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comprise « comme s'appliquant seulement aux puissances qui reconnaissent ce principe; mais si l'une ou l'autre des parties contractantes est en guerre avec une troisième, et que l'autre soit neutre, le pavillon de la partie neutre mettra à couvert la propriété des ennemis dont le gouvernement reconnaît le même principe, et non d'autres nations. » La même restriction de la règle a été antérieurement incorporée au traité de 4819, entre les États-Unis et l'Espagne, et a été ensuite insérée dans leurs différents traités avec les autres républiques de l'Amérique du Sud1.

Il a été décidé dans les tribunaux de prises des ÉtatsUnis et de l'Angleterre, que le privilége du pavillon neutre de protéger la propriété de l'ennemi, stipulé par traité ou ordonnances civiles, quelque explicites que soient les termes dans lesquels il puisse être exprimé, ne peut être interprété comme s'étendant à l'emploi frauduleux de ce pavillon pour couvrir la propriété de l'ennemi dans le vaisseau ainsi que la cargaison2. Ainsi, pendant la guerre de la révolution, les États-Unis reconnaissant les principes de la neutralité armée de 1780, exemptèrent par une ordonnance du congrès tous les vaisseaux neutres de la capture, excepté ceux employés à transporter à l'ennemi de la contrebande ou des soldats. La cour continentale des appels dans les causes de prises soutint que cette exemption ne s'étendait pas au vaisseau qui avait perdu son privilége par une conduite tout-à-fait en dehors de la neutralité, en prenant parti décidé pour l'ennemi, en s'unissant à ses sujets pour arracher des mains des ÉtatsUnis et de la France, leur alliée, les avantages que ces

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Lettre de M. le secrétaire Adams à M. Anderson, ministre amécain près la république de Colombie, 27 mai 1823. Pour la pratique des cours des prises quant à la concession ou au refus de fret des biens ennemis pris à bord des vaisseaux neutres, et des biens neutres trouvés à bord des vaisseaux ennemis, voyez WHEATON's Reports, vol. I, appendix, note 1, p. 54, 56.

2 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. VI, p. 358. La Citade de Lisboa.

puissances avaient acquis sur la Grande-Bretagne par les droits de la guerre, dans la conquête de la Dominique. Par la capitulation de cette île, tous rapports commerciaux avec la Grande - Bretagne avaient éte prohibés. Dans le cas en question, le vaisseau avait été acheté à Londres par des neutres, qui l'avaient pourvu de faux papiers, et pris sur eux la propriété de la cargaison pour un voyage de Londres à la Dominique. Si ce vaisseau avait été employé dans un loyal commerce, compatible avec les droits de neutralité, sa cargaison, quoique propriété ennemie, ne pouvait être saisie comme prise de guerre, attendu que le congrès avait dit par son ordonnance que les droits de neutralité étendraient leur protection jusque sur les effets et les biens de l'ennemi. Mais si la neutralité était violée, le congrès n'avait pas dit qu'une pareille neutralité violée donnerait une pareille protection. Et il ne pouvait l'avoir dit sans confondre toutes les distinctions du juste et de l'injuste. Le congrès n'avait pas voulu dans son ordonnance déterminer dans quels cas les droits de neutralité seraient perdus à l'exclusion de tous autres cas; car les exemples non-mentionnés étaient aussi flagrants que les cas spécifiés1.

Par le traité de 1654, entre l'Angleterre et le Portugal, il fut stipulé (art. 23): «Tous les biens et marchandises de ladite république ou du roi, de leurs peuple ou sujets, trouvés à bord des vaisseaux des ennemis de l'une ou l'autre des deux puissances, seront de bonne prise, ainsi que les vaisseaux, et confisqués. Mais tous les biens et marchandises des ennemis de l'une à bord des vaisseaux de l'autre ou de leurs peuple ou sujets, resteront libres et intacts. >>

D'après cette stipulation unissant ainsi les deux maximes opposées de vaisseaux libres, biens libres, et de vaisseaux

1 DALLAS' Reports, vol. II, p. 34. The Erstern.

ennemis, biens ennemis, il fut dicidé par les cours de prises anglaises que la première disposition de cet article, qui soumet à condamnation les biens de l'une des nations trouvés à bord des vaisseaux de l'ennemi de l'autre partie contractante, ne pouvait s'appliquer exactement au cas de propriété chargée avant qu'il fût question de la guerre. Sir W. Scott remarque, en rendant son jugement sur ce cas, qu'il ne résultait pas de ce que des biens espagnols chargés sur un vaisseau portugais fussent protégés dans le cas d'une interruption de la guerre, que la propriété portugaise à bord d'un navire espagnol dût devenir immédiatement sujette à confiscation à l'ouverture des hostilités avec l'Espagne; que dans un cas la conduite des parties n'eût pas été différente, si l'événement des hostilités eût été connu. La cargaison avait droit à la protection du navire en général, par cette stipulation du traité même, si elle avait été chargée en pleine guerre, et a fortiori si elle avait été chargée dans des circonstances encore plus favorables à la neutralité de la transaction. Dans l'autre cas il y aurait lieu de supposer que le traité se rapportait seulement aux biens chargés à bord d'un vaisseau ennemi dans un caractère ouvertement hostile, et que le marchand neutre aurait agi différemment, s'il avait été instruit du caractère du vaisseau au temps du chargement des biens à bord1.

