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Phoenix était précisément identique. Dans ce cas, un vaisseau fut capturé dans un voyage de Surinam en Hollande, et une partie de la cargaison fut réclamée par des personnes résidantes en Allemagne, alors pays neutre comme étant le produit de leurs établissements à Surinam. Le conseil de ceux qui avaient fait la capture regardait la loi du cas comme entièrement établie. Le conseil des réclamants reconnaissait comme juste cette position. Il l'admettait, mais il s'efforçait de distraire le cas du principe général, en lui donnant la protection du traité d'Amiens. En prononçant son jugement, sir W. Scott exposa ainsi cette règle générale: «Certes rien ne saurait être plus décidé et plus arrêté, comme étant le principe de cette cour, et celui de la cour suprême sur ce point important, que la loi établissant que la possession du sol imprime au propriétaire la nationalité du pays en tant qu'il s'agit du produit de cette plantation, dans son transport dans tout autre pays, quel que soit le lieu de la résidence du propriétaire. Cela a été tant de fois décidé, et dans cette cour, et dans la cour supérieure, qu'on ne peut plus le mettre en discussion. On ne peut élever aujourd'hui aucun doute sur le point de droit 1. »

Ensuite dans le cas du Vrow Anna Catharina, sir W. Scott expose la règle et en arrête la raison. « Il est hors de doute,» dit-il, « qu'il y a des transactions si radicalement et si fondamentalement nationales, qu'elles impriment le caractère national, indépendamment de la paix ou de la guerre et du lieu de résidence des parties. Le produit de la plantation d'une personne dans la colonie de l'ennemi, quoique embarqué en temps de paix, peut être considéré comme propriété de l'ennemi, par la raison que le propriétaire s'est incorporé aux intérêts permanents de la nation comme tenancier du sol, et qu'il doit être pris

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 21. The Phoenix.

comme faisant partie de ce pays dans cette transaction particulière, indépendante de sa résidence et de son occupation personnelles 1. »

On soutenait que cette règle, émise avec tant de précision, ne comprenait pas la réclamation de M. Bentzon, parce qu'il ne s'était pas incorporé aux intérêts permanents de la nation. » Il avait acquis la propriété pendant que Santa-Cruz était colonie danoise, et s'était retiré de l'ile quand elle devint anglaise.

Cette distinction ne parut pas à la cour être bien fondée. L'identification du caractère national du propriétaire avec celui du sol, dans cette transaction particulière, n'est pas basée sur les dispositions dans lesquelles il a acquis le sol ou sur son caractère général de nationalité. L'acquisition de terre dans Santa-Cruz liait le réclamant, en ce qui regarde la terre, au sort de Santa-Cruz, quelle que dût être la destinée de cette ile. Quand elle appartenait au Danemark, le produit du sol, tant qu'il n'était pas vendu, était, d'après cette règle, propriété danoise, quel que fût le caractère général de nationalité du propriétaire particulier. Quand l'ile devint anglaise, le sol et son produit, tant qu'il est resté sans être vendu, étaient anglais. Le caractère général commercial ou politique de M. Bentzon ne pouvait, d'après cette règle, affecter cette transaction particulière. Quoique incorporé, à l'égard de son caractère général de nationalité, aux intérêts permanents du Danemark, il était incorporé, eu égard à sa plantation de Santa-Cruz, aux intérêts permanents de Santa-Cruz, qui à cette époque était anglaise; et quoique, comme Danois, il fût en guerre avec la Grande-Bretagne et ennemi, néanmoins comme propriétaire de terre à Santa - Cruz, il n'était pas ennemi et pouvait embarquer ses produits pour l'Angleterre en toute sûreté.

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 167. The Vrow Anna Catharina.

2o Le cas rentrait donc certainement dans la règle établie par les cours de prises anglaises. La question suivante était de savoir jusqu'à quel point cette règle serait adoptée dans ce pays.

Le droit des gens est la grande source d'où dérivent ces règles relatives aux droits des belligérants et des neutres qui sont reconnues par tous les États civilisés et commerciaux de l'Europe et de l'Amérique. Ce droit est en partie non écrit, et en partie conventionnel. Pour préciser celui non écrit, on se reporte aux grands principes de la raison et de la justice; mais comme ces principes seraient compris de différentes manières par les différentes nations et d'après des circonstances différentes, on les considère à quelques égards établis et rendus stables par une série de décisions judiciaires. Les décisions des cours de tous les pays, en tant qu'elles sont fondées sur une loi commune à tous les pays, sont admises non comme autorité, mais avec considération. Les décisions des cours de chaque pays montrent comment le droit des gens, dans un cas donné, est compris dans ce pays. On y aura égard en adoptant la règle qui doit prévaloir dans celui-ci.

