l'injustice déguisée qu'avouée, et ne tombe pas dans une absurdité assez lourde pour rendre cette obligation de secourir moindre quand le danger est plus grand. La seule règle à suivre pour l'interprétation des alliances défensives parait être que tout préjudice qui donne à un allié une juste cause de guerre le met en droit d'être secouru par l'autre allié. Le droit de secours est un droit secondaire, qui se rattache à celui de repousser l'injustice par la force. Toutes les fois qu'un allié peut moralement employer sa propre force à cet effet, il peut avec raison demander la force auxiliaire de son allié1. La fraude ne peut ni donner ni enlever aucun droit. Si la France en 1745 avait réuni ses escadres dans ses ports, ses troupes sur ses côtes; si elle avait dicté et distribué des écrits contre le gouvernement légitime de George 1er; si elle avait reçu, les armes à la main, les bataillons qui désertaient l'armée de ce prince, et fourni l'armée du comte de Mar d'argent et d'armes quand il proclamait le prétendant; la Grande-Bretagne, après une demande de réparation suivie de refus, aurait eu un droit parfait de déclarer la guerre à la France, et conséquemment un droit non moins complet aux secours que les États-Généraux étaient obligés de fournir par leurs traités d'alliance et de garantie de la succession de la maison de Hanovre, comme si le prétendant Jacques III eût marché sur Londres à la tête de l'armée française. La guerre serait également défensive de la part de l'Angleterre, et la prestation de secours également obligatoire pour la Hollande. Ce serait mal nous comprendre que de confondre, comme il arrive souvent, une guerre défensive dans ses principes, avec une guerre défensive dans ses opérations. Quand l'attaque est le meilleur moyen de pourvoir 'Le raisonnement de Vattel est encore plus concluant dans un cas de garantie: «Si l'alliance défensive porte une garantie de toutes les terres que l'allié possède actuellement; le casus fœderis se déploie toutes les fois que ces terres sont envahies ou menacées d'invasion,» (Liv. III, chap. vi, § 94.) $ 16. Otages pour l'exécution à la défense d'un État, la guerre est défensive en principe, quoique les opérations soient offensives. Quand la guerre n'est pas nécessaire à la sûreté, son caractère offensif n'est point altéré parce que l'auteur du dommage est réduit à une guerre défensive. Ainsi un État contre lequel on médite évidemment un préjudice dangereux peut le prévenir en frappant le premier coup, sans par là engager une guerre offensive dans son principe. Par conséquent toute attaque faite contre un État ne lui donnera pas droit indifféremment aux secours stipulés dans une alliance défensive; car si cet État a fourni une juste cause de guerre à son envahisseur, la guerre ne sera pas de sa part défensive en principe 1. L'exécution d'un traité est quelquefois assurée par des des traités. otages donnés par une partie à l'autre partie. Le plus récent et le plus remarquable exemple de cette coutume arriva à la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1784, où la restitution du cap Breton dans l'Amérique du Nord, par la GrandeBretagne à la France, fut garantie par plusieurs pairs d'Angleterre envoyés comme otages à Paris 2. § 17. Interpréta tion des traités. Les traités publics doivent être interprétés comme les autres lois et contrats. Telles sont l'inévitable imperfection et l'ambiguité de tout langage humain, que les simples mots seuls d'un écrit expliqués littéralement, suffisent à peine pour en interpréter le sens. Certaines règles techniques d'interprétation ont donc été adoptées par les moralistes et les publicistes pour expliquer le sens des traités internationaux, en cas de doute. Ces règles sont pleinement déroulées par Grotius et ses commentateurs, et nous renvoyons spécialement le lecteur aux principes exposés 1 Dans une alliance défensive, le casus fœderis n'existe pas tout de suite quand notre allié est attaqué. Il faut voir s'il n'a point donné à son ennemi un juste sujet de lui faire la guerre. S'il est dans le tort, il faut l'engager à donner une satisfaction raisonnable. (VATTEL, liv. II, chap. vi, 90.) * VATTEL, liv. II, chap. xvI, § 245-261. par Vattel et Rutherforth, comme contenant les vues les plus complètes de cet important sujet1. Les négociations sont quelquefois conduites sous la médiation d'une troisième puissance, qui offre spontanément ses bons offices à