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puissance neutre, en raison de sa neutralité, ne pouvait fournir d'hommes à l'une ou l'autre des parties pour l'aider dans la guerre, ni l'une ni l'autre des parties ne pouvait pas davantage en enrôler dans le territoire neutre. On eut recours à l'autorité de Wolfius et de Vattel pour montrer que la levée des troupes était une prérogative exclusive de la souveraineté, qu'aucune puissance étrangère ne pouvait légalement exercer dans le territoire d'un autre État sans sa permission expresse. Le témoignage de ces publicistes et d'autres écrivains sur le droit et l'usage des nations suffisait pour montrer que les États-Unis, en empêchant toutes les puissances belligérantes d'équiper, d'armer, et de monter des vaisseaux de guerre dans leurs ports, avaient exercé un droit et un devoir de justice et de modération. Par leurs traités avec plusieurs des puissances belligérantes, traités faisant partie de la loi du pays, ils avaient établi un état de paix avec elles. Mais sans recourir aux traités, ils étaient en paix avec elles toutes par le droit de la nature; car par le droit naturel l'homme est en paix avec l'homme jusqu'à ce que quelque agression soit commise, qui, par le même droit, autorise l'un à détruire l'autre, comme son ennemi. De la part des citoyens américains, commettre des meurtres et des dépradations sur les membres des autres nations, ou projeter de le faire, paraissait au gouvernement des États-Unis être autant contre les lois du pays que de tuer ou de voler, ou de projeter de tuer ou de voler leurs concitoyens, et mériter le même châtiment, si de tels actes se commettaient dans les limites de leur juridiction territoriale ou en pleine mer de leur juridiction personnelle, c'est-à-dire celle qui ne s'étendait qu'à leurs propres citoyens. Ce dernier droit est propre à chaque nation sur un élément où chacune d'elles a une juridiction commune 1.

Lettre de M. Jefferson à M. Genet 17 juin, 1793. Americain State Papers, vol. I, p. 455.

neutre par l'un ou l'autre des Etats belligérants.

$ 17. Défense de tels armements

par des ordonnances de l'Etat neutre.

Acte d'enrôlement étranger.

Les mêmes principes furent ensuite incorporés, dans une loi du congrès, passée en 1794, et révisée et rétablie en 1818. Par cette loi il est déclaré que c'est un délit pour toute personne dans la juridiction des États-Unis d'augmenter la force d'un vaisseau de guerre d'une puissance étrangère en guerre avec une autre puissance avec laquelle les États-Unis sont en paix, ou de préparer une expédition militaire contre ces territoires d'une nation étrangère avec laquelle ils sont en paix; ou de louer ou enrôler des troupes ou des matelots pour un service étranger de terre ou de mer; ou de prendre part à l'armement d'un vaisseau pour croiser ou commettre des hostilités dans un service étranger contre une nation en paix avec eux; le vaisseau dans ce dernier cas devient sujet à confiscation. Le président est aussi autorisé à employer la force pour contraindre un vaisseau étranger à partir, quand, d'après le droit des gens, ou les traités, il ne doit pas rester dans les limites des États-Unis, et d'employer la force publique en général, pour soutenir les devoirs de neutralité prescrits par la loi 1.

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L'exemple de l'Amérique fut bientôt suivi par la GrandeBretagne, dans l'acte du parlement 59, Geo. III, ch. 69, intitulé «acte pour empêcher l'enrôlement ou l'engagement des sujets de Sa Majesté dans les services étrangers, et l'armement ou l'équipement dans les domaines de Sa Majesté, dans un but de guerre sans permission de Sa Majesté. Les anciens statuts, 9 et 29, Geo. Il, établis pour empêcher la formation des armées jacobites en France et en Espagne, ajoutaient la peine de mort, comme pour cas de félonie, au crime d'entrer au service d'un État étranger. Les statuts 59. Geo. III, ch. 69, communément appelés «acte d'enrôlement étranger,» établirent une peine moins sévère, et suppléèrent aussi au défaut de

1 LENT'S Commentaries on Americain law, vol. I, p. 123. 5th. ed.

l'ancienne loi, en introduisant après les mots «roi, prince, État, ou potentat, » les mots «colonie ou province revêtues des pouvoirs de gouvernement,» afin d'atteindre le cas de ceux qui entrent au service d'États non-reconnus aussi bien d'États que reconnus. L'acte aussi pourvoyait au soin de prévenir et de punir le délit d'équiper des vaisseaux de guerre ou de les fournir de munitions de guerre, points sur lesquels l'ancienne loi avait entièrement gardé le silence.

