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de l'ennemi, et ayant été capturé à son retour en Amérique sur lest. On ne pouvait nier que s'il eût été pris pendant le même voyage dans lequel le délit fut commis, on le considérerait comme encore in delicto, et sujet à confiscation; mais on soutenait que son voyage s'était terminé dans le port ennemi, et qu'il revenait de ce port par un nouveau voyage. Mais la cour dit que, même en admettant que le voyage du départ et celui du retour pussent être séparés de manière à en faire deux voyages distincts, il n'était cependant pas possible de nier que les limites (termini) de ce voyage ne fussent Saint-Pétersbourg et les États-Unis. La continuité de ce voyage ne pouvait être rompue par la déviation volontaire du maître, dans le but d'entreprendre un commerce intermédiaire. Les réclamants admirent que la traversée du pays neutre au pays de l'ennemi ne fut pas entreprise comme un nouveau voyage; c'était, disaient-ils, un voyage subsidiaire au voyage de retour, c'était en somme un voyage du pays neutre par le chemin du pays ennemi; et conséquemment, si le navire pendant tout le temps de ce voyage était saisi pour quelque acte le soumettant à la confiscation comme prise de guerre, il était saisi in delicto 1.

Nous avons vu quelle est la règle du droit public et du droit privé sur ce sujet, et quelles sont les sanctions qui la soutiennent. On a tenté plusieurs fois d'éviter son effet et d'échapper à ses peines; mais son inflexible rigueur a dérouté toutes ces tentatives. Les exceptions apparentes à la règle, loin d'en affaiblir la force, la confirment et la corroborent. Elles se résolvent toutes dans des cas où le commerce avait lieu avec un pays neutre, ou bien où les circonstances étaient considérées comme impliquant une licence, ou encore dans le cas où le commerce n'était pas achevé au moment où l'ennemi avait cessé d'être ennemi.

2 CRANCH'S Reports, vol. III, p. 451, 455. The Joseph.

Dans tous les autres cas une licence expresse du gouvernement est régardée comme nécessaire pour légaliser les rapports commerciaux avec l'ennemi1.

§ 14 Commerce

avec l'ennemi commun

illégal

de la part

alliés.

Non- seulement de semblables rapports avec l'ennemi de la part des sujets de l'État belligérant sont prohibés et punis de la confiscation dans les cours des prises de leur propre pays, mais pendant une guerre faite conjoin- des sujets tement, aucun sujet d'un allié ne peut commercer avec l'ennemi commun sans être exposé à subir devant la cour des prises de l'allié la perte de la propriété qu'il a engagée dans un commerce de cette nature. Cette règle est un corollaire de l'autre; elle est fondée sur le principe qu'un tel commerce est défendu aux sujets du cobelligérant par le droit civil de son propre pays, par le droit des gens universel, et par les termes exprès ou implicites du traité d'alliance subsistant entre les puissances alliées. Et comme la première de ces règles ne peut être relâchée que par la permission du souverain pouvoir de l'État, de même celle-ci ne peut être relâchée que par la permission des nations alliées d'après leur consentement mutuel. Une déclaration d'hostilités emporte naturellement avec elle l'interdiction de tous rapports commerciaux. Quand un État est seul en guerre, cette interdiction peut être relâchée pour ses sujets sans porter préjudice à aucun autre État; mais quand des nations alliées poursuivent une cause commune contre un ennemi commun, il y a un contrat implicite, sinon exprès, qu'aucun des États cobelligérants ne fera rien de contraire au but commun. Si un État permet à ses sujets de poursuivre un commerce non interrompu avec l'ennemi, la conséquence sera qu'il prêtera aide et assistance à l'ennemi, ce qui serait préjudiciable à la cause commune. Il semblerait donc que ce n'est point assez

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. VI, p. 127. The Franklin. Vol. IV, p. 495. The Madonna delle gracie. Vol. V, p. 441. The Juffrow Catharina. P. 251. The Alby. WHEATON'S Reports, vol. II, appendix, note 4, p. 34. WHEATON, on Captures, p. 220–223.

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$ 15. Contrats

avec

l'ennemi,

pour satisfaire la cour des prises d'un des États alliés de dire que l'autre a permis cette pratique à ses sujets; il serait encore nécessaire de montrer ou que l'usage de ce droit de commercer n'est pas de nature à entraver les opérations communes, ou qu'il a l'approbation de l'autre. État allié 1.

Il suit comme corollaire du principe interdisant tout rapport commercial et autres relations pacifiques avec prohibés. l'ennemi public, que toute espèce de contrat privé fait avec les sujets de cet ennemi pendant la guerre est illégal. Cette règle ainsi déduite est applicable à l'assurance sur la propriété et le commerce de l'ennemi; à l'envoi et à la négociation des billets de change entre les sujets des puissances en guerre, à l'envoi de fonds en monnaie ou billets au pays de l'ennemi; aux associations commerciales commencées entre les sujets des deux pays après la déclaration de guerre ou existant avant la déclaration. Ces dernières sont dissoutes par la seule force et l'acte de la guerre elle-même, quoique pour les autres contrats elle ne fait que suspendre le recours 2.

$16. Personnes domiciliées dans le pays ennemi

aux représailles.

