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de la première classe, en s'établissant à Demerara quand cette colonie appartenait à l'Angleterre, étaient présumés avoir l'intention de revenir si l'île passait à une puissance étrangère, et cette présomption, reconnue par le traité, relevait ces réclamants de l'obligation de prouver cette intention. Il croyait raisonnable de les admettre à leur jus postliminii, et il les soutenait en droit de prétendre à la protection des sujets anglais. Mais il était clairement d'avis que «la simple date récente d'établissement ne servirait de rien, si l'intention d'y faire une résidence permanente n'était arrêtée par la partie. Le cas de M. Whitehill établissait pleinement ce point. Il était arrivé à Saint-Eustache seulement un jour ou deux avant que l'amiral Rodney et les forces anglaises eussent paru; mais il fut prouvé qu'il était parti pour s'y établir, et sa propriété fut condamnée. Ici donc la date récente serait insuffisante. >>

Mais la propriété de ceux des réclamants qui s'étaient établis à Demerara avant que cette colonie tombât en la possession de la Grande-Bretagne, fut condamnée. «S'étant établis sans croire à la possession anglaise, on ne peut supposer, dit-il, «qu'ils aient abandonné leur résidence parce que cette possession avait cessé. Ils avaient passé avec indifférence d'une souveraineté dans une autre, et si l'on pouvait supposer qu'ils eussent cherché à renouer avec ce pays, ils ne devaient l'avoir fait que dans des circonstances qui ne pouvaient en rien affecter leur intention de rester là. Quant à la situation des personnes établies dans la colonie avant l'époque de la possession anglaise, je me sens obligé de prononcer qu'elles doivent être considérées sous le même point de vue que les personnes résidant à Amsterdam. On doit comprendre cependant que s'il y en avait parmi elles qui s'en allassent véritablement, et que ce fait fût suffisamment prouvé, leurs biens pourraient leur être rendus. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il devrait y avoir intention évidente de retour de la

part de ceux qui se sont établis avant la possession anglaise, la présomption n'étant pas en leur faveur 1. >>

Le cas de l'Océan, décidé en 1804, était une réclamation relative à des sujets anglais établis dans des États étrangers en temps de paix, et prenant des mesures précoces de se retirer à l'ouverture de la guerre. Il paraît que le réclamant s'était établi comme associé dans une maison de commerce de Hollande, mais qu'il avait fait des arrangements pour la dissolution de l'association, et qu'il ne fut empêché de s'éloigner personnellement que par la détention violente de tous les sujets anglais qui se trouvaient sur le territoire de l'ennemi à l'ouverture de la guerre. Sur ce cas, sir W. Scott dit: «Ce serait, je crois, aller plus loin que les lois ne l'exigent que de juger cette personne par sa première occupation et par sa résidence. présente forcée en France, et de ne pas admettre qu'elle se soit affranchie de l'effet des hostilités survenantes par les moyens qu'elle avait employés pour s'éloigner. Sur preuve suffisante de propriété, je suis disposé à l'admettre au bénéfice de la restitution 2. »

Dans une note sur ce cas, sir C. Robinson expose que la situation des sujets anglais voulant s'éloigner du pays de l'ennemi à l'avénement de la guerre, mais qui sont empêchés par la survenance soudaine des hostilités de prendre des mesures assez promptes pour obtenir restitution, présentait souvent un cas de difficulté considérable devant la cour des prises. I conseille aux personnes qui se trouvent dans une semblable situation, pour leur départ réel, de s'adresser au gouvernement pour obtenir un passeport spécial, plutôt que de confier des propriétés de valeur aux effets d'une simple intention de départ, intention qui peut souvent paraître douteuse d'après les circonstances qui l'ont empêchée d'être mise à exécution. Et

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V. p. 60. La Diana. 2 Ibid., vol. V, p. 91.

Cas de personnes quittant Te pays

de l'ennemi à l'ouverture de la guerre.

Décisions

des tribunaux américains.

sir W. Scott, dans le cas du Dree Gebrææders, observe que «<l'intention de retirer des fonds dans tous les temps doit être examinée avec beaucoup de défiance; mais quand la transaction paraît avoir été conduite bona fide dans ce but, et n'être dirigée que pour l'éloignement de la propriété que les accidents de la guerre ont enfermée dans le pays belligérant, les cas de cette espèce ont le droit d'être traités avec quelque indulgence.» Mais dans un cas suivant, où un consentement fut accordé par la cour au retrait d'une propriété anglaise en vertu de circonstances particulières, il déclara que le décret de restitution dans ce cas particulier ne devait pas être compris comme relâchant en rien la nécessité d'obtenir une permission chaque fois que la propriété doit être retirée du pays de l'ennemi1.

