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ce commerce pendant la guerre, d'après le principe de ce qu'on appelait: «la règle de la guerre de 1756, » dans son application au commerce des colonies et des côtes d'un ennemi, commerce généralement non ouvert en temps de paix. La cour jugea inutile de considérer les principes sur lesquels les cours de prises anglaises basaient cette règle, ne les regardant pas comme applicables au cas en jugement. Mais la légalité de la règle elle-même a toujours été contestée par le gouvernement américain, et elle paraît dans son origine avoir éte fondée sur des principes très-differents de ceux qui ont été plus recemment mis en avant pour sa défense. Pendant la guerre de 1756, le gouvernement français trouvant le commerce de ses colonies presque entièrement coupé par la supériorité maritime de la Grande-Bretagne, abandonna le monopole de ce commerce, et permit aux Hollandais, alors neutres, de conduire le commerce entre la mère-patrie et ses colonies, en vertu de licences spéciales ou passeports accordés pour cet objet particulier, excluant en même temps tous les autres neutres du même commerce. De nombreux vaisseaux hollandais ainsi employés furent capturés par les croiseurs anglais, et eux et leurs cargaisons furent condamnés par les cours de prises, sur le principe que par un tel emploi ils étaient par le fait incorporés à la navigation française, ayant adopté le commerce et le caractère de l'ennemi, et s'étant identifiés à ses intérêts et à ses affaires. On devait, au jugement de cette cour, les considérer comme bâtiments de transport au service de l'ennemi, et par là susceptibles de capture et de condamnation, d'après le même principe que la propriété condamnée, pour transport de personnes militaires ou de dépêches. Dans ces cas, la propriété est considérée pro hac vice, comme propriété de l'ennemi, assez complétement identifiée avec ses intérêts pour acquérir un caractère hostile. Ainsi, quand un neutre s'engage dans un commerce exclusivement limité aux sujets d'un pays, en paix et en

guerre, interdit à tous les autres, et qui en tout temps ne peut être ouvertement conduit sous le nom d'un étranger, un pareil commerce est considéré comme si entièrement national, qu'il doit suivre la situation hostile du pays 1. Il y a entre ce principe et la doctrine plus moderne qui interdit aux neutres pendant la guerre tout commerce qui ne leur est pas ouvert en temps de paix, toute la différence qui existe entre la concession par l'ennemi de licences spéciales aux sujets du belligérant opposé, garantissant leurs propriétés de la capture dans un commerce particulier que la politique de l'ennemi l'engage à tolérer, et l'exemption générale de capture en faveur d'un semblable commerce. Le premier de ces principes est une cause manifeste de confiscation, tandis qu'on n'a jamais pensé que le second eût un pareil effet. La règle de la guerre de 1756 était originairement fondée sur le premier principe. On le laissa dormir pendant la guerre de la révolution américaine, et quand il fut remis en vigueur, au commencement de la guerre contre la France en 1793, on l'appliqua, avec diverses variantes et modifications, à la prohibition de tout trafic neutre avec les colonies et sur les côtes de l'ennemi. Le principe de la règle fut soutenu fréquemment par sir W. Scott dans ses jugements souverains à la haute cour d'amirauté, et dans les écrits d'autres savants publicistes anglais. Mais le caractère concluant de leurs raisonnements fut adroitement contesté par les différents hommes d'État américains, et faillit procurer l'acquiescement de puissances neutres à cette prohibition de leur commerce avec les colonies de l'ennemi. La question demeura une source abondante de luttes entre la Grande-Bretagne et ces puissances, jusqu'à ce que celles-ci devinssent ses alliées ou ses ennemies, à la fin de la guerre; mais

1 ROBINSON'S, Amiralty Reports, vol. II, p. 52. The Princessa. Vol. IV, p. 148. The Anna Catharina. P. 121. The Rendsborg. Vol. V, p. 150. The Vrow Anna Catharina. WHEATON'S Reports, vol. II, appendix, p. 29.

§ 28. Infraction au blocus.

son importance pratique sera probablement par la suite fort diminuée, par la révolution qui a eu lieu depuis dans le système colonial de l'Europe 1.

Une autre exception à la liberté générale du commerce neutre en temps de guerre se trouve dans le commerce aux places ou aux ports assiégés ou bloqués par l'une des puissances belligérantes.

Les jurisconsultes plus anciens veulent tous que le siége ou le blocus existe véritablement, et soit fait par une force suffisante, et non pas déclaré simplement par proclamation, pour rendre illégal de la part des neutres tout rapport commercial avec le port ou la place. Ainsi Grotius défend de rien conduire aux places assiégées ou bloquées, « si cela doit entraver l'exécution des projets loyaux du belligérant, et si celui qui a fait le transport a pu avoir connaissance du siége ou de blocus: comme dans le cas d'une ville complétement investie ou d'un port hermétiquement bloqué, et quand on espère déja une reddition ou la paix 2. » Et Bynkershoek, en commentant ce passage; soutient qu'il est « déloyal d'introduire quoi que ce soit, de contrebande ou non, dans une place se trouvant dans une pareille position, puisque ceux qui sont renfermés peuvent être forcés à se rendre, non-seulement par l'application directe de la force, mais encore par le manque de provisions et autres nécessités. Si donc il était loyal de leur apporter ce dont ils ont besoin, le belligérant pourrait par là être forcé de lever le siége ou le blocus, ce qui lui porterait préjudice, et par conséquent serait injuste. Et attendu qu'on ne peut pas savoir quels sont les articles dont man

1 WHEATON'S Reports, vol. I, appendix, note 3. Voyez MADISON, Examen de la doctrine anglaise qui soumet à capture un commerce neutre non en activité en temps de paix.