Grotius dans le second chapitre de son troisième livre, assujetties où il traite de la responsabilité de la propriété des sujets pour les injures commises par l'État à d'autres communautés, expose que: <«<Selon le droit des gens, tous les sujets du souverain de qui l'on a reçu du tort, qui sont tels à titre durable, soit naturels du pays ou venus d'ailleurs, sont exposés au droit de représailles, mais non pas ceux qui ne font que passer ou séjourner peu de temps, car le droit de représailles,» dit-il, «a été établi comme une espèce de charge qui a été imposée pour payer les dettes du public; or ceux qui ne sont soumis aux lois du

1 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. x. ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. IV, p. 251; vol. VI, p. 403. The Neptunus.

2 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. xxi. Trad. de DUPONCEAU, p. 465, note. KENT'S Commentaries on American law, vol. I, p. 67, 68. 5th Ed.

pays que pour un temps sont exempts de ces sortes de charges. Parmi les sujets perpétuels le droit des gens met seulement à l'abri des représailles les ambassadeurs et leurs bagages, lorsqu'ils ne vont point en ambassade auprès d'une puissance ennemie de celui qui a juste sujet d'user de ce droit.» Dans son quatrième chapitre du même livre, où il traite du droit de tuer et des autres hostilités exercées contre la personne même de l'ennemi, dans ce qu'il appelle une guerre solennelle, il maintient que ce droit s'étend << non-seulement à ceux qui portent actuellement les armes ou qui sont sujets de l'auteur de la guerre, .mais encore à tous ceux qui se trouvent sur les terres de l'ennemi. En effet, comme on a à craindre même quelque chose de la part des étrangers qui se trouvent alors dans le pays de l'ennemi, cela suffit pour que le droit dont il s'agit ait lieu aussi contre eux dans une guerre générale et non interrompue. En quoi il y a de la différence entre la guerre et le droit de représailles, qui, comme nous l'avons déjà vu, est une espèce d'impôt que les sujets doivent payer pour les dettes de l'État 1. »

1 Cæterum non minus in hac materia quam in aliis cavendum est, ne confundamus ea quæ juris gentium sunt proprie, et ea quæ jure civili aut pactis populorum constituuntur.

Jure gentium subjacent pignorationi omnes subditi injuriam facientes, qui tales sunt ex causa permanente, sive indigenæ, sive advenæ, non qui transeundi aut moræ exiguæ causa alicubi sunt. Introductæ enim sunt pignorationes ad exemplum onerum, quæ pro exsolvendis debitis publicis inducuntur, quorum immunes sunt qui tantum pro tempore loci legibus subsunt. A numero tamen subditorum jure gentium excipiuntur legati, non ad hostes nostros missi, et res eorum. (GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. 1, § 7, n° 1 et 2.)

Late autem patet hoc jus licentiæ, nam primum non eos tantum comprehendit qui actu ipso arma gerunt, aut qui bellum moventis subditi sunt, sed omnes etiam qui intra fines sunt hostiles: quod apertum sit ex ipsa formula apud Livium, hostis sit ille, quique intra præsipia ejus sunt; nimirum quia ab illis quoque damnum metui potest, quod in bello continuo et universali sufficit, ut locum habeat jus de quo agimus: aliter quam in pignorationibus, quæ, ut diximus, ad exemplum onerum impositorum ad luenda civitatis debita, introductæ sunt: quare mirum non est, si, quod Baldus notat, multo plus licentiæ sit in bello quam in pignorandi jure. Et hoc quidem quod dixi in

Barbeyrac, dans une note relative à ces passages, observe ce qui suit: «Feu M. Cocceius, dans une dissertation que j'ai déjà citée, De jure belli in amicos, § 23, rejette cette distinction, et il veut que les étrangers même à qui l'on n'a pas donné un peu de temps pour se retirer soient regardés comme étant du parti de l'ennemi et par là exposés à de justes actes d'hostilités. Il distingue ensuite lui-même, pour suppléer à ce prétendu défaut, entre les étrangers qui demeurent dans le pays et ceux qui ne font que passer, ou qui, s'ils y séjournent quelque temps, y sont contraints par une maladie, ou par la nécessité de leurs affaires. Mais cela même fait voir que M. Cocceius, ici comme en une infinité d'autres endroits, a critiqué notre auteur sans l'entendre. Dans le paragraphe suivant, Grotius distingue manifestement des étrangers dont il vient de parler ceux qui sont sujets de l'ennemi à titre durable, par où il entend sans doute, comme l'explique le savant Gronovius, ceux qui sont domiciliés dans le pays. Notre auteur s'explique lui-même ci-dessus, chapitre 1 de ce livre, § 7, en parlant des représailles qu'il accorde même contre ces sortes d'étrangers, au lieu qu'il ne les permet pas contre ceux qui ne font que passer ou qui ne sont dans le pays que pour un peu de temps 1. »

Quels que soient les titres du pays natal d'un homme à sa fidélité politique, il est hors de doute que le sujet né d'un pays peut devenir citoyen d'un autre, en temps de paix, pour commercer, et peut jouir de tous les priviléges. commerciaux attachés au domicile qu'il a élu. D'un autre côté, si la guerre éclate entre son pays adoptif et son pays natal ou un autre, sa propriété devient exposée aux repré

peregrinis, qui commisso cognitoque bello intra fines hosticos veniunt, dubitationem non habet.

At qui ante bellum eo iverant, videntur jure gentium pro hostibus haberi, post modicum tempus intra quod discedere potuerant. (Ibid. lib. III, cap. IV, § 6 et 7.)

1 GROTIUS, par Barbeyrac, in loc.

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