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ment, le gouvernement américain apercevait un esprit d'hostilité profondément enraciné, à l'existence duquel il n'aurait pu croire sans l'évidence d'un tel fait, et qu'il n'aurait pas pensé pouvoir être poussé à une telle extrémité pour la réparation d'injures de quelque nature qu'elles fussent, extrémités non sanctionnées par le droit des gens, que les forces de terre ou de mer de l'une des puissances auraient pu commettre contre l'autre. Le gouvernement serait toujours prêt à entrer dans des arrangements réciproques. Mais dût le gouvernement anglais persévérer dans un système de désolation si contraire aux vues et à la pratique des États-Unis, si révoltant pour l'humanité, et qui répugne autant aux sentiments et aux usages du monde civilisé, quoique inspirant les regrets les plus profonds, il rencontrerait la résolution et la constance d'un peuple libre, combattant dans une juste cause pour ses droits essentiels et ses intérêts les plus chers.

Dans la réponse de l'amiral Cochrane à la communication ci-dessus, datée du 19 septembre 1814, il fut exposé qu'il n'avait pas d'autorisation de son gouvernement d'entrer dans aucune espèce de discussion relative au point contenu dans cette communication. Il avait seulement à regretter qu'il n'y eût pas d'espoir probable qu'il fût autorisé à révoquer son ordre général, qui avait déjà reçu la sanction d'une requête subséquente du gouverneur général du Canada. Jusqu'à ce que l'amiral ait reçu des instructions de son gouvernement, les mesures qu'il avait adoptées devaient persister, à moins que réparation ne fût faite aux Canadiens pour les injures qu'ils avaient ressenties des outrages commis par les troupes des ÉtatsUnis 1.

Le désaveu de l'incendie de Newark par le gouvernement américain fut communiqué au gouverneur général

1 Correspondance entre M. le secrétaire Monroe et l'amiral Cochrane, American State Papers, fol. edit., vol. III, p. 693 et 694.

du Canada, qui répondit, le 10 février 1814, que ç'avait été avec une grande satisfaction qu'il avait reçu l'assurance qu'il n'avait pas eu l'autorisation du gouvernement américain; qu'il faisait horreur à tout sentiment americain; que si quelques outrages avaient suivi la destruction odieuse et inique de Newark, passant les bornes de justes représailles, ils devaient être attribués à l'influence des passions irritées de la part des malheureuses victimes de cet événement, qu'il n'avait pas été possible de contenir, et qu'il était aussi peu conforme aux dispositions du gouvernement anglais qu'à celles du gouvernement des ÉtatsUnis d'adopter de propos délibéré aucun plan d'hostilités qui eût pour objet la dévastation de la propriété privée. Dans ces circonstances la destruction du Capitole, du palais du président et autres édifices publics à Washington, en août 1814, ne peut être considérée par tout le monde que comme un manquement injustifiable aux lois de la guerre civilisée. Dans le débat qui eut lieu à la chambre des communes, le 14 avril 1845, de l'adresse au prince régent sur le traité de paix avec les États-Unis, sir James Mackintosh accusa les ministres de lenteurs coupables en ouvrant les négociations à Gand, lenteurs qui ne pouvaient s'expliquer, disait-il, que sur la misérable politique de prolonger la guerre dans le but de frapper un coup sur l'Amérique. Le déshonneur de la guerre navale résultant de succès balancés entre la flotte anglaise et la jeune marine de l'Amérique devait être racheté de la part des Anglais par la prolongation de l'état de guerre, et en répandant leurs armées victorieuses sur le continent américain. Fatalement pour eux, cette occasion naquit. Si le congrès se fût ouvert en juin, il eût été impossible qu'ils eussent envoyé les ordres pour attaquer Washington. Ils eussent été à l'abri de ce succès, qu'il considérait comme cent fois plus honteux et plus désastreux que la pire défaite. C'était un succès qui fit de leur puissance navale un objet de haine,

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et d'alarme pour l'Europe entière. C'était un succès qui donnait le cœur du peuple américain à tout ennemi qui s'élèverait contre l'Angleterre. C'était l'entreprise qui avait le plus exaspéré un peuple et le moins affaibli un gouvernement, qu'on puisse trouver dans les annales de la guerre. Elle était impuissante à remplir tout but justifiable de la guerre actuelle. Elle était hostile à tout sage objet de politique prévoyante. C'était une attaque, non contre la force ou les ressources d'un État, mais contre l'honneur national et les affections publiques d'un peuple. Après vingt-cinq ans de la guerre la plus violente dans laquelle chaque grande capitale du continent européen avait été épargnée, il dirait presque respectée, par les ennemis, il était réservé à l'Angleterre de violer toute cette courtoisie décente envers les siéges de la dignité nationale, qui au milieu de l'inimitié manifestait le respect des nations les unes pour les autres, par une expédition de propos délibéré et dirigée principalement contre des palais de gouvernement, des salles de législation, des tribunaux de justice, des dépôts d'archives de propriétés, de documents historiques: objets, parmi les nations civilisées, exempts des ravages de la guerre, et assurés autant que possible même contre ses opérations accidentelles, parce qu'ils ne contribuent en rien au moyen d'hostilité, mais sont consacrés aux effets de la paix et servent aux intéréts communs et perpétuels de toute société humaine. Ce lui semblait être une aggravation à cette atroce mesure, que les ministres se fussent efforcés de justifier la destruction d'une capitale distinguée, comme une réprésaille à quelques violences de la part d'officiers américains subalternes, non autorisés et désavoués par leur gouvernement, contre il ne savait quel village du Haut-Canada. Pour rendre juste une pareille représaille, il fallait d'abord des preuves manifestes de l'outrage, et de plus une évidence suffisante que le gouvernement adverse eût refusé d'en faire

