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De l'effet d'une

sur

Si ce changement est opéré par une révolution intérévolution rieure qui change la constitution de l'État, ou la forme de son gouvernement, ou la dynastie qui y règne, l'État demeure le même; il ne perd aucun de ses droits et n'est libéré d'aucun de ses engagements 1.

l'identité

d'un État.

De la conduite que les Etats étrangers peuvent observer

envers un

État engagé

guerre civile.

Pour qu'un État soit constitué, il faut nécessairement que les membres de la société politique dont il est composé obéissent habituellement à une autorité supérieure. Il ne résulte nullement de là que si, par suite d'une guerre civile, cette obéissance habituelle, ainsi que l'autorité à laquelle cette obéissance est due, sont momentanément suspendues, l'existence de l'État soit pour cela détruite, quoique pour un temps les relations ordinaires de cet État avec d'autres États aient cessé.

Jusqu'à ce que la révolution soit consommée, c'est-àdire pendant que la guerre civile continue, les autres États peuvent, ou rester spectateurs indifférents de la lutte, tout en continuant à regarder l'ancien gouvernement comme dans une souverain, et le gouvernement de fait comme ayant le droit de faire la guerre à ses adversaires, ou bien ils peuvent soutenir la cause de l'un ou de l'autre parti belligérant, selon qu'ils le trouveront fondé en justice ou non. Dans le premier cas, l'État étranger remplit toutes ses obligations suivant le droit des gens; et pourvu qu'il garde une conduite rigoureusement impartiale envers les deux partis, ni l'un ni l'autre n'a le droit de se plaindre. Dans le second cas, l'État étranger devient nécessairement l'allié du parti en faveur duquel il s'est déclaré, et l'ennemi du parti opposé; et comme dans ce cas le droit des gens n'établit aucune différence entre une guerre juste et une guerre injuste, l'État qui intervient jouit de tous les droits de la guerre contre son ennemi 2.

1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, chap. vII.
FORTH'S Institutions, b. II, c. x, § 14.
naturæ et gentium, lib. VIII, cap. xix, § 1 à 3.

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PUFFENDORF, de Jure

2 VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. IY, § 56. Précis du Droit des gens, liv. III, chap. 1, § 79-82.

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partis belligérants

de tous les

guerre.

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De l'effet extérieure

d'une force

sur l'identité d'un État.

Si l'État étranger veut garder une neutralité absolue Les deux en face des dissensions qui agitent un autre État, il doit doivent jouir accorder aux deux partis belligérants tous les droits que droits de la la guerre accorde aux ennemis publics, tels que le droit de blocus et le droit d'intercepter les marchandises de contrebande1. Cependant l'exercice de ces droits par une colonie envers la mère-patrie pourra être modifié d'après les traités qui existent entre cet État et d'autres États 2. Si au contraire un changement fondamental est opéré dans un État par l'effet d'une force extérieure, comme par la conquête confirmée par des traités, les effets de ce changement dépendront des stipulations contenues dans ces traités. Deux cas possibles se présentent: d'abord si une partie seulement de l'État vaincu a été conquise par l'ennemi, et ensuite si c'est la totalité du territoire qui a été soumise à l'étranger. Dans le premier cas l'État vaincu ne cesse pas d'exister; dans le second il cesse d'exister. Du reste dans l'un ou l'autre cas le pays conquis peut être incorporé dans l'État vainqueur comme une province de cet État, ou bien il peut être réuni à cet État comme un Coétat avec des droits souverains semblables à ceux de l'État auquel il est réuni.

$9.

peut De l'effet,

sur l'identité d'un État, d'une force

combinée avec une révolution intérieure.

Un changement pareil dans l'existence d'un État être le résultat d'une révolution intérieure combinée avec la conquête par une puissance étrangère, confirmée et extérieure modifiée par des traités. C'est de cette manière que la maison d'Orange fut expulsée des Provinces - Unies en 4797, par suite de la révolution française et du progrès des armées françaises, et qu'un régime démocratique fut substitué à l'ancienne constitution néerlandaise. En même temps les provinces des Pays-Bas, qui avaient été depuis longtemps réunies à la monarchie autrichienne sous la

1 WHEATON'S Reports, vol. III, p. 610.

2 Vid. part. IV, chap. I. Droits de la guerre à l'égard des

neutres.

$. 10. De l'effet, sur l'identité

la séparation

forme d'un Coétat, furent envahies et conquises par la France, et ensuite annexées à la république française par les traités de Léoben et de Lunéville. Lors de la restauration du Stadthouder en 1843, il prit le titre de prince souverain et ensuite de roi des Pays-Bas, et par les traités de Vienne les anciennes Provinces-Unies furent réunies à la Belgique, pour former un seul État sous la souveraineté de ce nouveau roi.

C'est là un exemple de deux États réunis pour ne plus former qu'un seul État. L'existence indépendante de deux anciens États cesse sous le rapport de l'un à l'autre, tandis que les droits et les obligations continuent à exister à l'égard des États étrangers, sauf dans les cas où ces droits et ces obligations sont affectés par les stipulations mêmes du traité qui a constitué le nouvel État.

