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Les traités d'alliance peuvent être ou défensifs ou offensifs. Dans le premier cas les engagements de l'allié ne s'étendent qu'à une guerre réellement et véritablement défensive; à une guerre d'agression déjà commencée, en point de fait, contre l'autre partie contractante. Dans le second cas l'allié s'engage généralement à coopérer aux hostilités contre une puissance déterminée ou contre toute puissance contre laquelle l'autre partie peut engager une guerre.

Une alliance peut aussi être à la fois offensive et défensive.

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§ 14. Distinction entre une alliance générale et

se bornant å des secours et des subsides.

Il faut distinguer les alliances générales des traités de secours et de subsides déterminés. Quand un État stipule de fournir à un autre un secours limité de troupes, les traités de vaisseaux de guerre, d'argent, ou de provisions sans aucune promesse ayant trait à un engagement éventuel dans les hostilités générales, un pareil traité ne rend pas nécessairement la partie qui fournit ce secours limité, l'ennemie de la puissance belligérante opposée. Elle ne le devient qu'à l'égard des troupes auxiliaires ainsi fournies; à tous autres égards elle reste neutre. Telles ont été, par exemple, pendant longtemps, les relations accoutumées des cantons de la Confédération suisse avec les autres puissances de l'Europe 1.

Grotius, et les autres publicistes, soutiennent que le casus fœderis d'une alliance défensive ne s'applique pas au cas d'une guerre manifestement injuste, c'est-à-dire d'une guerre d'agression de la part de la puissance qui réclame le bénéfice de l'alliance. On dit même que c'est là une condition tacite de tout traité fait en temps de paix, stipulant un prêt de secours en temps de guerre; que cette stipulation n'est applicable qu'au cas d'une juste guerre. Promettre assistance dans une guerre injuste serait s'obli

1 VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. vi, § 79-82.

$15.

Casus

d'alliance fæderis défensive.

Alliance

entre

ger à commettre une injustice, et un pareil contrat ne saurait être valide. Mais on ajoute que cette restriction tacite aux termes d'une alliance générale ne peut s'appliquer qu'au cas évident d'agression injuste de la part de l'autre partie contractante, et ne peut être employée comme prétexte pour éluder l'accomplissement d'un engagement positif et non-équivoque, sans exposer l'allié, à une juste imputation de mauvaise foi. Dans le cas douteux, la présomption doit plutôt s'élever en faveur de l'allié et de la justice de sa cause 1.

L'application de ces principes généraux doit dépendre de la nature et des termes des garanties particulières contenues dans le traité en question. Des exemples appropriés à ce qui précède en rendront l'intelligence plus facile.

Les États-Généraux de Hollande étaient, avant la guerre la Grande- de 1756 entre la France et l'Angleterre, engagés dans la Hollande. trois différentes garanties et traités d'alliance défensive

Bretagne et

avec cette dernière puissance. Le premier traité értait l'alliance défensive originaire formant la base de tous les contrats subséquents entre les deux pays, conclue à Westminster en 1678. Dans le préambule de ce traité on exposait que son but était la conservation des possessions de chacune des parties; et il y était stipulé une garantie mutuelle de tout ce dont elles jouissaient déjà ou qu'elles pourraient acquérir ensuite par des traités de paix, «en Europe seulement.» En outre, les deux États garantissaient tous les traités faits à cette époque ou qui pourraient être faits par la suite conjointement entre eux avec toute autre puissance. Ils stipulaient encore de se défendre et se maintenir l'un l'autre en possession de toutes les villes et forteresses qui appartenaient à cette époque ou appartien

GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. xv, § 13; cap. xxv, § 4. BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. ix. VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. xI, § 168; liv. III, chap. vi, § 86-96.

draient par la suite à chacun d'eux; et à cet effet, quand l'une des deux nations serait attaquée ou inquiétée, l'autre devrait immédiatement lui prêter le secours d'un certain nombre de troupes et de vaisseaux, et serait obligée de rompre avec l'agresseur dans les deux mois qui suivraient la demande qu'en ferait la partie déjà en guerre, pour agir ensuite conjointement avec toutes leurs forces dans le but d'amener l'ennemi commun à un accommodement raisonnable.

La deuxième alliance défensive alors existante entre la Grande-Bretagne et la Hollande était celle stipulée par les traités de limites et de succession de 1709 et 1713, par lesquels la frontière hollandaise du côté de la Flandre était garantie d'une part, et la succession protestante à la couronne d'Angleterre, de l'autre. Il y était stipulé réciproquement que dans le cas où l'une des parties serait attaquée, l'autre devrait fournir, à la réquisition de la partie offensée, certains secours spécifiés; et si le danger devenait tel qu'une plus grande force fût nécessaire, l'autre allié serait obligé d'augmenter ses secours et en dernier lieu d'agir de tout son pouvoir en guerre ouverte contre l'agresseur.

