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Cette distinction entre les traités personnels et les traités réels a été contestée comme n'étant pas logiquement déduite de principes reconnus. Il faut en effet admettre qu'il y a certains changements dans la constitution intérieure d'un État, ou dans la dynastie régnante, ou dans la personne du souverain, qui peuvent avoir pour effet d'annuler les traités contractés par cet État avec d'autres puissances. L'obligation des traités, de quelque nom qu'on les désigne, est fondée non-seulement sur le contrat luimême, mais aussi sur les relations mutuelles entre les parties contractantes, relations qui les ont engagées à entrer dans de certains engagements vis-à-vis l'une de l'autre. Les traités ne peuvent donc subsister qu'aussi longtemps que ces relations existent. Il est évident en effet que du moment où ces relations cessent, par suite d'un changement tel dans l'organisation sociale d'un des États contractans, que l'autre État ne serait pas entré dans le contrat s'il avait pu le prévoir, il est évident, disons-nous, que le traité par cela même a cessé d'exister.

Effets produits sur

publiques.

2o Un changement dans la forme du gouvernement d'un État, ou dans la dynastie qui y règne, ou dans la les dettes personne du souverain, n'affecte en rien l'obligation des dettes publiques contractées par cet État. En effet la forme essentielle de l'État, celle qui le constitue une société indépendante, continue à être la même; sa forme accidentelle seule a changé. Les dettes publiques, ayant été contractées par des agents dûment autorisés, la nation est toujours responsable de ces dettes, quoique la constitution intérieure de l'État ait changé 1. Le nouveau gouvernement succédant aux droits fiscaux de l'ancien gouvernement, est par suite obligé de remplir toutes les obligations fiscales de ce gouvernement. Il devient propriétaire du domaine

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1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, cap. ix, § 8, no 1—3. PUFFENDORF, de Jure naturæ et gentium, lib. VIII, cap. XII, § 1, 2, 3.

Effets

produits sur

public et sur

les droits

privée.

public de l'État, et doit conséquemment payer les dettes. précédemment contractées 1.

3o Après une révolution dans un État, le nouveau goule domaine vernement établi devient le propriétaire du domaine pude propriété blic; il ne s'ensuit nullement cependant qu'aucun changement s'opère dans les droits de propriété privée. Un pareil changement peut pourtant arriver: l'autorité nationale peut ordonner une confiscation' totale ou partielle des biens du parti vaincu, et dans ce cas on doit prendre le fait pour le droit. Mais pour opérer un tel effet sur les droits de propriété des particuliers, il faut un acte de confiscation positive et non équivoque.

Si au contraire la résolution a été suivie par le rétablissement de l'ancien ordre de choses, les biens publics et privés qui n'ont pas été définitivement confisqués et vendus, reviennent à l'ancien propriétaire du moment où le gouvernement est rétabli, de même que dans le cas de l'évacuation d'un territoire par un ennemi qui l'a occupé pendant quelque temps, ils reviennent à ceux qui les possédaient précédemment. Le domaine national qui n'a pas été aliéné par un acte valide de l'État, revient à l'ancien souverain, du moment où il reprend sa souveraineté. Les biens des particuliers qui ont été séquestrés reviennent aux anciens propriétaires comme dans le cas où ces biens sont repris sur un ennemi, d'après le principe du droit de postliminie.

Mais si le domaine national a été aliéné, ou si les biens des particuliers ont été confisqués et vendus par quelque acte de l'État, pendant la révolution, la question de la validité d'une pareille aliénation des droits de propriété devient plus difficile à résoudre.

En général, le souverain même légitime d'un pays quelconque n'a pas le droit d'aliéner, même en partie, le do

'HEFFTER, das europäische Völkerrecht, § 24. Bona non intelliguntur nisi deducto aere alieno.

maine public en faveur de ses propres sujets, à moins qu'il n'y soit expressément autorisé par les lois de l'État. Mais s'il s'agit de transactions internationales où les gouvernements étrangers et leurs sujets sont intéressés, l'autorité peut être présumée comme faisant partie du droit général de faire des traités 1. De même quand les gouvernements étrangers ou leurs sujets traitent avec le chef actuel de l'État, ou avec le gouvernement de facto reconnu par l'assentiment de la nation, pour l'acquisition des biens publics ou des biens des particuliers confisqués au profit de l'État, les actes d'un tel gouvernement doivent être considérés comme valides par le souverain légitime, lors de sa restauration, quoiqu'ils soient les actes de celui que ce souverain regarde comme usurpateur 2. D'autre part, il semble que de telles aliénations de biens publics ou privés en faveur des sujets de l'État peuvent être annulées ou confirmées, d'après la volonté du souverain restauré et selon la conduite qu'il jugera la plus conforme à ses vues politiques, en réservant toutefois le droit légal des acquéreurs de ces biens d'être indemnisés pour les améliorations faites par eux à ces biens pendant qu'ils les possédaient 3.

