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Mais, du moment que les constitutions proclament la liberté des cultes, elles doivent permettre à chacun de suivre les inspirations de sa conscience. Or, la généralité des hommes appartient à une église dont ils reconnaissent la mission. et l'autorité; ils y recherchent le salut, qu'ils considèrent comme l'intérêt et la loi suprêmes.

Il résulte de là que le pouvoir civil ne peut se mettre en opposition avec les prescriptions de l'un ou de l'autre des cultes autorisés à peine d'être prévaricateur et tyrannique, et ce d'après ses propres enseignements.

La signification de la séparation absolue de l'Église et de l'État est connue : c'est le travail constant des aveugles souverainetés temporelles pour asservir et pour détruire l'Église. (Voyez no 160.)

143. Jésus-Christ a dit à ses apôtres :

< Tout pouvoir

- m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Je vous envoie

"

» comme mon père m'a envoyé. Allez et enseignez toutes les nations... L'Église a été établie sur les apôtres. Elle n'est donc pas une démocratie.

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Parmi les apôtres, Jésus-Christ en a choisi un pour être son lieutenant sur la terre, l'unique chef visible de tous les fidèles, le fondement et le soutien de l'Église, c'est saint Pierre; l'Église est une monarchie pour fonder et maintenir l'unité. L'Église entière est donc subordonnée au pouvoir du monarque et ce pouvoir comprend nécessairement toutes les prérogatives d'une véritable souveraineté, une et indivisible. C'est ce que prouvent à l'évidence les textes sacrés et le témoignage constant de la tradition.

Comme les portes de l'enfer se sont élevées de toutes parts. contre ce fondement divinement établi, le concile du Vatican a enseigné et déclaré que le bienheureux apôtre Pierre a été établi par Jésus-Christ, prince des apôtres et chef visible » de toute l'Église militante, et qu'il a reçu directement et

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immédiatement du Fils de Dieu une primauté non seulement → d'honneur, mais de vraie et proprement dite juridiction ; » que, de droit divin, saint Pierre a dû avoir des successeurs

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Les évêques sont les successeurs des apôtres; le collège des apôtres vit dans le collège des évêques; celui-ci, uni à Pierre, a hérité de tous les pouvoirs de l'apostolat et, par conséquent, est appelé à prendre part, de concert avec le souverain pontife, au gouvernement de l'Église universelle.

C'est la condamnation des gallicans, jansénistes, fébroniens, pistoriens, etc.

CHAPITRE II

144. Quelles personnes sont soumises à la souveraineté de l'Église? La souveraineté de l'Église s'étend sur tous ceux qui sont devenus ses sujets par le baptême. L'autorité de l'Église atteint directement ceux qui sont devenus ses sujets par le baptême.

Mais l'Église a reçu mission de faire connaître la révélation et de prêcher l'Évangile à tous les hommes: Ite et docete omnes gentes.

Si les infidèles empêchent la prédication et persécutent les missionnaires, l'Église peut réclamer le secours des puissances chrétiennes et leur demander de lever par la force les obstacles opposés à sa mission divine. Les chrétiens ont souvent stipulé dans leurs traités la liberté des missionnaires.

Mais nul ne peut employer la force pour imposer la foi, car celle-ci est en même temps un don de Dieu et un acte de la volonté humaine.

C'est pour éviter jusqu'à l'ombre de la contrainte que l'Église défend de conférer le baptême aux enfants non adultes des infidèles contre le gré ou à l'insu de leurs parents. Mais si, malgré la prohibition canonique, le baptême a eu lieu, l'Église exige que l'enfant soit soustrait à la puissance de ses parents jusqu'à ce que son éducation religieuse soit complète.

L'Église ne se reconnaît pas le droit d'interdire l'exercice

du culte infidèle: c'est ainsi qu'elle a toujours protégé les juifs, auxquels bien des législations faisaient une situation intolérable; c'est ainsi qu'une bulle de Paul III (1537) déclare solennellement aux souverains catholiques qu'il ne leur était pas permis d'enlever aux infidèles du nouveau monde leur liberté ni leurs biens; il fallait les convertir par la prédication et l'exemple des bonnes œuvres, non autrement.

L'Église a un droit de justice afflictive contre les hérétiques, c'est-à-dire contre ceux qui, étant baptisés, adhèrent avec obstination à une erreur contre la foi et qui manifestent leur opposition par des actes extérieurs.

Mais il ne faut pas considérer comme hérétiques ceux qui, nés de parents ayant depuis longtemps abandonné l'Église, sont hors d'état de connaître par eux-mêmes la vérité, ni ceux à qui, dès le berceau, un faux enseignement à ouvert les voies de l'erreur. Il faut faire une très large part aux préjugés de l'éducation première.

L'Église considère l'hérésie comme un crime social qui ébranle la révélation et l'autorité de l'Église; elle a donc toujours manifesté contre ce crime l'intolérance la plus absolue.

