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$40. Règle de

suit ou abandonne à son gré, et quoiqu'il ne puisse la méconnaître sans déshonneur, toujours est-il qu'il peut l'enfreindre. Ce n'est pas une règle immuable du droit; mais elle dépend de considérations politiques qui peuvent continuellement varier 1. »

Parmi ces considérations est la conduite observée par réciprocité. l'ennemi. S'il confisque les propriétés se trouvant sur son territoire ou les créances dues à nos sujets au moment où la guerre éclate, il serait assurément très-juste et, en certaines circonstances, politique, de rendre le réciproque à ses sujets par un procédé semblable. Ce principe de réciprocité s'opère dans plusieurs cas de droit international. Sir W. Scott expose que la pratique constante de la Grande-Bretagne, quand la guerre éclate, est de condamner de bonne prise la propriété saisie avant la guerre, si l'ennemi la condamne; de la rendre, s'il la rend. « C'est,» dit-il, «un principe sanctionné par le grand acte fondamental de la loi d'Angleterre, la Grande - Charte ellemême, qui prescrit qu'au commencement d'une guerre les marchands de l'ennemi seront pris et traités comme les nôtres dans leur pays 2.» Il est aussi exposé ce qui suit dans le rapport des jurisconsultes anglais en 1753, dont nous avons déjà parlé, dans le but de donner plus de force à leur argument, que le roi de Prusse ne pouvait pas sans injustice étendre ses représailles à l'emprunt de Silésie. <«<Les vaisseaux français,» dit ce rapport, «pris à tort après la guerre d'Espagne et avant la guerre de France, ont, au plus fort de la guerre avec la France et depuis, été rendus aux propriétaires français par sentence des tribunaux de Votre Majesté. On n'essaya jamais de confisquer des vaisseaux et des biens de cette sorte comme propriété de l'ennemi, ici, pendant la guerre; parce que

1 M. Chief Jutice Marshall, in Brown v. the United States, CRANCH'S Reports, vol. III.

2 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. 1, p. 64. The Santa Cruz.

ce n'était que par suite de ce premier tort commis que ces propriétés se trouvaient dans les domaines de Votre Majesté.>>

L'ancienne loi de l'Angleterre semble avoir ainsi surpassé en générosité l'usage moderne de ce pays. Dans les dernières guerres maritimes entreprises par ce pays, l'usage constant a été de saisir et condamner comme droit d'amirauté les propriétés de l'ennemi se trouvant dans les ports de l'Angleterre au commencement des hostilités, et cette pratique ne paralt pas avoir été influencée par la conduite correspondante de l'ennemi à cet égard. Comme l'a observé un écrivain anglais, en commentant le jugement de sir W. Scott à propos des vaisseaux hollandais, il semble y avoir quelque subtilité dans la distinction entre la déclaration de guerre virtuelle, et la déclaration effective, et dans le dessein de donner à la déclaration effective une efficacité rétrospective pour couvrir le défaut de déclaration virtuelle antérieurement impliqué 1.»>

$11. Droits d'amirauté.

Saisie de de l'ennemi

la propriété

se trouvant en dedans

des limites

territoriales

de l'État

belligérant

à la

déclaration

Pendant la guerre entre les États-Unis et la GrandeBretagne qui commença en 1812, la cour suprême arrêta que les propriétés de l'ennemi se trouvant sur le territoire des États-Unis à la déclaration de la guerre, ne pourraient être saisies et condamnées comme prise de guerre sans quelque acte législatif en autorisant la confiscation. La de guerre. cour soutint que la loi du congrès qui déclarait la guerre n'était pas un acte de cette espèce. Par sa seule opération cette déclaration n'investissait pas le gouvernement de la propriété de l'ennemi au point de lui fournir des procédés judiciaires pour la saisir et la confisquer. Elle ne lui donnait qu'un droit de confiscation dont la sanction dépendait de la volonté du souverain pouvoir.

Le jugement de la cour arrêta que l'usage universel de défendre la saisie et la confiscation des dettes et créances, joint au principe universellement reconnu que le droit à 1 CHITTY'S Law of nations, chap. 1, p. 80.

ces dettes et créances revit au retour de la paix, paraisait prouver que la guerre n'est pas une confiscation absolue de la propriété, mais qu'elle confère simplement ce droit de confiscation.

La raison n'admet pas de distinction entre les dettes contractées sous la foi des lois et les propriétés acquises dans le cours d'un commerce sous la foi des mêmes lois. Et quoiqu'en pratique, les vaisseaux et leurs cargaisons se trouvant dans le port lors de lá déclaration de guerre pussent avoir été saisis, on ne croyait pas que l'usage moderne sanctionnât la saisie des biens sur terre d'un ennemi qui les avait acquis pendant la paix dans le cours d'un commerce. Un tel procédé était rare, et serait regardé comme un rigoureux exercice du droit de la guerre. Mais quoiqu'à cet égard la pratique ne fût pas uniforme, cette circonstance n'affectait pas essentiellement la question. Il s'agissait de savoir si cette propriété appartient au souverain par la simple déclaration de guerre, ou si elle reste soumise à un droit de confiscation dont l'exercice dépend de la volonté de la nation. La règle qui s'applique à un cas, en tant qu'elle se rapporte à l'opération d'une déclaration de guerre sur la chose elle-même, doit s'appliquer à tous les autres sur lesquels la guerre donne un droit égal. Le droit du souverain de confisquer les dettes étant précisément le même que le droit de confisquer d'autres propriétés se trouvant dans le pays, l'opération faite par une déclaration de guerre sur les dettes et sur les autres propriétés se trouvant dans le pays doit être la même.