Sans établir de points de comparaison de l'équité ou de la loyauté des règles établies dans les cours de prises anglaises, et celles établies dans les cours des autres nations, il y a des circonstances à considérer, qui donnent à ces règles un droit à notre considération que nous ne pouvons entièrement dédaigner. Les États-Unis ayant pendant un temps formé une partie de l'empire britannique, la loi de prises des Anglais était aussi celle de l'Amérique. Quand ils se séparèrent de l'Angleterre, la loi de prises de ce pays resta la leur en tant qu'elle était appropriée aux circonstances de ceux-ci. Cette loi ne reçut pas de changement du pouvoir qui pouvait la changer.

On ne pourrait avancer, en conséquence de cette première relation entre les deux pays, que toute fausse inter

prétation évidente du droit public faite par les cours anglaises a droit à plus de respect que les règles récentes des autres pays. Mais un cas paraissant évidemment devoir être décidé entièrement d'après les anciens principes, ne sera pas entièrement dédaigné, à moins qu'il ne soit déraisonnable, ou fondé sur une interprétation rejetée par les autres nations.

On disait que la règle émise dans le cas du Phoenix était une règle récente, parce qu'un cas solennellement décidé devant les lords commissaires, en 1783, est cité en marge comme autorité; mais on ne disait pas que ce cas eût été déterminé contrairement à l'ancienne pratique et aux anciennes opinions. La cour ne voyait pas non plus de raisons pour le supposer contraire à la règle des autres nations dans un cas semblable.

L'opinion que la possession du sol lie en quelque sorte le propriétaire à la propriété, relativement seulement à ce sol, était une opinion qui prévalait certainement d'une manière très-extensive. Ce n'était pas une opinion déraisonnable. La propriété mobilière doit suivre partout la personne; et son caractère, si on la trouve sur l'Océan, doit dépendre du domicile du propriétaire. Mais la terre est fixe. En quelque lieu que puisse résider le propriétaire, cette terre est hostile ou amie, selon la condition du pays où elle est située. Ce n'était pas une perversion extravagante de principe, ce n'était pas non plus une offense violente au cours des idées humaines, que de dire que le propriétaire, eu égard à ses intérêts sur cette terre, partage de son caractère, et que le produit de la propriété, tant que le propriétaire reste le même, est soumis aux mêmes incapacités 1. Caractère De même aussi, en général, et à moins de circonstances. vaisseaux. particulières, le caractère des vaisseaux dépend du caractère national du propriétaire, déterminé par son domicile.

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national des

1 CRANCH'S Reports, vol. IX, p. 491-199. Trente barils de sucre; Bentzon, réclamant.

Mais si un vaisseau navigue sous le pavillon et le passeport d'un pays étranger, on doit le considérer comme portant le caractère national du pays sous le pavillon duquel il navigue. Il fait partie de sa marine, et peut à tous égards être considéré comme vaisseau du pays. Car les vaisseaux ont un caractère particulier qui leur est imprimé par la nature spéciale de leurs titres. Ils sont toujours regardés sous le caractère dont ils sont ainsi revêtus, à l'exclusion de toutes les réclamations d'intérêt que des personnes résidantes en pays étranger peuvent avoir sur eux. Mais quand la cargaison est chargée à bord en temps de paix, et enregistrée comme propriété étrangère de la même manière que le vaisseau, dans le but d'éviter des droits étrangers, le voyage sous le pavillon et le passeport étrangers n'est pas concluant quant à la cargaison. On fait une distinction entre le navire qui se trouve lié par le caractère imposé sur lui par l'autorité du gouvernement dont il tient tous ses titres, et les marchandises dont le caractère ne dépend pas de même de l'autorité de l'État. En temps de guerre un principe plus strict peut être nécessaire; mais quand la transaction a lieu en temps de paix et sans expectative de guerre, la cargaison ne doit pas être enveloppée dans la condamnation du vaisseau, qui, dans ces circonstances, est considéré comme incorporé à la marine du pays dont il porte le pavillon et le passeport1.

Nous avons déjà vu qu'aucun rapport commercial ne pouvait être entretenu légalement entre les sujets d'États en guerre les uns avec les autres, excepté par permission spéciale de leurs gouvernements respectifs. Comme de pareils rapports ne peuvent être légalisés chez les sujets de l'un des États belligérants que par une licence de leur gouvernement, il est évident qu'une pareille licence de

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. I, p. 4. The Vigilantia. Vol. V, p. 161. The Vrow Anna Catharina. DODSON'S Admiralty Reports, vol. I, p. 131. The Success.

§ 23. Navigation sous la permission de l'ennemi

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