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il est pourtant jugé tel, en égard à la saisie de celle de ses propriétés comprise dans le commerce de l'ennemi avec lequel il est en rapport par sa résidence. Ce commerce est considéré comme lié à l'ennemi; lui-même est lié à l'ennemi, quoique non-criminellement, à moins qu'il ne trempe dans des actes d'hostilité contre son pays natal, ou peut-être à moins qu'il refuse d'y retourner quand il en est requis par son pays. La même règle quant à la propriété engagée dans le commerce de l'ennemi, s'applique aux personnes neutres, par la même raison. Le réciproque de cette règle s'applique inévitablement au sujet d'un État belligérant domicilié dans un pays neutre. Il est regardé comme neutre par les deux parties belligérantes relativement au commerce qu'il entretient avec la nation belligérante adverse et avec le reste du monde.

Mais cette nationalité qu'un homme acquiert par la résidence peut être dépouillée à son gré par son retour dans son pays natal, ou même en quittant le pays où il résidait pour aller dans un autre. On ne saurait contester la sagesse de cette règle. L'homme qui a une fois acquis un caractère national par la résidence dans un pays étranger, doit être obligé à toutes ses conséquences, jusqu'à ce qu'il ait dépouillé ce caractère, soit par un retour dans son pays natal ou dans celui où il a été naturalisé, soit en effectuant son départ bona fide, et sans intention de retour. Si, sans recourir à l'éloignement, on admet quelque chose qui puisse changer le caractère de nationalité acquis par la résidence, il semble parfaitement raisonnable que l'évidence d'une intention, bona fide, soit de nature à ne laisser aucun doute de la sincérité de cette intention. On ne doit jamais compter sur de simples déclarations d'une pareille intention, quand elles sont contredites ou au moins rendues douteuses par la continuation de cette résidence qui imprime ce caractère. Elles peuvent avoir été faites pour tromper, ou si elles ont été faites avec sincérité, elles

peuvent n'être jamais exécutées. Et même la partie ellemême ne doit pas être liée par elles, car elle peut ensuite trouver une raison de changer de détermination, et il faut qu'il lui soit permis de le faire. Mais quand elle accompagne ses déclarations d'actes qui parlent un langage auquel on ne peut se méprendre, et qui ne peuvent manquer d'être mis à effet par le départ, on a la plus grande évidence que puisse fournir un pareil cas. N'est-il pas convenable que les cours des nations belligérantes refusent à toute personne le droit d'user d'un caractère assez équivoque pour lui laisser le choix de ce qui conviendra le mieux à son affaire si elle est mise en question? Si la propriété d'un sujet est prise pendant son commerce avec l'ennemi, lui sera-t-il permis de la garantir de la confiscation, en alléguant qu'il avait eu l'intention de quitter le pays de l'ennemi pour revenir dans le sien; que donc il est neutre, et qu'alors comme neutre le commerce pour lui était légal? Si la guerre existe entre le pays de sa résidence et son pays natal, et que sa propriété soit saisie par l'un ou l'autre, l'entendra-t-on dire dans le premier cas qu'il était sujet domicilié du pays de celui qui l'a capturé, et dans le second qu'il était sujet natif du pays de celui qui l'a capturé, parce qu'il avait déclaré l'intention de reprendre son caractère natif, de manière à ce qu'il élude ainsi les droits des deux nations belligérantes? C'était pour se tenir en garde contre de telles incompatibilités et contre les fraudes que de telles prétentions, si elles étaient tolérées, sanctionneraient, que la règle ci-dessusmentionnée fut adoptée. Sur quel principe sain pourrait-on établir la distinction entre le cas d'une personne neutre et d'un sujet de l'une des nations belligérantes domicilié dans le pays de l'autre à l'avénement de la guerre? La propriété de chacun d'eux, qui se trouvait engagée dans le commerce de leur pays adoptif, leur appartenait avant la guerre en leur qualité de sujets de ce pays aussi long

temps qu'ils continuaient à y maintenir leur domicile; et quand entre ce pays et un autre il s'allume une guerre par laquelle les deux nations et tous leurs sujets deviennent ennemis les uns des autres, il s'ensuit que cette propriété, qui était autrefois la propriété d'un ami, lui appartient maintenant, à lui qui est devenu par rapport à cette propriété un ennemi.

