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paix entre les deux puissances, conclu à Paris en avril 1844, les séquestres furent levés de part et d'autre, et des commissaires furent chargés de liquider les réclamations des sujets anglais pour la valeur de leurs propriétés indûment confisquées par les autorités françaises, et aussi pour la perte totale ou partielle des créances à eux dues, ou autres propriétés indûment retenues sous séquestre après 1792. L'engagement ainsi extorqué à la France peut être considéré comme une application sévère du droit de conquête sur un ennemi tombé, plutôt que comme une mesure de justice impartiale, puisqu'il ne paraît pas que les propriétés françaises saisies dans les ports de la Grande-Bretagne et en mer avant les hostilités, et condamnées ensuite comme droits d'amirauté, aient été rendues aux premiers propriétaires, en vertu de ce traité, au retour de la paix entre les deux pays 1.

De même aussi, à la rupture entre la Grande-Bretagne et le Danemark, en 1807, les vaisseaux danois et autres propriétés qui avaient été saisies dans les ports anglais et en pleine mer avant la déclaration des hostilités, furent condamnés comme droits d'amirauté, par effet rétroactif de la déclaration. Le gouvernement danois publia une ordonnance qui rendait la pareille à cette saisie, en séquestrant toutes les créances dues par les sujets danois aux sujets anglais, et en les faisant payer au trésor royal de Danemark. La cour anglaise du Banc du roi arrêta que cette ordonnance, n'étant pas conforme à l'usage des nations, n'était pas une défense légale à la poursuite en Angleterre d'une pareille dette. Les jurisconsultes avaient condamné cette pratique, et il ne s'était présenté aucun exemple de l'exercice de ce droit, autre que l'ordonnance en question, depuis plus d'un siècle. La justesse de ce jugement peut être contestée. On vient d'observer qu'entre

1 MARTENS, Nouveau Recueil, t. II, p. 46.

les dettes contractées sous la foi des lois et la propriété acquise sous la foi des mêmes lois, la raison ne faisait pas de distinction; et le droit du souverain de confisquer des dettes est précisément le même que de confisquer d'autres propriétés se trouvant dans le pays au moment où la guerre éclate. Tous deux exigent quelque acte spécial exprimant la volonté du souverain, et tous deux dépendent non de la règle inflexible du droit des gens, maist des considérations politiques qui peuvent guider le jugement du souverain 1.

Une des conséquences immédiates du commencement des hostilités est l'interdiction de toutes relations commerciales entre les sujets des États en guerre sans la permission de leurs gouvernements respectifs. Dans le jugement de sir W. Scott sur le cas du Hoop, ceci est exposé comme un principe de droit universel et non particulier à la jurisprudence maritime de l'Angleterre. Bynkershoek l'émet comme un principe universel de la loi. « On ne saurait douter, » dit cet écrivain, «que par la nature de la guerre elle-même toute relation commerciale ne cesse entre les ennemis. Quoiqu'il n'y ait aucune interdiction spéciale de telles relations, par le simple effet du droit de la guerre, le commerce est défendu. Les déclarations de guerre le prouvent suffisamment, car elles enjoignent à tout sujet d'attaquer les sujets de l'autre prince, de saisir leurs biens et de leur faire tout le mal possible; cependant l'utilité des marchands, et les besoins mutuels. des nations ont presque anéanti le droit de la guerre quant au commerce. Aussi ce droit est alternativement permis ou défendu en temps de guerre, selon que les princes pensent qu'il est plus ou moins dans l'intérêt de leurs sujets. Une nation commerçante s'applique au commerce et accommode les lois de la guerre au besoin plus ou

MAULE et SELWIN, Reports, vol. VI, p. 92. WOLFF V. OXHOLM. CRANCH'S Reports, vol. VIII, p. 110. BROWN V., The United States.

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moins grand de marchandises qu'ont ces autres nations. Ainsi quelquefois un commerce mutuel général est permis, quelquefois il est restreint à certaines marchandises, tandis que les autres sont prohibées, et quelquefois il est entièrement prohibé. Mais de quelque manière qu'il soit permis, ou généralement ou spécialement, il n'est toujours dans mon opinion qu'une suspension des lois de la guerre; et de cette manière, les sujets des deux pays sont partie en guerre, partie en paix1. »

Il paraît, d'après ce passage, que telle avait été la loi de la Hollande. Valin montre que ç'a été la loi de la France, où l'on essaya de continuer le commerce au moyen de vaisseaux nationaux ou neutres. Il paraît résulter d'un cas cité déjà (sur le Hoop) que ce fut aussi la loi de l'Espagne, et l'on pourrait affirmer sans témérité que c'est là un principe général de droit dans la plupart des nations de l'Europe2.

