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§ 13. Médiation

pour l'arran

dissensions

L'usage approuvé des nations autorise la proposition gement des par un État de ses bons offices ou de sa médiation pour intérieures l'arrangement des dissensions intérieures d'un autre État. Si cette offre de médiation est acceptée, ce fait seul justifie l'intervention.

d'un Etat.

Le droit de médiation peut être aussi fondé sur des conventions positives, telles que des traités de médiation et de garantie. Telle fut, par exemple, la garantie par la France et la Suède de la constitution germanique, à la paix de Westphalie en 1648, et le résultat de la guerre de trente ans entreprise par les princes et villes libres de l'Allemagne pour défendre leurs libertés civiles et religieuses contre les envahissements de la maison d'Autriche.

La république de Genève était autrefois liée par une ancienne alliance avec les cantons suisses de Berne et de Zurich, par suite de laquelle ces cantons se sont unis à la France en 1738, pour offrir la médiation des trois puissances aux parties contendantes dont les dissensions avaient troublé la paix de cette république. Le résultat de cette médiation fut l'établissement d'une constitution, qui donna lieu à de nouvelles disputes en 1768, disputes qui furent terminées par l'intervention des puissances médiatrices. En 1782 la France s'unit à ces cantons et à la cour de Sardaigne pour imposer leur médiation collective aux partis aristocratique et démocratique de Genève; mais il paraît fort douteux que ces transactions, et surtout la dernière, puissent être conciliées avec le respect qui est dù aux droits et à l'indépendance même des plus petits États 1.

La constitution actuelle de la Confédération suisse fut arrangée en 1813 par la médiation des grandes puissances alliées, et ensuite reconnue par elles au congrès de Vienne comme la base du pacte fédéral de la Suisse. Par

1 FLASSAN; Histoire de la diplomatie française, t. V, p. 78; t. VII, p. 27, 297.

le même acte, les cantons unis garantissent à chaque canton une constitution et un gouvernement local1.

D'après les lois fondamentales de la Confédération germanique, la Diète peut garantir la constitution locale établie dans un État de la Confédération, sur la demande qui lui en aura été faite par cet État. La Diète acquiert par cette garantie le droit de soutenir la constitution sur la demande de l'une ou l'autre des parties intéressées, et de terminer les différends qu'on peut soulever sur son interprétation ou son exécution, soit par médiation, soit par arbitrage, à moins que les constitutions n'assignent d'autres moyens de terminer de semblables différends 2.

La constitution fédérale des États-Unis d'Amérique garantit à chaque État de l'Union une forme de gouvernement républicaine, et l'autorité fédérale est engagée à protéger tous les États contre l'invasion étrangère et contre la révolte intérieure, sur la demande de l'État dont la sécurité est menacée 3.

mais

L'indépendance politique de chaque État souverain s'étend non-seulement à la forme de son gouvernement, aussi au choix de son chef suprême et des autorités subordonnées. Dans les gouvernements héréditaires, la succession étant réglée par les lois fondamentales de l'État, la décision de toutes les questions concernant cette succession appartient à la nation seule, indépendamment de l'intervention ou du contrôle des puissances étrangères. Dans les gouvernements électifs, le choix du chef de l'État et des autres autorités doit être librement fait de la manière prescrite par la constitution de l'État, sans l'intervention d'aucune autorité ou influence étrangère1.

1 Acte final du Congrès de Vienne, art. 74.

2 Wiener Schlussacte vom 15 Mai 1820, Art 62.

3 Constitution des États-Unis, art. 3.

* VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. v, § 66 et 67.

§ 14. Indépendance d'un État quant au choix de ses chefs.

$ 15.

Exceptions résultant de conventions

Les seules exceptions à ces règles générales sont celles qui résultent des traités d'alliance, de garantie et de méspéciales. diation, auxquels l'État dont les affaires sont en question est partie contractante, ou des traités conclus par d'autres États par suite de l'exercice d'un droit supposé d'intervention fondée sur la nécessité de leur propre conservation, ou sur un danger éventuel menaçant la sécurité générale des puissances. Telles furent, entre autres, les guerres relatives à la succession d'Espagne au commencement du dix-huitième siècle, et de la succession de l'Autriche et de la Bavière plus tard dans le même siècle. L'histoire de l'Europe moderne offre encore d'autres exemples de l'intervention des puissances étrangères dans le choix du souverain ou chef de l'État, où ce choix a dépendu de l'élection populaire et d'une Diète nationale ou conseil, tels que les cas du choix de l'empereur d'Allemagne, du roi de Pologne et du Pape. Cependant on ne peut pas tirer de ces faits un argument sur lequel on puisse fonder un droit d'intervention. Dans le seul cas du Pape, qui est en même temps le pontife suprême de l'Église catholique et un souverain temporel, l'empereur d'Autriche et les rois de France et d'Espagne, d'après un ancien usage, ont chacun le droit d'exclure un candidat 1.