due réparation, et, enfin, quelque proportion du châtiment à l'offense. Ici il y avait une évidence très-imparfaite de l'outrage, aucune preuve de refus de réparation, et démonstration de l'excessive et monstrueuse injustice de ce qui était faussement appelé représaille. La valeur d'une capitale ne doit pas être estimée par ses maisons, magasins et boutiques. Elle consiste principalement en ce qu'on ne peut ni nombrer ni peser. Ce n'était pas même la grandeur ou l'élégance de ses monuments qui la rendait le plus chère à un peuple généreux. Ce peuple la regardait avec affection et orgueil comme le siége de la législation, comme le sanctuaire de la justice publique, souvent comme liée à la mémoire des temps passés, quelquefois encore plus comme jointe à ses plus chères, à ses plus hautes espérances de grandeur à venir. Mettre ces sentiments respectables d'un grand peuple, sanctifiés par le nom illustre de Washington, au niveau d'une demi- douzaine de baraques, dans le siége temporaire d'un gouvernement provincial, était un acte d'une intolérable insolence, et impliquait autant de mépris pour les sentiments de l'Amérique que pour le sens commun du genre humain1.

des ouvrages
d'art
du musée
du Louvre
à Paris,
en 1815,
aux pays
d'où ils

avaient été les guerres révolution

pris pendant

de la

L'invasion de la France par les puissances alliées de Restitution l'Europe en 1815, fut suivie de la restitution violente des peintures, statues, et autres monuments d'art, recueillis dans les différents pays conquis pendant les guerres de la révolution française, et déposés dans le musée du Louvre. Les bases d'après lesquelles ces mesures furent adoptées sont pleinement expliquées dans une note délivrée par le ministre anglais lord Castlereagh aux ministres des autres puissances alliées, à Paris, le 11 septembre 1815. Dans cette note il fut exposé par le plénipotentiaire anglais que des représentations avaient été faites devant le congrès assemblé dans cette capitale, de la part du Pape,

1 Débats parlementaires d'HANSARD, vol. XXX, p. 526 et 527.

française.

du grand-duc de Toscane, du roi des Pays-Bas, réclamant par l'intervention des puissances alliées la restitution des statues, peintures, et autres ouvrages d'art, dont leurs. États respectifs avaient été successivement dépouillés par le dernier gouvernement révolutionnaire de la France, contrairement à tous principes de justice et aux usages de la guerre moderne. Cet ambassadeur s'étant référé aux considérations de sa cour, avait reçu du prince régent l'ordre de soumettre aux considérations de ses alliés les remarques suivantes sur cet intéressant sujet:

C'était alors la seconde fois que les puissances de l'Europe avaient été forcées, pour la défense de leurs libertés et la tranquillité du monde, d'envahir la France. Deux fois leurs armées avaient été en possession de la capitale de l'État, dans laquelle étaient accumulées ces dépouilles de l'Europe. Le souverain légitime de la France avait, comme il arrive souvent, été mis à même, sous la protection de ces armées, de remonter sur son trône et de négocier pour son peuple une paix avec les alliés, à l'indulgence marquée desquels ni la conduite de ce peuple envers son roi, ni sa conduite envers les autres États ne lui avait donné de justes prétentions. Les plus purs sentiments de considération pour Louis XVIII, la déférence pour son ancienne et illustre maison, le respect pour ses malheurs, avaient invariablement guidé les conseils des alliés. Leur conduite l'avait déjà prouvé en 1814, quand ils avaient fait le traité de Paris, en prenant pour base la conservation de la France dans son intégrité complète; et encore plus quand, après leur dernier désappointement, ils faisaient encore de nouveaux efforts pour combiner définitivement les intérêts matériels de la France avec un système de précaution temporaire assez équitable pour satisfaire à ce qu'ils devaient à la sécurité de leurs propres sujets. Mais ce serait le comble de la faiblesse et de l'injustice, et un procédé beaucoup plus propre, dans ses effets, à détourner

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