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pas faire, mais seulement éviter, un changement dans l'ordre actuel des choses.

Loin de vouloir dicter à cet égard une loi aux puissances belligérantes, on n'avait pas supposé qu'un accord entre la Prusse et les États-Unis pût en aucune manière servir de règle aux autres puissances non parties dans le traité relativement aux captures maritimes; et comme l'effet d'une pareille convention même entre les parties contractantes ne serait pas rétroactif, mais qu'il ne ferait que pourvoir pour l'avenir, on avait encore moins supposé que les justes réclamations des puissances neutres sur des captures illégales, en Angleterre ou en France, pussent en être affectées en aucune manière.

Et l'on n'avait pas craint qu'une semblable convention produisit aucune collision avec les puissances du Nord, puisqu'elles ne pouvaient être liées par un traité auquel elles n'étaient pas parties. Cette contradiction supposée intéresserait encore moins la Russie, parce que loin d'avoir maintenu ce principe que le pavillon neutre met à couvert la propriété de l'ennemi, elle s'était engagée, par sa convention avec la Grande-Bretagne du 25 mars 1793, à employer contre lui tous ses efforts pendant la guerre d'alors.

La Suède et le Danemark, par leur convention du 27 mars 1794, s'engagèrent réciproquement l'un envers l'autre, et envers toute l'Europe, à ne reclamer que dans les cas auxquels il serait expressément pourvu par traité, aucun avantage non fondé sur le droit des gens « reconnu et respecté au moment présent par toutes les puissances et par tous les souverains de l'Europe.» On ne concevait pas qu'il fût possible de comprendre dans cette renonciation le principe que la cargaison doit suivre le sort du vaisseau sous le pavillon duquel elle est transportée; et on devait ajouter que l'expérience avait constamment démontré l'insuffisance de convois armés pour protéger ce

principe, puisqu'on les voyait régulièrement suivre sans résistance les navires marchands confiés à leur garde dans les ports de la puissance belligérante, pour y être jugés d'après les principes établis par leurs tribunaux, principes entièrement contraires à celui par lequel le vaisseau neutralise la cargaison.

Selon l'usage adopté par les tribunaux de tous les États maritimes, les preuves relatives au caractère national de la cargaison doivent être distinctes de celles relatives au vaisseau. Même dans les traités qui adoptent le principe que le pavillon met à couvert la propriété, il est d'usage de stipuler pour les papiers applicables à la cargaison pour montrer qu'elle n'est pas de contrebande La charte-partie et l'acte de chargement avaient été invoqués par les ministres prussiens comme étant requis par les tribunaux de la Prusse, et ils proposaient de les désigner comme documents essentiels dans le nouveau traité. Il semblerait donc que l'adoption du principe en question n'exigerait pas un simple papier additionnel, et par conséquent n'augmenterait pas la difficulté de suivre les réclamations contre ceux qui font la capture. Tout au plus pourrait-il être regardé seulement comme un simple inconvénient, en comparaison des pertes occasionnées par la reconnaissance d'un principe déjà abandonné par presque toutes les puissances maritimes, et qui n'avait été soutenu avec efficacité par aucune d'elles; d'un principe qui opérerait d'une manière préjudiciable à l'une ou à l'autre des parties contractantes qui s'engagerait dans la guerre, tandis que son ennemi ne le respecterait pas, et que la partie qui resterait neutre n'offrirait à ses sujets la promesse d'un libre commerce que pour le voir intercepté et détruit.

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Mais comme les vues du gouvernement prussien paraissaient à quelques égards différer de celles du gouvernement américain relativement aux vrais principes du droit des gens, et que les ministres prussiens croyaient voir

plusieurs inconvénients résulter de la substitution du principe opposé à celui contenu dans le premier traité, le ministre américain proposa comme parti à prendre d'omettre entièrement les stipulations du 12o article dans le nouveau traité. L'effet de cette omission serait de laisser la question dans sa situation actuelle, sans engager ni l'une ni l'autre des parties contractantes dans une stipulation spéciale à ce relative. Et comme l'établissement d'un système permanent et stable, avec l'espoir de le voir maintenu et respecté dans les guerres futures, était un objet important au commerce en général, et spécialement à celui des parties contractantes, il voulait bien consentir à une stipulation éventuelle semblable à celle proposée par les ministres prussiens, mais qui, sans impliquer de part et d'autre l'admission d'un principe contesté, en remettrait l'admission jusqu'après la paix générale, soit par un accord ultérieur entre les parties contractantes, soit de concert avec les autres puissances intéressées à la question. Les ÉtatsUnis seraient toujours disposés à adopter les principes les plus libéraux qui pourraient être désirés en faveur de la liberté du commerce neutre en temps de guerre, toutes les fois qu'ils auraient raisonnablement lieu de s'attendre à les voir adoptés et reconnus de manière à pouvoir assurer leur exécution pratique 1.