Les mêmes principes quant aux effets de domicile ou d'habitation commerciale dans le pays de l'ennemi ont été adoptés par les tribunaux de prise des États-Unis pendant la dernière guerre avec la Grande-Bretagne. La règle fut appliquée au cas de sujets natifs anglais émigrés aux États-Unis longtemps avant la guerre, et devenus naturalisés citoyens, d'après les lois de l'Union, aussi bien qu'aux citoyens natifs résidants dans la Grande-Bretagne au moment de la déclaration. Les citoyens naturalisés en question avaient, longtemps avant la déclaration de guerre, regagné leur pays natal, où ils avaient établi leurs domiciles et engagé un commerce au moment où les chargements en question furent faits. Les marchandises étaient embarquées avant qu'ils n'eussent connaissance de la guerre. Au moment de la capture un des réclamants était encore dans le pays de l'ennemi, mais il avait depuis la nouvelle de la capture exprimé le vif désir de retourner aux États-Unis, ce dont il avait été empêché par différentes causes consignées dans sa déclaration. Un autre était alors

ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. IV, p. 234; vol. V., p. 141. The Juffrow Catharina,

revenu quelque temps après la capture, et un troisième était encore dans le pays de l'ennemi. En prononçant son jugement sur ce cas, la cour suprême arrêta que comme il n'y avait pas de contestation de faits sur le domicile des réclamants, les questions de droit à examiner étaient les deux suivantes: 1° Par quel moyen et jusqu'à quel point peut-on imprimer sur une personne un caractère national différent de celui que lui donne une obéissance permanente à l'État? 2o Quelles sont les conséquences légales auxquelles peut l'exposer ce caractère acquis, à l'avènement d'une guerre survenant entre le pays de sa résidence et celui de sa naissance, ou celui dans lequel elle a été naturalisée? Sur la première de ces questions on se reporta aux opinions des publicistes, et aux décisions des tribunaux anglais de prises déjà citées. Mais on ajouta qu'en décidant si une personne avait obtenu le droit d'un domicile acquis, on ne devait pas compter beaucoup sur le poids d'écrivains purement élémentaires du droit des gens, si toutefois ils devaient être de quelque secours. Ils ne peuvent qu'émettre les principes généraux du droit, et il devient du devoir des cours de justice d'établir les règles pour l'application convenable de ces principes. La question de savoir si la personne, pour être affectée par le droit de domicile, a suffisamment fait connaître son intention de se fixer d'une manière permanente en pays étranger, doit dépendre de toutes les circonstances du cas. Si elle n'a pas fait de déclaration expresse à ce sujet, et qu'il faille chercher à découvrir son intention secrète, il faut observer ses actes comme fournissant l'évidence la plus satisfaisante de ses intentions. Sur ce point les cours d'Angleterre ont décidé qu'une personne qui part dans un pays étranger, s'y établit, et prend part au commerce du pays, offre par ces actes l'évidence d'une intention permanente de résider dans ce pays, de nature à lui imprimer le caractère national de l'État où elle réside. Dans les

questions sur ce sujet, le point principal à considérer est l'animus manendi; et les cours doivent créer des règles d'évidence assez raisonnables pour pouvoir établir le fait de l'intention. S'il paraît suffisamment prouvé que l'intention de s'éloigner était dans le but de faire un établissement permanent, ou pour un temps indéfini, le droit de domicile est acquis même par une résidence de peu de jours. C'était là une des règles des tribunaux de prises anglais, et elle paraissait être parfaitement raisonnable. Une autre règle était qu'une personne neutre ou un sujet trouvé résidant en pays étranger est présumé y être animo manendi; et si un État de guerre vient à mettre sa nationalité en question, c'est à lui d'expliquer les circonstances de sa résidence. Quant aux autres règles des tribunaux de prises d'Angleterre, particulièrement celles qui établissent la nationalité d'une personne d'après l'interprétation de sa résidence, ou la nature particulière de son commerce, la cour ne fut pas appelée à cette époque à donner son avis sur ce point, parce que dans le cas présent il fut admis que les réclamants avaient acquis un droit de domicile en Angleterre à l'époque de l'ouverture de la guerre entre ce pays et les États-Unis.

La question suivante était: quelles sont les conséquences auxquelles ce domicile acquis peut légalement exposer la personne qui en jouit, en cas de guerre entre le gouvernement où il réside et celui auquel il doit une fidélité permanente? Une personne neutre dans cette situation, qui s'engagerait dans des hostilités ouvertes avec l'autre nation belligérante, serait considérée et traitée comme ennemie. On ne pourrait considérer ainsi un citoyen de l'autre nation belligérante, parce qu'il ne pourrait par aucun acte d'hostilité se rendre lui-même, strictement parlant, ennemi, contrairement à l'obéissance permanente qu'il doit à l'État. Mais quoiqu'il ne puisse être considéré comme un ennemi dans le sens strict du mot,

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