Si le changement dans l'existence d'un État est le réd'un Etat, de sultat de la séparation d'une province ou d'une colonie de d'une la mère-patrie, la souveraineté extérieure de l'État ne peut d'une pro- être regardée comme complétement établie que lorsque son mère-patrie, indépendance a été reconnue par les puissances étrangères.

colonie ou

vince de la

Tant que la guerre civile continue, et que la mère-patrie n'a pas renoncé à ses droits de souveraineté, les États étrangers peuvent demeurer neutres en accordant aux partis belligérants les droits que la guerre donne aux ennemis publics; ou bien ils peuvent reconnaître l'indépendance de l'État nouveau, en formant avec lui des traités d'amitié et de commerce, ou enfin ils peuvent s'allier avec l'un des partis belligérants. Dans le premier cas, ni l'un ni l'autre des deux partis n'a le droit de se plaindre de cette conduite. Les deux derniers cas embrassent des questions qui semblent plutôt du domaine de la politique que du droit international; mais l'usage général des nations dans de pareilles circonstances montre assez bien l'opinion des hommes sur cette matière. C'est ainsi, par exemple, que les cantons suisses et les Provinces-Unies des Pays-Bas

ont exercé tous les droits de la paix et de la guerre et tous les droits de la souveraineté, longtemps avant que ces États n'aient été reconnus par l'empire germanique et par l'Espagne.

La reconnaissance des États-Unis de l'Amérique par la France, ainsi que les secours secrètement accordés par la cour de Versailles aux colonies révoltées, furent regardés comme des actes d'injuste agression par l'Angleterre 1. Dans les circonstances d'alors, le gouvernement anglais avait peut-être raison; mais si le gouvernement français avait agi avec bonne foi, et s'il avait gardé une neutralité impartiale entre les deux partis belligérants, il serait douteux que le traité de commerce, ou même celui d'alliance éventuelle entre la France et les États-Unis, eussent pu fournir un juste motif de guerre de la part de l'Angleterre contre la France.

L'exemple encore plus récent de la reconnaissance de l'indépendance des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud par les grandes puissances maritimes, pendant que la mère-patrie refusait de reconnaitre cette indépendance, prouve avec plus de force encore que l'opinion générale des nations est que, dans le cas où une colonie révoltée a déclaré et a pu maintenir son indépendance, la reconnaissance de la souveraineté par d'autres puissances est uniquement une question de politique et de prudence. Cette question doit être décidée par le pouvoir souverain de l'État étranger, et ne saurait jamais l'être par une autorité inférieure, ou par des particuliers. Tant que l'indépendance de l'État nouveau n'a pas été reconnue par le pouvoir souverain de l'État étranger où sa souveraineté est mise en question, ou par le gouvernement de l'État auquel il appartenait précédemment, les tribunaux et les

1 MARTENS, Nouvelles causes célèbres du droit des gens, t. I, p. 370 à 498. WHEATON, Histoire du droit des gens, t. 1, p. 384.

-

Reconnaissance d'une colonie par des États étrangers.

§ 11.

Des effets

produits par

ment fon

sujets d'autres États doivent regarder l'ancien ordre de choses comme ayant continué à subsister légalement 1.

Les effets produits par un changement dans la forme un change- de gouvernement, ou dans la personne du souverain d'un damental État quelconque, sur les rapports internationaux de cet Etat sur les État avec d'autres puissances, peuvent être envisagés sous cet État avec divers points de vue:

dans un

rapports de

d'autres

puissances. I. Par rapport aux traités d'alliance ou de commerce de cet État.

De l'effet de ce changement sur

II. Par rapport à ses dettes publiques.

III. Par rapport au domaine public ou aux droits de propriété privée.

IV. Par rapport aux torts, ou aux actes de violence, faits par l'État au gouvernement ou aux sujets d'un autre État. 1o Les publicistes font une différence entre les traités les traités. personnels et les traités réels. Les premiers sont ceux qui se rapportent exclusivement aux personnes des contractants. Tels sont les alliances de famille et les traités de garantie de la possession d'un trône à un souverain et à sa famille. Ces traités expirent avec ceux qui les ont contractés.

Les traités réels sont ceux qui sont attachés au corps même de l'État, et subsistent autant que l'État, si on n'a pas marqué le temps de leur durée. Ils continuent à être obligatoires pour l'État, quoique la forme de gouvernement, la dynastie régnante ou la personne de souverain aient changé. Le seul cas d'un traité fait pour empêcher un changement dans la constitution d'un État, fait exception à cette règle. Un pareil traité cesse nécessairement du moment où un tel changement s'est introduit dans la constitution de l'État 2.

1 VESEY'S Ch. Reports, vol. IX, p. 347. EDWARD'S Admiralty Reports, vol. 1, p. 1; appendix IV, note D. WHEATON'S Reports, vol. III, p. 324.

2 VATTEL, Droit des gens, liv. 11, chap. XII, § 183-497.

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