La troisième et dernière alliance défensive entre les mêmes puissances était le traité conclu à la Haye en 1717, dans lequel la France était aussi partie. L'objet de ce traité fut déclaré être la défense mutuelle réciproque l'une de l'autre, et la possession de leurs territoires comme l'établissait le traité d'Utrecht. Les parties contractantes stipulaient de défendre tous et chacun des articles dudit traité en ce qu'ils se rapportaient aux parties contractantes respectivement, ou à chacune d'elles en particulier; et elles garantissaient tous les royaumes, provinces, États, droits et avantages que possédait chacune d'elles lors de la signature de ce traité, restreignant cette garantie à l'Europe seulement. Les secours stipulés par ce traité étaient

les mêmes que ceux mentionnés ci-dessus: d'abord l'interposition de bons offices, ensuite un certain nombre de forces, et enfin déclaration de guerre. Ce traité fut renouvelé par la quadruple alliance de 1718, et par le traité d'Aix-la-Chapelle de 1748.

Il fut allégué de la part de l'Angleterre que les ÉtatsGénéraux avaient refusé de remplir les termes de ces traités, quoique Minorque, possession «en Europe,» assu rée à la Grande-Bretagne par le traité d'Utrecht, eût été attaquée par la France.

Deux réponses furent rendues par le gouvernement hollandais, sur la demande des secours stipulés, savoir: 1° Que la Grande-Bsetagne était l'agresseur dans la guerre, et qu'à moins qu'elle n'eût été d'abord attaquée par la France, le casus fœderis, ne pouvait naître.

2o Qu'en admettant que la France fût agresseur en Europe, ce n'était qu'en conséquence des hostilités commencées auparavant en Amérique, ce qui était expressément excepté des termes des traités.

La réponse sans réplique que fit lord Liverpool à la première de ces objections, fut que bien que les traités contenant ces garanties fussent appelés traités seulement défensifs, leurs termes et particulièrement ceux du traité de 1678, base de tous les autres, n'exprimaient en aucune manière le point clairement dans le sens de l'objection, puisqu'ils garantissaient «tous les droits et possessions «des deux parties contractantes, contre « tous rois, princes, républiques et États; » de sorte que si l'une d'elles était attaquée ou inquiétée par un acte hostile ou une guerre onverte, ou troublée de quelque autre manière que ce fût dans la posession de ses États, territoires, droits, immunités, et liberté de commerce,»> il était déterminé ce qu'aurait à faire pour la défense de ces choses, objets de la garantie, l'allié qui n'était pas en guerre. Mais nulle part on ne mentionna comme néces

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saire que l'attaque de ces droits dût être la première attaque ou la première offense. «Et, continue lord Liverpool, cette façon large d'expression ne parait pas avoir été le résultat d'une omission ou d'une inexactitude. Ceux qui ont réglé ces garanties ont assurément mieux aimé laisser cette question, sans autre explication, à la bonne foi qui doit décider en dernier ressort sur tous les contrats entre les États souverains. Il n'est pas présumable qu'ils aient voulu dire par là que l'une ou l'autre partie serait obligée de soutenir tous les actes de violence ou d'injustice que son alliée pourrait être disposée à commettre dans des vues d'intérêt ou d'ambition; mais d'un autre côté ils ont pris garde de fournir de trop fréquentes occasions de prétendre que le cas de garantie n'existait pas, et d'éluder ainsi l'intention principale de l'alliance. On devait éviter également ces deux inconvénients, et ils ont jugé convenable de se tenir en garde contre l'un autant que contre l'autre. Ils savaient que dans toute guerre entre nations civilisées chaque partie cherchait à rejeter sur l'autre l'odieux et le crime du premier acte de provocation et d'agression, et que la pire des causes avait toujours son excuse. Ils prévirent que cela seul donnerait inévitablement une occasion suffisante à des chicanes et à des disputes interminables, toutes les fois que l'infidélité d'un allié le pousserait à s'en servir. Avoir donc limité le cas de garantie par une description plus minutieuse et de plus étroites restrictions de forme, aurait exposé à une incertitude plus grande un point qui par la nature de la chose elle-même était déjà trop sujet au doute. Ils savaient que les cas varieraient à l'infini; que les motifs de défense personnelle, quoique justes, pourraient n'être pas toujours apparents; qu'un ennemi adroit pourrait déguiser les préparatifs les plus alarmants, et qu'une nation offensée pourrait se trouver dans la nécessité même d'entamer les hostilités avant que le danger qui causerait une telle mesure

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