§ 16.

Traité dc

quadruple

alliance de 1834,

Le traité de quadruple alliance conclu en 1834 entre l'Angleterre, la France, l'Espagne et le Portugal, donne un entre l'An- exemple fort remarquable d'intervention dans les questions la France, relatives à la succession à la couronne dans ces deux l'Espagne et

gleterre,

le Portugal. derniers royaumes.

Le droit d'intervention dans ce cas a été basé sur la nécessité de maintenir la paix dans ces royaumes, aussi bien que la paix générale de l'Europe, par l'expulsion des deux prétendants, don Carlos et dom Miguel, de la péninsule. Ayant déjà expliqué dans un autre ouvrage les

1 KLÜBER. Droit des gens moderne de l'Europe, part. II. tit I, chap. 1, §. 48.

circonstances qui ont amené la conclusion du traité de la quadruple alliance, aussi bien que ces stipulations, il est seulement nécessaire de récapituler ici les principes les plus importants qu'on peut recueillir dans les discussions du parlement anglais de 1835 sur les mesures adoptées par le gouvernement anglais pour exécuter le traité.

4° La légalité de l'ordre du conseil qui permit aux sujets anglais de s'enrôler pour le service militaire de la reine d'Espagne, en les exemptant de l'effet général de l'acte du Parlement de 1819, qui prohibait de pareils enrôlements pour le service militaire d'une puissance étrangère, n'était pas contestée par sir Robert Peel et les autres membres de l'opposition. L'obligation de fournir des armes et d'assister la reine au moyen d'une force navale était également incontestable d'après les stipulations du traité. Cependant les principes du droit des gens en rendaient l'accomplissement extrêmement difficile. A moins d'une déclaration de guerre, l'obligation spéciale d'un secours naval ne pouvait être exécutée sans violer directement les lois généralement reconnues entre les nations. Quels que fussent les engagements particuliers du gouvernement anglais, ils ne pouvaient pas lui donner le droit d'empêcher une nation neutre de recevoir des armes pour son usage ou d'en faire le trafic. Sans une déclaration de guerre bien positive, on n'avait aucun droit d'arrêter sur mer les vaisseaux d'un pays neutre.

4o On objectait que la suspension de la loi générale contre des enrôlements pour le service d'une puissance étrangère était équivalente à une intervention armée dans les affaires intérieures d'un autre pays. Le principe général suivi jusqu'à présent par l'Angleterre, était celui de la non-intervention. Sir Robert Peel admettait cependant qu'il pouvait y avoir des exceptions dans des cas particuliers, soit à cause du voisinage immédiat, soit à cause des circonstances d'une nature particulière et d'un intérêt urgent

Mais venir dire que pour la protection et le développement des intérêts anglais, il faut coopérer activement à l'établissement ou au maintien d'une forme quelconque de gouvernement dans un pays situé comme l'Espagne, ce serait détruire la règle générale de non-intervention et mettre l'indépendance de chaque État faible à la merci de ses voisins puissants. Il demandait ce qui, dans ce cas, empêcherait les puissances du Nord, sous le prétexte de leurs intérêts à défendre, d'intervenir de même à main armée? On dirait peut-être que l'expédition sanctionnée par le gouvernement anglais n'était pas une intervention directe dans les affaires intérieures de l'Espagne. Mais comment pourrait-on nier que la permission accordée à des sujets anglais d'entrer au service militaire d'une puissance étrangère et de s'organiser en Angleterre, était une intervention armée pour aider cette puissance contre une insurrection de ses propres sujets? Pendant la discussion du bill des enrôlements étrangers on objectait contre la clause qui autorisait le roi à suspendre l'exécution de la loi par ordre du conseil, que s'il n'y avait pas de pareille loi, les sujets seraient libres de s'enrôler au service militaire d'un pays étranger, sans donner lieu à des plaintes de la part du gouvernement anglais; tandis que si la couronne était autorisée à suspendre l'exécution de la loi à l'égard d'une nation belligérante quelconque, le gouvernement pouvait être censé avoir envoyé lui-même l'expédition en question. Lord Palmerston, dans sa réplique, disait:

4° Que l'objet immédiat du traité de quadruple alliance, comme il est énoncé dans le préambule, était le rétablissement de la paix partout dans la Péninsule; et le moyen d'atteindre cet objet fut déclaré être l'expulsion des infants don Carlos et dom Miguel du royaume de Portugal. Lors du retour de don Carlos en Espagne, on jugea nécessaire de rédiger des articles additionnels au traité pour répondre à ce nouvel incident. D'après un de ces articles le gouver

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