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Controverse entre les gou

moins que les parties n'y renoncent, ou ne fassent des stipulations nouvelles et contradictoires, les traités sont remis en vigueur au retour de la paix 1.

Par l'article 3 du traité de paix de 1783, entre les vernements États-Unis et la Grande-Bretagne, il fut convenu « que le relativement peuple des États-Unis continuerait à jouir, sans être in

américain

et anglais,

au droit de

côtes des

pêche sur les quiété, du droit de pêcher toute espèce de poissons sur possessions le Grand - Banc, et sur tous les autres bancs de Terre

anglaises

l'Amérique

dans Neuve; de même que dans le golfe Saint-Laurent, et septentrio- dans tous autres endroits de la mer où les habitants des

nale.

deux pays avaient auparavant l'habitude de pêcher; et qu'aussi les habitants des États-Unis seraient libres de pêcher du poisson de toute espèce sur toute la côte de Terre-Neuve où le feraient les pêcheurs anglais (mais non pas de faire sécher ou d'apprêter ce poisson sur cette île), et sur les côtes, dans les baies et criques de toutes les autres possessions de S. M. britannique en Amérique; que les pêcheurs américains auraient la liberté de faire sécher et d'apprêter le poisson dans toutes les baies, hâvres et criques dans les établissements de la Nouvelle-Écosse, des iles Madeleine et du Labrador, tant que ces endroits resteraient vacants; mais qu'aussitôt qu'il y aurait des établissements, soit dans tous ces endroits, soit dans l'un d'eux, il ne serait plus permis aux susdits pêcheurs d'y faire sécher ou apprêter le poisson sans le consentement préalable à cet effet des habitants, propriétaires ou possesseurs du sol. »

Pendant les négociations à Gand, en 1814, les plénipotentiaires anglais donnèrent avis que leur gouvernement « n'avait pas l'intention d'accorder gratuitement aux États

1 WHEATON'S Reports, vol. VIII, p. 464. The society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, v. the Town of New Haven. Le même principe fut soutenu par la cour de la chancellerie anglaise à l'égard des citoyens américains ayant des terres dans la GrandeBretagne, d'après le traité de 1794. In Sutton v. Sutton, Russell and Milne Rep., p. 663.

Unis les priviléges antérieurement octroyés à ceux-ci de pêcher dans les limites de la souveraineté britannique, et d'en user sur les côtes des possessions anglaises affectées à la pêche anglaise.» En réponse à cette déclaration, les plénipotentiaires américains établirent «qu'ils n'étaient pas autorisés à mettre en discussion les droits et les libertés dont les États-Unis avaient joui auparavant relativement à ce fait; que par la nature et le caractère particulier du traité de 1783, qui les avait reconnus, aucune stipulation ultérieure n'avait été jugée nécessaire par le gouvernement des États-Unis pour lui donner droit à la pleine et entière jouissance de toutes ces libertés. >>

Le traité de paix conclu à Gand, en 1814, ne contint donc aucune stipulation sur ce sujet, et le gouvernement anglais manifesta ensuite ses intentions d'exclure les bâtiments de pêche américains de la liberté de pêcher en dedans de la distance d'une lieue marine des côtes des possessions anglaises dans l'Amérique du Nord, et de celle de faire sécher et apprêter leur poisson sur les parties vacantes de ces possessions, et avec le consentement des habitants, sur celles de ces parties où s'étaient formés des établissements depuis la paix de 1783.

En discutant cette question, le ministre américain à Londres, M. J. Q. Adams, exposa que depuis le temps où fut fait dans l'Amérique septentrionale l'établissement constituant les États-Unis, jusqu'à leur séparation de la GrandeBretagne et leur érection en souverainetés distinctes, ils avaient joui de ces libertés de pêcher, de sécher, d'apprêter le poisson en commun avec les autres sujets de l'empire britannique. En principe ils avaient éminemment droit à cette jouissance; et en point de fait ils en avaient joui plus que toute autre partie de l'empire. En effet leur établissement dans le pays voisin avait amené naturellement la découverte et le progrès de ces pêches, et leur proximité des lieux où elles se poursuivaient les

avait conduits à découvrir les bancs de pêche les plus avantageux, et leur donnait la facilité de poursuivre leur occupation dans ces régions que ne pouvaient posséder les parties éloignées de l'empire. On pourrait ajouter qu'ils avaient concouru pour leur bonne part, et plus que pour leur part, à mettre à l'abri des conquêtes de la France les provinces sur les côtes desquelles étaient situées ces pêcheries. Il était certain que, d'après de pareilles considérations, une stipulation expresse fut insérée dans le traité de 1783, reconnaissant les droits et les libertés dont avaient toujours joui les peuples des États-Unis dans ces pêches, et déclarant qu'ils continueraient à jouir du droit de pêcher sur le Grand-Banc et autres lieux de juridiction commune, et qu'ils auraient la liberté de pêcher, de sécher, et d'apprêter leur poisson dans l'intérieur de la juridiction anglaise sur les côtes de l'Amérique du Nord, ce à quoi ils avaient été habitués quand ils faisaient partie de la nation anglaise. Cette stipulation était une partie du traité par lequel S. M. britannique reconnaissait les États-Unis comme États libres, souverains et indépendants, et qu'elle traitait avec eux comme tels.