Le même principe a été fréquemment incorporé aux traités entre les diverses nations, au moyen de quoi le principe vaisseaux libres, marchandises libres, est associé à celui de vaisseaux ennemis, marchandises ennemies. Les traités d'Utrecht le reconnaissent expressément, et il a été® aussi incorporé aux différents traités entre les États-Unis et les républiques de l'Amérique du Sud, avec cette modification << qu'il sera toujours compris que la propriété

1 ROBINSON'S Admiralty Reports, p. 28. The Marianna.

§ 24. Contrebande

de guerre.

neutre trouvée à bord des vaisseaux ennemis sera tenue et considérée comme propriété ennemie, et comme telle exposée à détention et à confiscation, excepté la propriété chargée à bord d'un vaisseau ennemi avant la déclaration de guerre, ou même après, si le chargement a été fait dans l'ignorance de la guerre; mais les parties contractantes consentent qu'après deux mois écoulés depuis la déclaration de guerre, leurs citoyens ne puissent arguer de l'ignorance du fait 1. »

La liberté générale du commerce neutre à l'égard des puissances belligérantes est soumise à quelques exceptions. Parmi elles est le commerce avec l'ennemi, de certains articles appelés contrebande de guerre. L'autorité presque unanime de tous les jurisconsultes, des ordonnances de prises et des traités s'accordent à compter parmi ces articles tous les instruments de guerre, ou les matériaux de nature à pouvoir être employés à la guerre. Toutefois, il est assez difficile de concilier les autorités contradictoires tirées des opinions des publicistes, des divers usages des nations, et des textes de différentes conventions ayant pour but de donner à cet usage la forme fixe du droit positif. Grotius, en examinant ce sujet, établit une distinction entre les choses qui ne sont utiles que pour la guerre, celles qui ne le sont pas, et celles pouvant servir indistinctement à la guerre ou à la paix. Pour les premières il s'accorde avec tous les autres jurisconsultes pour en défendre aux neutres le transport chez l'ennemi, et pour leur permettre le transport des secondes; pour celles de la troisième classe, comme l'argent, les pro"visions, les vaisseaux, le matérial maritime, quelquefois il les défend, et d'autres fois il les permet, selon les circons

1 Traité de 1828, entre les États-Unis et la Colombie, art. 13. Par le traité de 1831, entre les États-Unis et le Mexique; par le traité de 1834, avec le Chili, art. 13, le terme de quatre mois est fixé pour le même effet, et par celui de 1842, avec l'Equateur. art. 16, le terme de six mois.

tances existantes de la guerre1. Vattel fait une espèce de distinction semblable, quoiqu'il renferme les bois et le matériel naval parmi les articles particulièrement employés pour la guerre, et toujours exposés à la capture comme contrebande; et qu'il ne considère les vivres comme tels que dans certaines circonstances, «où l'on espère réduire l'ennemi par la faim 2. >> Bynkershoek

combat vivement l'admission, dans la liste des articles de contrebande, des choses qui sont d'un usage commun à la paix et à la guerre. Il considère la limite assignée par Grotius au droit de les intercepter comme se bornant au cas de nécessité, et sous obligation de restitution ou d'indemnité, comme ne suffisant pas pour justifier l'exercice du droit lui-même. Il conclut que les matériaux dont on peut faire des articles de contrebande, ne sont pas eux

1 Sed et quæstio incidere solet quid liceat in eos qui hostes non sunt, aut dici nolunt, sed hostibus res aliquas subministrant. Nam et olim et nuper de ea re acriter certatum scimus, cum alii belli rigorem, alii commerciorum libertatem defenderent.

Primum distinguendum inter res ipsas. Sunt enim quæ in bello tantum usum habent, ut arma: sunt quæ in bello nullum babent usum, ut quæ voluptati inserviunt: sunt quæ et in bello et extra bellum usum habent, ut pecuniæ, commeatus, naves, et quæ navibus adsunt. In primo genere verum est dictum Amalasuinthæ ad Justinianum, in hostium esse partibus qui ad bellum necessaria hosti administrat. Secundum genus querelam non habet...... In tertio illo genere usus ancipitis distinguendus erit belli status. Nam si tueri me non possum nisi quæ mittuntur intercipiam, necessitas, ut alibi exposuimus, jus dabit, sed sub onere restitutionis, nisi causa alia accedat. Quod si juris mei exsecutionem rerum subvectio impedierit, idque scire potuerit qui advexit, ut si oppidum obsessum tenebam, si portus clausos, et jam deditio aut pax expectabatur, tenebitur ille mihi de damno culpa dato, ut qui debitorem carceri exemit, aut fugam ejus in meam fraudem instruxit: et ad damni dati modum res quoque ejus capi, et dominium earum debiti consequendi causa quæri poterit. Si damnum nondum dederit, sed dare voluerit, jus erit rerum retentione eum cogere ut de futuro caveat obsidibus, pignoribus, aut alio modo. Quod si præterea evidentissima sit hostis mei in me injustitia, et ille eum in bello iniquissimo confirmet, jam non tantum civiliter tenebitur de damno, sed et criminaliter, ut is qui judici imminenti rerum manifestum eximit: atque eo nomine licebit in eum statuere quod delicto convenit, secundum ea quæ de pœnis diximus, quare intra eum modum etiam spoliari poterit. (GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. 1, § v, 1, 2, 3.)

2 VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. vii, § 112.

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