Cette doctrine des cours de droit commun et des tribunaux de prises en Angleterre est fondée, de même que la doctrine mentionnée dans le premier chapitre, sur le droit international, et passait pour être fortement appuyée sur la raison et la justice. On peut demander avec confiance pourquoi la propriété des sujets ennemis ne serait pas exposée au droit de représailles et de guerre tant que le propriétaire garde son domicile acquis, ou, pour parler comme Grotius, continue une résidence permanente dans le pays de l'ennemi. Ils étaient avant la guerre, et continuent à être après la guerre, liés par cette résidence à la société dont ils étaient membres, soumis aux lois de l'État et devant obéissance à ce dernier. Ils sont obligés de la défendre (à l'exception du sujet qu'une telle obligation armerait contre son pays natal), en retour de la protection qu'il leur accorde et des priviléges que les lois leur donnent comme sujets. La propriété de telles personnes, comme celle des sujets natifs, doit être considérée comme les biens de la nation à l'égard des autres États. Elle appartient en quelque sorte à l'État, par le droit qu'a l'État sur les biens de ses citoyens, qui font partie de la somme totale de ses richesses et augmentent son pouvoir (Vattel, liv. I, ch. XIV, § 182). «Dans les représailles,» continue le même auteur, on saisit les biens de sujets tout comme on saisirait ceux de l'État ou du souverain. Tout ce qui appartient à la nation est sujet aux représailles dès qu'on peut s'en saisir, pourvu que ce ne soit pas un dépôt confié à la foi publique.» Maintenant, si une résidence

permanente fait de la personne un sujet du pays où elle s'est établie, aussi longtemps qu'elle continue d'y résider, et soumet sa propriété aux lois de réprésailles, comme faisant partie de la propriété de la nation, il semblerait difficile de soutenir que les mêmes conséquences n'auraient pas lieu dans le cas d'une guerre ouverte et publique, soit entre le pays adoptif et le pays natal des personnes ainsi domiciliées, soit entre le premier de ces pays et quelque autre nation. Si donc l'éloignement, ou un commencement d'éloignement bona fide, pouvaient seuls changer une nationalité acquise par le domicile, et si à l'époque du commencement du voyage aussi bien qu'à l'époque de la capture la propriété appartenait à une personne ainsi domiciliée, dans son caractère de sujet, qu'y avait-il là qui l'empêchât ou dût l'empêcher d'être capturée par les croiseurs du pays natal de son propriétaire, si au moment de la capture, celui-ci continue à résider dans le pays belligérant adverse?

On soutenait qu'on devait laisser à un natif ou à un sujet naturalisé d'un pays, qui était surpris dans le pays où il avait son domicile, par une déclaration de guerre, le temps de choisir soit de continuer à y résider, soit de partir pour le pays auquel il devait une fidélité permanente; et que, jusqu'à ce que ce choix fût fait, sa propriété devait être protégée contre la capture par les croiseurs du dernier État. Cette doctrine fut trouvée aussi peu fondée en raison et en justice qu'elle l'était peu en droit. Dans le premier cas elle est fondée sur la présomption que la personne partira bien certainement avant qu'il soit possible de savoir si elle peut ou ne peut pas le faire. On disait que la présomption devait avoir lieu parce qu'en recevant la nouvelle de la guerre il serait du devoir de cette personne de retourner dans son pays. Cette position ne fut pas admise. Il était de son devoir de ne pas commettre d'actes d'hostilité contre son pays natal et de

retourner à son secours quand elle en était requise. II n'est pas de nation imbue de sentiments de justice qui, à cause des principes tempérés du droit des gens, prétendit exiger de cet individu de prendre les armes contre son pays natal, ou lui refuser la permission de se retirer quand il le voudrait, si ce n'est en vertu de circonstances particulières qui dans un moment critique pourraient par ce départ mettre en danger la sûreté publique. Le droit des gens conventionnel était conforme à ces principes. Il est ordinaire de stipuler dans les traités que les sujets de chaque partie pourront se retirer avec leur propriété, ou rester sans être inquiétés. On les laisse libres de choisir pour eux-mêmes, et quand ils ont fait leur choix, ils peuvent réclamer le droit d'en jouir, en vertu du traité. Mais jusqu'à ce que leur choix soit fait, leur premier caractère continue sans être changé. Jusqu'à ce que ce choix soit fait, si la propriété du réclamant trouvée en pleine mer engagée dans le commerce de sa patrie adoptive obtient des croiseurs de l'autre nation belligérante la permission de passer librement, en raison de ce qu'il peut choisir de retourner dans sa patrie à la nouvelle de la guerre, et qu'elle y arrive saine et sauve, que doit-on faire dans le cas où le propriétaire choisit de rester où il est? Car si cette propriété est capturée et mise immédiatement en jugement, elle doit, d'après cette doctrine, être acquittée jusqu'à ce que le choix de rester soit fait et connu. Enfin le point en question appliquerait la doctrine de relation aux cas où la partie qui en réclame le bénéfice aurait tout à gagner et rien à perdre. Si le propriétaire, après la capture, trouve de son intérêt de rester où il est domicilié, sa propriété embarquée avant qu'il ne se soit prononcé pour son choix est saine et sauve; et s'il trouve mieux de retourner, elle est saine et sauve à plus forte raison. Qu'il parte ou reste, elle est en sûreté. La doctrine qui produit

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