Il serait inutile de prouver que ce traité n'était pas dans son contenu général de ceux qui, selon le jugement commun et l'usage des nations civilisées, sont considérés comme annulés par une guerre subséquente entre les mêmes parties. Supposer que cela est, impliquerait la contradiction et l'absurdité d'un État souverain et indépendant exposé à perdre son droit de souveraineté en l'exerçant pour une déclaration de guerre. Mais les termes mêmes du traité attestent que la souveraineté et l'indépendance des États-Unis n'ont pas été considérées comme une concession de la part de S. M. britannique. Elles ont été regardées et exprimées comme existant avant la conclusion du traité, et comme d'abord formellement reconnues seulement alors par la Grande-Bretagne.

La

Telle était précisément la nature des droits et des libertés de pêche. Ce n'était en aucune manière une concession du roi d'Angleterre aux États-Unis; mais la reconnaissance qu'on en faisait comme droits et libertés dont la jouissance était antérieure à la séparation des deux pays, jouissance qui continuant de consentement mutuel sous les relations nouvelles qui allaient s'établir entre eux, constituait l'essence de l'article concernant la pêche. particularité même de la stipulation était une preuve évidente qu'elle n'était ni d'un côté ni de l'autre considérée ou comprise comme une concession d'un État souverain à un autre. L'eût-on comprise ainsi, les États-Unis n'auraient pas pu réclamer, et la Grande-Bretagne n'aurait voulu accorder gratuitement aucune concession semblable. Il n'y avait rien dans l'état des choses ni dans la disposition des parties qui put avoir amené une telle stipulation de la part de la Grande-Bretagne, considérée par elle comme une concession sans équivalent.

Si la stipulation du traité de 1783 était une des conditions par lesquelles Sa Majesté reconnaissait la souveraineté et l'indépendance des États-Unis; si c'était la simple reconnaissance de droits et de libertés déjà existants et en possession de jouissance, ce n'était pas un privilége gratuitement octroyé et susceptible d'être détruit par la simple existence d'une guerre subséquente. S'il n'était pas détruit par la guerre, il ne pouvait pas non plus être altéré par la déclaration de la Grande-Bretagne, à Gand, qu'elle n'entendait pas renouveler la concession. Là où il n'y avait point eu de concession gratuite il ne pouvait y avoir de renouvellement. Les droits et libertés des États-Unis ne pouvaient être restreints par la déclaration des intentions de l'Angleterre. Rien ne pouvait les abroger qu'une renonciation des États-Unis eux-mêmes 1.

1 M. J. Q. Adams à lord Bathurst, 25 sept. 1815. American State Papers. fol. edit., 1834, vol. IV, p. 352.

Dans la réponse du gouvernement anglais à cette communication, il fut exposé que la Grande-Bretagne avait toujours considéré la liberté dont jouissaient anciennement les États-Unis de pêcher dans les limites anglaises, et de se servir du territoire anglais, comme résultant de l'article 3 du traité de 1783, et de cela seulement; et que la prétention d'un État indépendant d'occuper et de se servir à son gré d'une portion quelconque du territoire d'un autre, sans compensation ou tolérance réciproques, ne pouvait reposer sur aucun autre fondement qu'une stipulation conventionnelle. Il était inutile de s'informer des motifs qui avaient pu originairement influencer la Grande-Bretagne à concéder de telles libertés aux États-Unis, ou de chercher si d'autres articles du traité leur offraient ou n'offraient pas d'équivalent, parce que toutes les stipulations sont regardées comme basées sur un avantage réciproque et une convenance mutuelle. Si les États-Unis faisaient dériver de ce traité des priviléges dont étaient exclues les nations indépendantes non admises par traité à en jouir, la durée des priviléges devait dépendre de la durée de l'acte qui les concédait; et si la guerre abrogeait le traité, elle mettait fin aux priviléges. Il avait été mis en avant, à la vérité, par les États-Unis, que le traité de 1783 avait un caractère particulier, et que par la raison qu'il contenait reconnaissance de l'indépendance américaine, il ne pouvait être abrogé par une guerre subséquente entre les parties. La Grande-Bretagne ne pouvait consentir à une position de cette nouvelle nature. Elle ne connaissait aucune exception à cette règle, que tout traité est annulé par une guerre subséquente entre les parties contractantes. Elle ne pouvait donc pas consentir à donner à ses relations diplomatiques avec un État un degré de durée différent de celui sur lequel reposaient ses rapports avec tous les autres États. Elle ne pouvait pas non plus admettre la liberté à un État d'attribuer à un traité conclu avec elle, une particularité

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