cet effet, ou à la demande d'une ou des deux parties en contestation, ou en vertu d'une stipulation antérieure pour cet objet. Si la médiation est offerte spontanément par chaque partie, mais si c'est le résultat d'un accord préalable entre les deux parties, elle ne peut être refusée sans manquer à la bonne foi. Quand elle est acceptée par les deux parties, il est du devoir de la puissance médiatrice d'interposer ses avis dans le but de concilier leur différend. Elle devient alors partie à la négociation, mais elle n'a aucun droit de contraindre l'une ou l'autre partie à adopter son opinion. Elle n'est pas non plus obligée à se porter garante de l'accomplissement du traité conclu sous sa médiation, quoiqu'en point de fait il en arrive souvent ainsi 2. $19. L'art de la négociation semble par sa nature même peu Histoire de la diplomatie. susceptible d'être ramené à une science systématique. Il dépend essentiellement du caractère et des qualités de la personne, unis à la connaissance du monde et à l'expérience des affaires. Ces talents doivent être soutenus par l'étude de l'histoire, et spécialement de l'histoire des négociations diplomatiques; mais leur absence se remplace difficilement par le savoir puisé seulement dans les livres. Un des premiers ouvrages de ce genre est celui connu sous le nom du Parfait ambassadeur, originairement publié en Espagne par. don Antonio de Vera, longtemps ambassadeur d'Espagne à Venise, mort en 1658. Il fut ensuite publié par l'auteur en latin, et différentes traductions parurent en italien et en français. Le livre de Wicquefort, VATTEL, liv. II, 1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. xvI. chap. XVII. RUTHERFORTH's Institut., b. II, chap. vII. 2 KLUBER, Droit des gens moderne de l'Europe, pt. II, tit. II, chap. 11, § 460. publié, en 1679, sous le titre de L'ambassadeur et ses fonctions, bien qu'ayant pour objet principal de traiter des droits d'ambassade, contient des connaissances nombreuses et estimables sur l'art de négocier. Callières, l'un des plénipotentiaires français au traité de Ryswick, publia, en 1716, un ouvrage intitulé De la manière de négocier avec les souverains, qui obtint une réputation considérable. L'abbé Mably essaya aussi de traiter ce sujet d'une manière systématique, dans un essai intitulé Principes des négociations, qui est communément adapté comme introduction à son Droit public de l'Europe, dans les différentes éditions des ouvrages de cet auteur. Le catalogue des différentes histoires qui ont paru des négociations particulières serait presque interminable. Mais parmi elles toutes celles qui ont de la valeur se trouvent réunies dans l'excellent ouvrage de M. Flassan, intitulé Histoire de la diplomatie française. La dernière compilation du comte de Ségur des papiers de Favier, l'un des principaux agents secrets employés dans la double diplomatie de Louis XV, intitulée Politique de tous les cabinets de l'Europe pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI, avec les notes de l'éditeur savant et expérimenté, est un ouvrage qui jette aussi une grande lumière sur l'histoire de la diplomatie française. Une histoire des traités depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'empereur Charlemagne, recueillis dans les anciens auteurs latins et grecs et les autres monuments de l'antiquité, fut publiée par Barbeyrac en 17391. Cet ouvrage a été précédé de l'immense collection de Dumont, embrassant tous les traités publics de l'Europe depuis les temps de Charlemagne jusqu'au commencement du xvIIe siècle 2. Les meilleures collections 1 Histoire des anciens traités, par BARBEYRAG, formant le 5e volume du supplément au Corps diplomatique de DUMONT. 2 Corps universel diplomatique du droit des gens, etc., 8 volumes. in- fol. Amsterd. 1726-1731. Supplément au Corps universel diplomatique, 5 volumes in - fol. 1739. des traités plus modernes de l'Europe, sont celles publiées, à différentes époques,-par le professeur Martens de Goettingue, renfermant les actes publics les plus importants sur lesquels est basée la loi conventionnelle actuelle de l'Europe. On peut y ajouter l'Histoire abrégée des traités de paix depuis la paix de Westphalie, de Koch, continuée par Schöll. Une collection complète des actes du congrès. de Vienne a été aussi publiée en allemand par Klüber1. Acten des Wiener Congresses in den Jahren 1814 und 1815, von J. L. KLÜBER. Erlangen 1815 und 1846. 6 Bde. 8o. |