Dans les débats qui s'élevèrent dans le parlement sur l'établissement du dernier acte mentionné en 1819, et sur la motion de son rappel en 1823, sir J. Mackintosh et d'autres membres opposés au bill ne nièrent pas que le souverain pouvoir de chaque État ne pût intervenir pour empêcher ses sujets de s'engager dans les guerres des autres États par lesquelles sa propre paix pourrait être exposée ou ses intérêts politiques ou commerciaux affectés. Cependant on insista sur ce que les principes de neutralité requéraient seulement la législature anglaise de maintenir les lois dans leur état, mais ne pouvaient lui ordonner d'en changer aucune, ou au moins d'altérer les lois existantes pour l'avantage évident de l'une des parties belligérantes. Ceux qui assistaient des États révoltés, quelque méritoire que fût la cause dans laquelle ils étaient engagés, étaient dans une situation pire que ceux qui assistaient des États reconnus, puisqu'ils ne pouvaient pas légalement être réclamés comme prisonniers de guerre, et qu'ils couraient le risque, comme engagés dans ce qu'on appelait rébellion, d'être traités comme rebelles. La nouvelle loi proposée irait jusqu'à changer les risques relatifs, et opérer comme une loi de faveur pour l'une des parties belligérantes. A cet argument M. Canning répliqua que quand la paix fut conclue entre la Grande-Bretagne et l'Espagne en 1814, on introduisit dans le traité un article par lequel la première de ces puissances s'engageait à ne

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fournir aucun secours à ce que l'on appelait alors les colonies révoltées de l'Espagne. Dans la suite, comme ces colonies devinrent plus puissantes, il s'éleva une question de nature très-difficile, celle de décider, sur due considération, de leur relation de jure, à l'Espagne d'une part, et de leur indépendance de facto, de l'autre. Le droit des gens n'offrait aucune règle précise quant à la conduite qui devait être suivie par les puissances étrangères, d'après des circonstances aussi singulières que celles de la transition de colonies, de l'obéissance due à la mère patrie, à une complète indépendance.

Il était difficile de savoir jusqu'à quel point la loi établie ou droit commun était applicable à des colonies dans une pareille situation. Il devenait donc nécessaire, dans l'acte de 4819, de traiter les colonies comme réellement indépendantes de l'Espagne, et d'empêcher mutuellement à l'égard des deux l'aide qui jusque-là n'avait été défendu que pour l'une. C'était pour donner effet entier et impartial aux dispositions du traité avec l'Espagne prohibant l'exportation d'armes et de munitions aux colonies, mais ne prohibant pas leur exportation en Espagne, que l'acte du parlement déclara que la prohibition serait mutuelle. Quand, cependant, par le cours des événements résultant des mesures du congrès de Vérone, la guerre devint probable entre la France et l'Espagne, on sentit la nécessité de réviser ces relations. Il était évident que si la guerre éclatait véritablement, l'Angleterre devait, ou étendre à la France la prohibition existant déjà à l'égard de l'Espagne, ou annuler pour l'Espagne la prohibition à laquelle elle était soumise, pourvu qu'on eût l'intention de mettre les deux pays sur le même pied. Tant qu'il fut question de l'exportation d'armes et de munitions, il était du pouvoir de la couronne d'effacer toute inégalité entre les belligérants par une simple ordonnance prise en conseil. Cette ordonnance fut rendue, et la prohibition d'exporter des

armes et des munitions pour l'Espagne fut levée. Par cette mesure le gouvernement anglais offrait une garantie de sa neutralité bona fide. La simple apparence de neutralité aurait pu être conservée par l'extension de la prohibition à la France, mais ce n'eût été qu'une prohibition de mots et non de fait. Car la proximité des ports belges de la France aurait rendu totalement illusoire la prohibition de l'exportation directe en France. Le rappel de l'acte de 1819 aurait non pas le même effet, mais un effet correspondant à celui qu'aurait produit une ordonnance prohibant l'exportation en France d'armes et de munitions. Le rappel n'existerait qu'en paroles à l'égard de la France, mais en fait par rapport à l'Espagne, et produirait en faveur de l'Espagne une inégalité d'opérations incompatible avec une impartiale neutralité. On invoqua l'exemple de l'Amérique, soutenant qu'il était de la justice et de la politique d'empêcher les sujets d'un État neutre de s'enrôler au service d'une puissance belligérante, et de prohiber l'équipement dans ses ports d'armements devant venir en aide à cette puissance. Telle fut la conduite de ce gouvernement sous la présidence de Washington et le secrétariat de Jefferson. Telle fut plus récemment la conduite de la législature américaine en révisant les statuts de neutralité de 1848, quand le congrès étendit les dispositions de l'acte de 1794 au cas de ces États non-reconnus des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud, auquel il n'avait pas été pourvu dans la loi primitive 1.

$18. Jusqu'à quel point du territoire neutre s'étend aux vaisseaux neutres en

L'illégalité des captures faites dans la juridiction territoriale d'un État neutre est incontestablement établie sur immunité le principe, l'usage, et l'autorité. Cette immunité pour le territoire neutre de l'exercice des actes d'hostilité dans ses limites s'étend-elle aux vaisseaux de la nation en pleine mer pleine mer. et ne se trouvant pas dans la juridiction d'un autre État?

1 Annual Register, vol. LXI, p. 71. CANNING'S Speeches, vol. V, p. 34.

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