cognito. Quod notandum est ad ea quæ legatis promittunt pro regibus ex vi instrumenti, procuratorii, excedendo arcana mandata. (GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. xr, § 12. PUFFENDORF. de Jure naturæ et gentium, lib. III, cap. x, § 2.)

lib. III, cap. XIV), et de celle de Grotius précitée, que si le ministre n'a pas excédé le pouvoir à lui donné dans ses lettres de créance officielles, le souverain est obligé à ratifier, quoique le ministre puisse avoir dévié de ses instructions secrètes. Bynkershoek admet que si les lettres de créance sont spéciales, et décrivent les pouvoirs particuliers conférés au ministre, le souverain est forcé de ratifier tout ce qui est conclu conformément à ces pouvoirs. Mais les lettres de créance données aux plénipotentiaires sont rarement spéciales, plus rarement encore les instructions secrètes sont contradictoires avec le plein pouvoir public, et le plus rarement de tout, un ministre enfreint ses instructions secrétes 1. Mais qu'arriverait-il s'il les enfreignait? Le souverain est-il obligé à ratifier en conséquence de la promesse contenue dans le plein pouvoir? Selon Bynkershoek, l'usage des nations, au temps où il écrivait, exigeait la ratification du souverain pour valider les traités conclus par son ministre, en toute circonstance, excepté dans le cas très-rare où les instructions étaient en entier contenues dans le plein pouvoir public. Il discute la doctrine de Wicquefort (l'Ambassadeur et ses fonctions, liv. 2, § 15), condamnant la conduite de ces princes qui ont refusé de ratifier les actes de leurs ministres, sous prétexte de leur contravention avec leurs instructions secrètes. Les analogies du droit romain et les usages du peuple romain ne devaient pas être considérés comme un guide infaillible en cette matière, depuis que le temps avait amené graduellement un changement dans l'usage des nations, ce qui constitue le droit des gens. Wicquefort lui-même, dans un autre passage, avait admis la nécessité d'une ratification pour valider les actes d'un ministre faits d'après son plein

1 Sed rarum est quod publica mandata sint specialia, rarius quod arcanum mandatum publico sit contrarium, rarissimum vero, quod legatus arcanum posterius spernat et ex publico priori rem agat. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. II, cap. vn.)

pouvoir 1. Bynkershoek ne nie cependant pas qui si le ministre a agi précisément en conformité de son plein pouvoir officiel, qui peut être spécial, ou de ses instructions secrètes, qui sont toujours spéciales, le souverain ne soit obligé à ratifier ses actes et ne se soumette luimême à une imputation de mauvaise foi s'il refuse. Mais si le ministre excède son autorisation, ou entreprend de traiter des points non-contenus dans son plein pouvoir et ses instructions, le souverain est pleinement justifié à ajourner ou même à refuser sa ratification. Les circonstances particulières à chaque cas spécial doivent déter miner si la règle ou l'exception doit être appliquée 2.

Vattel considère le souverain comme obligé par les actes de son ministre dans les limites de ses lettres de créance, à moins que le pouvoir de ratifier ne soit expressément réservé, d'après l'usage établi déjà au temps où il écrivait.

« Les souverains traitent ensemble par le ministère de leurs procureurs ou mandataires, revêtus de pouvoirs suf

1 Sed quod olim obtinuit, nunc non obtinet, ut mores gentium sæpe solent mutari, nam postquam ratihabitionem usus invaluit, inter gentes tantum non omnes receptum est, ne fœdera et pacta, a legatis inita, valuerint, nisi ea probaverint principes, quorum res agitur. Ipse Wicquefort (eodem opere, 1. I, sect. 16) necessitatem ratihabitationum satis agnoscit hisce verbis: que les pouvoirs, quelque amples et absolus qu'ils soient, aient toujours quelque relation aux ordres secrets qu'on leur donne, qui peuvent être changés et altérés, et qui le sont souvent, selon les conjonctures et les révolutions des affaires. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. II, cap. vII.)

2 Non tamen negaverim, si legatus publicum mandatum, quod forte speciale est, vel arcanum, quod semper est speciale, examussim sequutus, fœdera et pacta ineat, justi principis esse ea probare, et, nisi probaverit, malæ fidei reum esse, simulque legatum ludibrio; sin autem mandalum excesserit, vel fœderbus et pactis nova quædam sint inserta, de quibus nihil mandatum erat, optimo jure poterit princeps vel differre ratihabitionem, vel plane negare. Secundum hæc damnaverim vel probaverim negatas ratihabitiones, de quibus prolixe agit Wicquefort (d. L. II, sect. 12). In singulis causis, quas ipse ibi recenset, ego nolim judex sedere, nam plurimum facti habent, quod me latet, et forte ipsum latuit. Non immerito autem nunc gentibus placuit ratihabitio, cum mandata publica, ut modo dicebam, vix unquam sint specialia, et arcana legatus in scriniis suis servare solent, neque adeo de his quicquam rescire possint, quibuscum actum est. (Ibid.)

fisants, que l'on appelle communément plénipotentiaires. On peut appliquer ici toutes les règles du droit naturel sur les choses qui se font par commission. Les droits du mandataire se définissent par le mandat qui lui est donné. Il ne doit point s'en écarter; mais tout ce qu'il promet dans les termes de sa commission, et suivant l'étendue de ses pouvoirs, lie son constituant.

Si

Aujourd'hui, pour éviter tous dangers et toutes difficultés, les princes se réservent de ratifier tout ce qui a été conclu en leur nom par leurs ministres. Le plein pouvoir n'est autre chose qu'une procuration cum libera. cette procuration devait avoir son plein effet, on ne saurait être trop circonspect à la donner. Mais les princes ne pouvant être contraints autrement que par les armes à remplir leurs engagements, on s'est accoutumé à ne faire fonds sur leurs traités qu'autant qu'ils les ont agréés et ratifiés. Tout ce qu'a conclu le ministre demeurant sans force jusqu'à la ratification du prince, il y a moins de danger à lui donner un plein pouvoir. Mais pour refuser avec honneur de ratifier ce qui a été conclu en vertu d'un plein pouvoir, il faut que le souverain en ait de fortes et solides raisons, et qu'il fasse voir en particulier que son ministre s'est écarté de ses instructions 1».

La moindre réflexion suffira pour montrer combien est grande la différence qui existe entre le pouvoir donné par les souverains à leurs ministres de négocier des traités relatifs à des intérêts nationaux vastes et compliqués, et celui donné par un individu à son agent ou mandataire de contracter avec un autre en son nom sur de simples affaires privées. Les actes des ministres publics conclus avec de pareils pleins pouvoirs ont été considérés depuis des temps très-reculés comme sujets à ratification 2.

1 VATTEL, Droit des gens, liv. Il, chap. xu, § 156.

2 Un des premiers exemples connus de cette pratique se présenta dans le traité de paix conclu, en 651, par l'empereur romain Justinien

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