2 Si juris mei executionem rerum subvectio impediret, idque scire potuerit qui advexit, ut si OPPIDUM OBSESSUM TENEBAM, Si PORTUS CLAUSOS, et jam deditio aut pax expectabatur, etc. GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. 1, sect. v, note 3.

quent les assiégés, les lois défendent en termes généraux de leur apporter quoi que ce soit; autrement il s'élèverait des disputes et des querelles interminables 1.

Bynkershoek paraît s'être mépris sur le vrai sens du passage ci-dessus cité de Grotius, en supposant que ce dernier ait eu en vue d'exiger comme condition nécessaire d'un strict blocus qu'il y ait lieu d'attendre la paix ou la reddition, quand de fait il mentionne simplement ce cas comme le plus fort et le plus déterminant de tous. Mais il s'accorde avec Grotius à exiger une strict et véritable siége ou blocus, comme quand un ville est complètement investie de troupes ou qu'un port est hermétiquement bloqué par des vaisseaux de guerre (oppidum obsessum, portus clausos), ainsi qu'il résulte évidemment de ses remarques subséquentes, dans le même chapitre, sur les décrets des États-Généraux contre ceux qui auraient porté quoi que ce soit dans le camp espagnol, lequel n'était pas véritablement assiégé. Il soutient que le décret est parfaitement justifiable, en tant qu'il prohibe le transport de contrebande de guerre dans le camp ennemi, << mais quant aux autres choses, il dépend entièrement de la circonstance de la place assiégée ou non, qu'elles soient ou non loyalement prohibées. » De même aussi, en commentant le décret des États-Généraux du 26 juin 1630,

1 Solo obsidio in causa est, nam nihil obsessis subvehere liceat, sive contrabandum sit, sive non sit, nam obsessi non tantum vi coguntur ad deditionem, sed et fame, et alia aliarum rerum penuria. Si quid eorum, quibus indigeat, tibi adferre liceret, ego forte cogerer obsidionem solvere, et sic facto tuo mihi noceres, quod iniquum est. Quia autem scire nequit, quibus rebus obsessi indigeant, quibus abundent, omnis subvectio vetita est, alioquin altercationum nullus omnino esset modus vel finis. Hactenus Grotii sententiæ accedo, sed vellem ne ibidem addidisset, tunc demum id verum esse, si jam deditio aut pax expectabatur,...... nam nec rationi conveniunt, nec pactis gentium, quæ mihi succurrerunt. Quæ ratio me arbitrum constituit de futura deditione aut pace? et, si neutra exspectetur, jam licebit obsessis quælibet advehere? imo nunquam licet, durante obsidione, et amici non est causam amici perdere, vel quoque modo deteriorem facere. (BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. IX.)

Ce qu'il faut prouver pour constituer

qui déclare les ports de Flandre en état de blocus, il expose que ce décret resta pendant quelque temps sans être mis à exécution, par la présence réelle d'une force navale suffisante, pendant lequel temps certains vaisseaux neutres faisant le commerce avec ces ports furent capturés par les croiseurs hollandais, et que la partie de leur cargaison seulement qui consistait en articles de contrebande fut condamnée, tandis que le reste fût laissé avec les vaisseaux. « On a demandé, dit-il, «par quelle loi les biens de contrebande furent condamnés en ces circonstances, et il en est qui nient la légalité de leur condamnation. Il est évident toutefois que tandis que les côtes étaient gardées d'une manière molle ou peu suivie, la loi de blocus par laquelle les biens neutres entrant dans un port bloqué ou en sortant peuvent être loyalement capturés, pouvait bien aussi avoir été relâchée de sa rigueur; mais ce n'est pas ainsi qu'est la loi générale de la guerre qui condamne à la confiscation les biens de contrebande conduits dans un port ennemi même non bloqué 1.»

«Pour constituer une violation de blocus,» dit sir W. Scott, «trois choses doivent être prouvées: 1° L'exisde blocus tence d'un blocus complet; 2o La connaissance du blo

une violation

Présence

réelle des forces chargées

cus de la part de la personne supposée coupable; et 3o quelque acte de violation en entrant ou en sortant avec une cargaison chargée après le commencement du blocus 2.» 1o La définition d'un blocus maritime légal exigeant la présence réelle de forces suffisantes stationnées à l'entrée du blocus. du port, assez près pour empêcher la communication, ainsi qu'elle est donnée par les jurisconsultes, est confirmée par de nombreux traités modernes, et spécialement par la convention de 1801, entre la Grande-Bretagne et la Russie, dans le but d'un arrangement définitif des points

1 WHEATON, Histoire du droit des gens, t. I, p. 182-186.
2 ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. I, p. 92. The Betsey.

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