Page images
PDF
EPUB

pût être publiquement connu. Sur de telles considérations ces négociateurs pensèrent sagement qu'il était convenable de donner la plus grande latitude à cette question, et de la laisser à l'interprétation juste et franche qu'on devait attendre d'amis dont ces traités étaient supposés avoir uni les intérêts pour toujours 1.

La réponse du même lord à la seconde objection, que les hostilités commencées par la France en Europe n'étaient que la conséquence d'hostilités commencées auparavant en Amérique, semble également satisfaisante, et servira à démontrer la bonne foi qui doit présider à l'interprétation de ces traités. «Si l'on admettait le raisonnement sur lequel cette objection est fondée, il suffirait seul pour détruire les effets de toute garantie et pour étouffer la confiance que les nations placent mutuellement l'une dans l'autre sur la foi des alliances défensives: il indique à l'ennemi une certaine méthode pour éviter les inconvénients d'une pareille alliance; il lui montre quand il doit commencer son attaque. Laissez l'ennemi faire le premier effort sur quelque point non compris dans la garantie, et il peut après cela poursuivre ses vues dans le but qu'il s'est proposé, sans aucune appréhension de la conséquence qui en résultera. Laissez la France attaquer la première quelque petit coin appartenant à la Hollande en Amérique, et ses frontières ne seront plus garanties. Raisonner de cette manière, c'est se jouer des engagements les plus solennels. Le but propre des garanties est de conserver quelque pays particulier, à quelque puissance particulière. Les traités ci-dessus mentionnés promettent de défendre les territoires de chacune des parties en Europe, d'une manière simple et absolue, toutes les fois qu'ils seront attaqués ou inquiétés. Si dans la présente guerre la pre

1 Discourse on the Conduct of the government of Great Britain in respect to neutral nations. By CHARLES, earl of LIVERPOOL. Ist edit.

1757.

mière attaque fut faite hors de l'Europe, il est constant que longtemps auparavant une attaque avait été faite en Europe, et c'est là sans aucun doute le cas de ces garanties.

Essayons cependant de découvrir quelle a été une fois déjà l'opinion de la Hollande sur un point de cette nature. On a déjà remarqué que le traité d'alliance défensive entre l'Angleterre et la Hollande de 1678, n'est qu'une copie des douze premiers articles du traité français de 1662. Peu après que la Hollande eut conclu cette alliance avec la France elle devint engagée dans une guerre avec l'Angleterre. L'attaque commença alors, comme dans le cas présent, hors de l'Europe, sur les côtes de Guinée; et la cause de la guerre était aussi la même: un droit contesté à de certaines possessions extra-européennes, les unes en Afrique, les autres dans les Indes orientales. Les hostilités, après avoir continué quelque temps de ce côté, commencèrent alors aussi en Europe. Immédiatement, sur ce fait, la Hollande déclara que le cas de cette garantie existait, et demanda à la France les secours stipulés. Je n'ai pas besoin de produire les mémoires de ses ministres pour prouver ce point: l'histoire nous apprend suffisamment que la France reconnut la demande, accorda les secours, et entra même en guerre ouverte pour défendre son alliée. Ici nous avons l'opinion de la Hollande sur le même article et dans un cas absolument semblable. La conduite de la France plaide aussi en faveur de la même opinion, bien qu'en cédant à cet égard, elle réprima à cette époque le premier coup d'essai de l'ambition de son jeune monarque, ajourna pour quelques mois son entrée dans les provinces espagnoles, et lui attira la haine de l'Angleterre 1.»>

Alliance entre

La nature et l'étendue des obligations contractées par les traités d'alliance défensive et de garantie seront dé- la Grande

'LIVERPOOL'S Discourse, p. 86.

le Portugal.

Bretagne et montrées plus clairement encore par le cas des traités existants entre la Grande-Bretagne et le Portugal, auxquels nous avons fait allusion plus haut pour un autre objet 1. Le traité d'alliance originairement conclu entre ces deux puissances en 1642, immédiatement après la révolte de la nation portugaise contre l'Espagne et l'établissement de la maison de Bragance sur le trône, fut renouvelé en 1654 par le protecteur Cromwell, et confirmé de nouveau, par le traité de 4661, entre Charles II et Alphonse VI pour le mariage du premier de ces princes avec Catherine de Bragance. Ce dernier traité fixe le secours à donner, et déclare que la Grande-Bretagne assistera le Portugal « dans toutes les occasions où le pays sera attaqué. » Par un article secret, Charles II, en considération de la cession de Tanger et de Bombay, s'oblige «à défendre les colonies et conquêtes du Portugal contre tous ennemis présents ou futurs. » En 1603 un autre traité d'alliance défensive et perpétuelle fut conclu à Lisbonne entre la Grande-Bretagne et les États-Généraux d'une part, et le roi de Portugal de l'autre. Les garanties que contenait ce traité furent encore confirmées par les traités de paix d'Utrecht, entre le Portugal et la France, en 1713, et entre le Portugal et l'Espagne, en 1715. A l'émigration de la famille royale portugaise au Brésil en 1807, une convention fut conclue entre la Grande-Bretagne et le Portugal, par laquelle ce dernier royaume est garanti à l'héritier légitime de la maison de Bragance, et le gouvernement britannique promet de ne jamais reconnaitre d'autre prince. Par le traité plus récent, conclu en 1810 à Rio-Janeiro, il fut déclaré « que les deux puissances ont consenti une alliance pour la défense et la garantie réciproque contre toute attaque hostile, conformément aux traités déjà existants entre elles, dont les stipulations resteront en pleine vigueur et sont