Bynkershoek lui-même, qui soutient le large principe que dans la guerre toute chose faite contre un ennemi est légitime; qu'on peut le détruire quoique non armé et sans défense; qu'on peut employer contre lui la fraude et même le poison; qu'un droit illimité est acquis sur sa personne et ses biens; Bynkershoek admet que la guerre ne transfère pas au souverain une créance due à son ennemi, et

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qu'alors si le payement d'une pareille créance n'est pas exigé, la paix fait revivre l'ancien droit du créancier; << parce que, dit-il, «l'occupation qui a lieu par la guerre, consiste plus dans un fait que dans un droit.»> Il ajoute à ses observations sur ce sujet: «qu'on ne suppose pas, cependant, que cela soit vrai seulement des actions; qu'elles ne sont pas condamnées ipso jure, car d'autres choses aussi appartenant à l'ennemi peuvent échapper à la confiscation 1. »

Vattel dit que «le souverain ne peut retenir ni la personne ni les biens de ceux des sujets de l'ennemi qui sont dans ses États au moment de la déclaration. >>

Il est vrai que cette règle n'était dans ses termes appliquée par Vattel qu'à la propriété de ceux personnellement présents sur le territoire au commencement des hostilités; mais elle s'applique également aux choses en action et aux choses en possession; et si la guerre par elle-même, sans aucun autre exercice de la volonté souveraine, investissait le souverain de la propriété de l'ennemi, la présence du propriétaire ne pourrait soustraire sa propriété à cette opération de la guerre. On ne pourrait trouver une raison pour soutenir que la foi publique est engagée d'une manière plus absolue pour la sûreté d'une propriété confiée

Quod dixi de actionibus recte publicandis, ita demum obtinet, si quod subditi nosti hostibus nostris debent, princeps a subditis suis revera exegerit. Si exegerit, recte solutum est, si non exegerit, pace facta reviviscit jus pristinum creditoris, quia occupatio, quæ bello fit, magis in facto, quam in potestate juris consistit. Nomina igitur, non exacta tempore belli quodammodo intermori videntur, sed per pacem, genere quodam postliminii, ad priorem dominum reverti. Secundum hæc inter gentes fere convenit, ut nominibus bello publicatis, pace deinde facta, exacta censeantur periisse, et maneant extineta, non autem exacta reviviscant, et restituantur veris creditoribus...... Noli autem existimare, de actionibus duntaxat verum esse, eas ipso jure non publicari, nam nec alia quæque publicantur, quæ apud hostes sunt, et ibi forte celantur. Unde et ea, quæ apud hostes ante bellum exortum habebamus, indictoque bello suppressa erant, atque ita non publicata, si a nostris denuo recuperentur, non fieri recuperantium, sed pristinis dominis restitui, recte responsum est. Consil. Belg., t. III, consil. 67. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. 1, cap. vi.)

au territoire de la nation en temps de paix, si elle est accompagnée de son propriétaire, que si elle est remise au soin d'autres personnes.

La règle moderne donc semblerait être que la propriété tangible appartenant à un ennemi, et se trouvant dans le pays au commencement de la guerre, ne doit pas être immédiatement confisquée; et dans presque tous les traités de commerce on insère un article stipulant le droit de retirer cette propriété.

Cette règle semblait être totalement incompatible avec l'idée que d'elle-même la guerre investit le gouvernement belligérant de la propriété. On pouvait considérer comme l'opinion de tous ceux qui ont écrit sur le jus belli, que la guerre donne le droit de confisquer, mais ne confisque pas elle-même la propriété de l'ennemi; et les règles posées par ces écrivains conduisaient à l'exercice de ce droit.

La constitution des États-Unis était établie quand cette règle introduite par le commerce en faveur de la modération et de l'humanité fut reçue partout dans le monde civilisé. En examinant cette constitution, on ne pouvait admettre légèrement une interprétation qui donnerait à une déclaration de guerre un effet dans ce pays qu'elle ne possédait pas ailleurs, et qui entraverait cette entière discrétion à l'égard de la propriété de l'ennemi, qui permettait au gouvernement d'appliquer à l'ennemi la règle que l'ennemi nous appliquait.

On devait trouver que le raisonnement acquérait beaucoup de force par les termes de la constitution même: que la déclaration de guerre n'avait d'autre effet que de mettre les deux nations en état d'hostilités, de produire. un état de guerre, de donner les droits que la guerre confère; mais non pas d'opérer par sa propre force aucun des résultats, tels qu'un transfert de propriété, produits ordinairement par les mesures ultérieures du gouverne

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