Sir W. Scott commence par établir deux fondements d'après lesquels cette sorte de communication est défendue. Le premier c'est que: «par la loi et la constitution de la Grande-Bretagne, le souverain a seul le pouvoir de déclarer la guerre et la paix. Lui seul donc, qui a le pouvoir de faire cesser la guerre entièrement, a le pouvoir

1 Quamvis autem nulla specialis sit commerciorum prohibitio, ipso tamen jure belli commercia esse vetita, ipsæ indictiones bellorum satis declarant, quisque enim subditus jubetur alterius principis subditos, eorumque bona aggredi, occupare, et quomodocumque iis nocere. Utilitas vero mercantium, et quod alter populus alterius rebus indigeat, fere jus belli, quod ad commercia, subegit. Hinc in quoque bello aliter atque aliter commercia permittuntur vetanturque, prout e re sua subditorumque suorum esse censent principes. Mercator populus studet commerciis frequentandis, et prout quisque alterius mercibus magis minusve carere potest, eo jus belli accomodat. Sic aliquando generaliter permittuntur mutua commercia, aliquando quod ad certas merces, reliquis prohibitis, aliquando simpliciter et generaliter vetantur. Utcunque autem permittas, sive generaliter, sive specialiter, semper, si me audias, quoad hæc status belli suspenditur. Pro parte sic bellum, pro parte pax erit inter subditos utriusque principis. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. m.)

2 VALIN, Comm, sur l'ordonnance de la marine, liv. III, tit. vi, art. 3.

de la faire cesser en partie, en permettant quand il le juge convenable ces relations commerciales, qui sont une suspension partielle de la guerre. Il peut se trouver des cas dans lesquels de pareilles relations soient tout à fait indispensables, mais ce n'est pas aux individus à déterminer la nécessité de semblables cas, simplement d'après leurs propres notions de commerce et peut-être d'après les bases d'avantages privés peu conciliables avec l'intérêt général de l'État. C'est à l'État seul, d'après de plus hautes vues politiques et d'après toutes les circonstances qui peuvent se rattacher à ces relations, qu'il appartient de déterminer quand elles seront permises et sous quelles règles. On ne peut soutenir un principe plus sacré que celui qui établit que de telles relations ne peuvent exister autrement qu'avec la permission directe de l'État. Qui ne sent les conséquences qui s'ensuivraient si chaque personne, en temps de guerre, avait le droit d'entretenir des relations commerciales avec l'ennemi, et sous ce prétexte avait le moyen d'entretenir toute autre espèce de relations qu'il jugerait à propos? L'inconvénient serait extrême pour tous. Où est de l'autre côté l'inconvénient à ce que le négociant soit forcé, dans la situation de deux pays, à conduire son commerce entre eux (si c'est nécessaire) sous les yeux et le contrôle du gouvernement chargé du soin de la sûreté publique?

Un autre principe de droit d'un caractère moins politique, mais également général dans son acception et direct dans son application, défend cette sorte de communication comme fondamentalement incompatible avec les relations existant entre les deux pays belligérants: c'est l'impossibilité de soutenir aucun contrat par un appel aux tribunaux de l'un des pays de la part des sujets de l'autre. Dans la loi de presque tous les pays le caractère d'ennemi étranger emporte avec lui inhabilité à suivre ou à soutenir ce que les jurisconsultes appellent persona standi in ju

dicio. Un état dans lequel les contrats ne peuvent être rendus obligatoires ne saurait être un état de commerce légal. Si les parties qui doivent contracter n'ont pas le droit de forcer l'accomplissement du contrat, ni même de paraître en justice pour cet effet, peut-il y avoir une preuve plus forte de l'inhabilité légale à contracter qu'impose la loi. A de tels contrats la loi ne donne aucune sanction. Ils n'ont pas d'existence légale, et tout commerce de cette espèce est fait sans sa protection et contre son autorité. Bynkershoek s'exprime lui-même avec force sur cet argument dans son livre 4er, chapitre vii, quand il déclare que la légalité du commerce et l'usage mutuel des cours de justice sont inséparables. Il dit qu'à cet égard les cas de commerce ne peuvent se distinguer de toute autre espèce de cas: «Mais si l'ennemi permet une fois de porter des actions, il est difficile de distinguer de quelles causes elles peuvent s'élever, et je n'ai jamais pu remarquer que cette distinction eût jamais été mise en pratique. »

Sir W. Scott remarque alors l'intention constante des décisions dans les tribunaux de prises anglais, où la règle avait été rigoureusement appliquée aux cas où des actes du parlement avaient été faits en différentes occasions pour se relâcher des lois de navigation et de douanes; aux cas où le gouvernement avait autorisé, sous la sanction d'un acte du parlement, un commerce d'importation des possessions de l'ennemi, sans avoir spécialement protégé un commerce d'exportation vers les mêmes possessions, quoique intimement lié au commerce d'importation et presque nécessaire à son existence; aux cas où des titres non pas simplement de convenance, mais de nécessité, excusaient ce commerce de la part d'un individu; aux cas où des cargaisons avaient été frétées avant la guerre, sans que les parties eussent fait toutes les diligences possibles pour contre-mander le voyage après les premières nouvelles d'hostilités; et aux cas où la règle avait été

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