Elle considère comme contraire à la charité la coupable. condescendance à tout laisser faire, qui devient une sorte de complicité; elle veut la paix fondée sur la vérité, la justice et le droit et qui est l'ennemie de l'erreur, du vice et de la révolte.

Elle nous impose la charité comme le devoir le plus rigoureux de la vie chrétienne; elle nous l'impose envers tous, même envers les ennemis. Elle veut qu'on aime tous les hommes d'une affection vraie et sincère, qu'on prie pour eux, qu'on les secoure dans tous leurs besoins corporels et spirituels jusqu'à donner sa vie pour eux. Mais elle enseigne qu'il faut en même temps savoir avertir, menacer et punir. (MOULART.)

L'intolérance dogmatique enseigne qu'il n'y a qu'une seule religion vraie en dehors de laquelle il n'y a pas de salut possible.

La tolérance dogmatique prend le nom d'indifférentisme. De là la maxime : « Hors de l'Église point de salut. » Ce qui ne veut pas dire que les catholiques seuls peuvent être sauvés, mais bien que, la religion catholique étant obligatoire pour tous, celui qui refuse d'en prendre connaissance ou de l'embrasser quand elle lui est suffisamment connue est coupable devant Dieu et encourt la damnation. L'Église admet la possibilité du salut pour ceux qui sont dans l'ignorance involontaire; la foi explicite en un seul Dieu, souverain maître et fin dernière de l'homme, jointe à l'observation, par le secours de la grâce, des préceptes de la loi naturelle suffit pour ouvrir l'éternité bienheureuse aux infidèles de bonne foi. Ils peuvent appartenir à l'âme de l'Église s'ils n'appartiennent pas à son corps : L'Église romaine va plus loin - que les protestants dans la voie de la tolérance », disait Leibnitz.

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D'après Luther et Calvin, Dieu ne donne pas sa grâce à tous parce qu'il a fatalement prédestiné les uns au bonheur du ciel et les autres aux peines de l'enfer. Avec cette implacable doctrine, tout devient indifférent : le vrai et le faux, le bien et le mal; elle rend Dieu même auteur de tous les forfaits, elle enchaîne la raison et abrutit l'homme.

Toute religion qui s'affirme vraie est nécessairement intolérante dogmatiquement. La certitude d'un principe exclut forcément le principe contradictoire.

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L'indifférentisme n'est donc que l'absence complète d'enseignement religieux. Ce n'est pas même le doute, c'est une ignorance systématique sur ce qu'il importe le plus à l'homme de connaître « Quand l'apôtre nous déclare qu'il n'y a qu'un : Dieu, dit Grégoire XVI dans l'Encyclique Mirari vos, qu'une foi, qu'un baptême, ceux-là doivent trembler qui >osent soutenir que toute religion peut ouvrir la porte de la > béatitude éternelle... Au témoignage du Sauveur lui-même, on est contre Jésus-Christ par cela même qu'on n'est pas " avec lui.

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D'où il suit qu'il est impie et absurde d'enseigner que chacun peut, à son gré, croire ou ne pas croire, embrasser telle reli

gion que bon lui semble et s'affranchir de la loi divine. La liberté ne peut être que le droit de faire le bien sans contrainte. Le choix du mal, c'est l'abus de la liberté.

Si l'on recherche les droits et les devoirs généraux de chaque puissance vis-à-vis de l'autre, il faut nécessairement distinguer entre la théorie et la pratique, entre la thèse et l'hypothèse. En théorie, l'Église catholique se proclame l'œuvre personnelle de Dieu, seule religion vraie, imposant à tous les hommes une seule et même foi. En pratique, il est des faits, des nécessités, des lois, des concordats dont il est impossible de ne pas tenir compte.

CHAPITRE III

ÉTENDUE TERRITORIALE DE LA SOUVERAINETÉ ECCLÉSIASTIQUE

145. La souveraineté de l'Eglise s'étend sur la terre entière. - L'Église est une société parfaite, qui peut exiger de ses membres tout ce qui est nécessaire pour atteindre sa fin. Le pouvoir appelé à désigner et à sanctionner les moyens d'arriver à cette fin est le pouvoir législatif, qui est la première et la plus essentielle prérogative de la souveraineté.

Jésus-Christ a dit à ses apôtres : « Allez et enseignez toutes les nations... tout ce que vous lierez sur la terre sera lié » dans le ciel... Celui qui vous écoute m'écoute; celui qui vous méprise me méprise. »

"

Si Jésus-Christ est Dieu, son pouvoir s'étend non seulement sur toute la terre, mais sur tout l'univers, et le pouvoir spirituel de son vicaire doit s'étendre sur toute la terre. Et si

l'Église peut porter des lois dans l'ordre spirituel, elle doit pouvoir les promulguer librement; c'est ce qu'enseignent l'écriture, la tradition et l'histoire.

Il est donc faux et absurde de prétendre que les politiques puissent soumettre la publication des lois ecclésiastiques au bon ou au mauvais vouloir de la puissance civile.

Le placet ou l'exequatur (jus cavendi) a été inconnu avant le XIVe siècle.

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