Les ministres prussiens répliquèrent à cette contre-proposition en admettant que la règle par laquelle la propriété neutre trouvée à bord des vaisseaux ennemis était libre de capture, avait été anciennement suivie par la plus grande partie des puissances européennes, et était établie dans plusieurs traités des XIVe et XVe siècles; mais ils soutenaient qu'elle avait été abandonnée par les nations maritimes et commerciales depuis qu'on avait reconnu l'évidence des inconvénients qui en résultaient. Dans les

'M. J. Q. Adams à MM. Finkenstein, Alvensleben et Haugwitz,

29 oct. 1798.

deux traités conclus dès 1646 par les Provinces-Unies avec la France et avec l'Angleterre, les règles de vaisseaux libres, biens libres, et de vaisseaux ennemis, biens ennemis, avaient été stipulées; et ces principes une fois émis avaient été rappelés dans presque tous les traités conclus depuis entre les différentes nations commerciales de l'Europe. La convention de 1793, entre la Russie et l'Angleterre, qu'avait invoquée le négociateur américain, était exclusivement dirigée contre la France, et formait simplement une exception à la règle. Et si pendant le commencement de la guerre de la révolution les puissances alliées avaient jugé nécessaire de dévier du principe reconnu, cette déviation momentanée ne pouvait être attribuée qu'à des circonstances particulières, et il n'en était pas moins certain que la Prusse n'avait jamais suivi de système autre que le même système permanent relatif au commerce et à la navigation neutres. Ce système était fondé sur la maxime énoncée dans le 12 article de son premier traité avec les États-Unis, qui s'accordait mieux avec la convenance générale des nations commerciales, en simplifiant les preuves de nationalité et en exemptant la navigation neutre de recherches vexatoires et d'interruption.

Les ministres prussiens déclarèrent aussi leur conviction que pendant la guerre d'alors, quand le commerce et la navigation de nations neutres avaient été soumis à tant des mesures arbitraires, le principe proposé par le négociateur américain ne serait pas plus respecté que la première règle; plusieurs exemples récents ayant démontré que même des vaisseaux neutres exclusivement chargés de propriétés neutres avaient été soumis à la capture et à la confiscation, sous les prétextes les plus frivoles. Mais il serait inutile de prolonger la discussion, puisque les deux parties à la négociation consentaient qu'au lieu de hasarder une nouvelle stipulation d'effet éventuel et in

certain, il, valait mieux la laisser en suspens jusqu'à l'époque d'une paix générale, et alors de chercher les moyens d'assurer la liberté du commerce neutre sur une base solide pour les guerres futures. Les ministres prussiens donc proposaient de supprimer provisoirement le 42e article du premier traité, et d'y substituer la stipulation suivante:

a

« L'expérience ayant démontré que le principe adopté dans le 12 article du traité de 1785, d'après lequel les vaisseaux libres font les biens libres, n'a pas été suffisamment respecté pendant les deux dernières guerres, et spécialement dans celle qui subsiste encore; et les dispositions contradictoires des deux puissances belligérantes ne permettant pas que la question en controverse soit décidée d'une manière satisfaisante pour le moment présent, les deux hautes parties contractantes proposent, après le retour d'une paix générale, de consentir, soit séparément entre elles, soit conjointement avec les autres puissances à ce également intéressées, à prendre avec les grandes puissances maritimes de l'Europe des arrangements et des principes permanents de nature à servir à consolider la liberté du commerce et de la navigation neutres dans les guerres à venir 1.

Dans sa réponse à cette note, le négociateur américain déclara qu'il n'hésiterait pas à souscrire à la stipulation proposée par les ministres prussiens, si les mots suivants pouvaient être omis: « Et les dispositions contradictoires des principales puissances belligérantes ne permettant pas que la question en controverse soit décidée d'une manière satisfaisante pour le moment présent. » Il était possible que les puissances belligérantes trouvassent dans ces expressions une espèce de sanction à leurs dispositions, ce qui ne s'accorderait pas avec les intentions des parties

1 MM. Finkenstein, Alvensleben et Haugwitz à M. J. Q. Adams, 29. oct. 1798.

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