Dans le cas où le prix des biens confisqués et vendus a été reçu par l'État, l'aliénation peut être confirmée, et les anciens propriétaires peuvent être indemnisés par le trésor public, comme cela a eu lieu pour les biens des émigrés français confisqués pendant la révolution. Les ventes des domaines nationaux des provinces allemandes et belges réunies à la France pendant la révolution, et ensuite détachées du territoire français par les stipulations des traités de Paris et de Vienne de 1814 et 1815, et

1 PUFFENDORF, de Jure naturæ et gentium, lib. VIII, cap. XII, § 1-3. VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. XXI, § 260 et 261. 2 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. II, chap. XIV, § 16. KLÜBER, Droit des gens, sect. II, chap. 1, § 258.

De la responsabilité d'un

ment nouveau, par les

de ceux des pays composant la confédération du Rhin ou le royaume d'Italie et les États du Pape, furent, en général, confirmées par ces traités et par les actes de la Diète germanique ou des souverains restaurés. L'aliénation des domaines appartenant aux divers pays dont se composait le royaume de Westphalie donna lieu à un long et difficile litige devant la Diète. L'électeur de Hesse et le duc de Brunswick refusèrent de reconnaître l'aliénation des biens publics dans leurs territoires respectifs, tandis que la Prusse, qui avait reconnu le roi de Westphalie, reconnut également la validité des actes de ce prince dans la partie de son royaume qui fut reunie à la monarchie prussienne par les traités de Vienne 1.

4o D'après les principes stricts du droit des gens, l'État gouverne- est responsable des torts ou actes de violence commis par le gouvernement de facto envers d'autres États, ou torts ou actes des sujets de ces États, même dans le cas d'un changecommis par ment dans la constitution intérieure ou dans la dynastie précédent. régnante de cet État. Ce principe a été appliqué dans

de violence

le gouverne

toute sa rigueur par les puissances alliées de l'Europe contre la France dans les traités de paix de 1814 et 1815. On trouve des exemples plus récents de l'application de ce principe, dans les négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement des États-Unis d'Amérique et la France, la Hollande et le royaume de Naples, au sujet des prises et confiscations de bâtiments américains par suite des décrets de Napoléon datés de Berlin et de Milan. responsabilité du gouvernement français dans cette affaire fut à peine contestée sous la restauration, et elle a été expressément admise par le gouvernement actuel dans le traité conclu avec les États-Unis en 1831. L'application

La

1 Conversations-Lexicon, Artikel Domainen-Verkauf. HEFFTER, das europäische Völkerrecht, § 188. KLÜBER, öffentliches Recht des deutschen Bundes, § 169. ROTTECK und WELCKER, StaatsLexikon, Artikel Domainen-Verkauf.

de ce principe aux confiscations de bâtiments américains et de leurs cargaisons, faites par Murat lorsqu'il était roi de Naples, fut d'abord contestée par le gouvernement légitime; mais les discussions, à ce sujet, entre les gouvernements américain et napolitain furent enfin terminées par un traité d'indemnité.

« Toute nation qui se gouverne elle-même,» dit Vattel, sous quelque forme que ce soit, sans dépendance d'aucun étranger, est un État souverain». Cette définition ne peut être adoptée comme entièrement exacte. Il y a des États complétement souverains et indépendants qui ne reconnaissent d'autre supérieur que l'Etre suprême; il en est d'autres dont la souveraineté est limitée et modifiée de diverses manières.

$ 12. Définition d'un État souverain.

des Etats

Tous les États souverains sont égaux devant le droit in- De l'égalité ternational, quelle que soit d'ailleurs leur puissance relative. souverains. La souveraineté d'un État n'est pas altérée par son obéissance occasionnelle aux ordres d'un autre État, ou même par l'influence habituelle que ce dernier peut exercer par ses conseils. Ce n'est que dans le cas où le droit d'exiger cette obéissance ou d'exercer cette influence est reconnu

par une convention expresse, que la souveraineté de l'État d'une force inférieure est altérée par ses relations avec une plus grande puissance. Des traités d'alliance égale, librement contractés entre des États indépendants, n'altèrent pas leur souveraineté. Des traités d'alliance inégale ou de protection peuvent avoir pour effet de limiter ou de modifier la souveraineté de l'État inférieur ou protégé suivant les stipulations contenues dans ces traités.

Les États qui dépendent ainsi d'autres États pour l'exercice de certains droits qui sont essentiels à la perfection de la souveraineté, sont appelés des États mi-souverains 2.

1 VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. 1, sect. 4.
2 KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 24.

das europäische Völkerrecht, § 19.

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$13. Des États mi-souverains.

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