' Vide ante, pt. II, chap. 1, § 9, p. 140.

renouvelées par le présent traité dans leur interprétation la plus complète et la plus large. » Ce traité confirme la stipulation de la Grande-Bretagne de ne reconnaître aucun autre souverain de Portugal que l'héritier de la maison de Bragance. Le traité de Vienne du 22 janvier 1815, entre la Grande-Bretagne et le Portugal, contient l'article suivant: « Le traité d'alliance de Rio-Janeiro du 19 février 4840 étant fondé sur des circonstances temporaires qui ont heureusement cessé d'exister, ledit traité est, par les présentes, déclaré sans effet; sans préjudice cependant des anciens traités d'alliance, d'amitié et de garantie qui ont si longtemps et si heureusement subsisté entre les deux couronnes, et qui sont, par les présentes, renouvelés par les parties contractantes et reconnus de pleine force et effet.»

Telle était la nature des traités d'alliance et de garantie subsistants entre la Grande-Bretagne et le Portugal au moment où l'intervention de l'Espagne dans les affaires de ce dernier royaume força le gouvernement britannique à intervenir, pour la protection de la nation portugaise, contre les desseins hostiles de la cour espagnole. En outre des raisons alléguées dans le parlement anglais pour justifier cette intervention, il fut exposé, dans un article trèsremarquable sur les affaires de Portugal publié à cette époque dans l'Edinburgh Review, que bien qu'en général une alliance défensive et de garantie n'impose aucune obligation et ne donne même aucun droit d'intervenir dans les divisions intestines, les circonstances particulières de ce cas constituaient le casus fœderis dont s'étaient occupés les traités en question. Une alliance défensive est un contrat entre plusieurs États, par lequel ils conviennent de s'entr'aider dans leurs guerres défensives (ou en d'autres termes dans leurs justes guerres) contre d'autres États. Moralement parlant, aucune autre espèce d'alliance n'est juste parce qu'aucune autre espèce de guerre ne peut être juste. Le cas le plus simple de guerre défensive est quand l'allié

est ouvertement envahi par les forces militaires d'une autre puissance à laquelle il n'a donné aucun juste motif de guerre. Si la France ou l'Espagne, par exemple, avait dirigé une armée en Portugal pour renverser son gouvernement constitutionnel, le devoir de l'Angleterre eût été trop évident pour en rendre l'exposition nécessaire. Mais ce n'était pas le seul cas auquel les traités fussent applicables. Si des troupes avaient été réunies et des préparatifs faits, avec l'intention manifeste d'agression contre l'allié; que ses sujets eussent été poussés à la révolte, et ses soldats à la rébellion; que des insurgés sur son territoire eussent été approvisionnés d'argent, d'armes et de munitions de guerre; qu'en même temps son autorité eût été traitée comme une usurpation, et que toute participation à la protection accordée aux autres étrangers eût été refusée à la partie bien intentionnée de ses sujets, tandis que ceux qui proclamaient leur hostilité au gouvernement de cet allié eussent été reçus comme les étrangers les plus favorisés; dans une telle combinaison de circonstances on ne pouvait douter que le cas prévu d'alliance défensive ne se présentât, et que cet allié n'eût le droit de réclamer le secours général ou spécial stipulé par ses alliances. Le préjudice aurait été aussi complet et le danger aussi grand que si son territoire eût été envahi par une force étrangère. Le mode choisi par son ennemi aurait même eu plus d'effet et aurait été certainement plus destructif que la guerre ouverte. Que l'attaque fût ouverte ou secrète, si elle est également injuste et l'expose aux mêmes périls, il est également autorisé à demander aide. Tous les contrats, d'après le droit des gens, sont interprétés comme s'étendant à tous les cas évidemment et certainement analogues à ceux auxquels ils pourvoient en termes exprès. Dans cette loi, qui n'a d'autre tribunal que la conscience du genre humain, il n'y a pas de distinction entre éluder et violer le contrat. Elle exige assistance autant contre

« PreviousContinue »