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De l'entente entre l'État et les cultes sortent des conséquences heureuses pour la société; mais l'Etat manque à tous ses devoirs lorsque, sous le masque de l'indifférence, il est hostile aux cultes et surtout lorsqu'il blesse celui de la majorité. De cette hostilité ne peuvent naître que de lamentables conséquences et la ruine des États.

On ose dire que, quand les communautés religieuses se sont identifiées avec la société politique, elles se sont transformées en puissances exterminatrices.

La vérité, c'est que la tolérance absolue n'a jamais existé et n'existera jamais nulle part; la civilisation chrétienne a conduit l'humanité à la meilleure situation qu'elle ait encore relativement atteinte. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir ce qu'est devenu le monde sous le paganisme et ce qu'il est encore là où n'a pas pénétré l'Évangile. La révolution, sous l'enseigne de la tolérance, a été mille fois plus intolérante que les catholiques.

On rappelle que Lucrèce se plaignait énergiquement des atrocités commises au nom de la religion. Qu'eût-il dit, ajoute-t-on, si l'histoire des siècles écoulés avait pu se dévoiler à ses regards! (Le Droit public de la Belgique, p. 384.)

Nous croyons, en effet, que Lucrèce aurait été épouvanté s'il avait vu l'amphithéâtre et ses martyrs, les massacres et les dévastations faits par les païens, les ariens, les albigeois, les hussites, les protestants, les jacobins et les sans-culottes, s'il avait vu la terreur et le massacre des prêtres, la commune et l'extermination des otages, s'il avait vu enfin les signes avant-coureurs de ce que la révolution nous présage; mais ce n'est pas l'Évangile et la papauté qui auraient motivé son indignation. Il eût plus justement dit avec Mme Roland : Oh! liberté, que de crimes on commet en ton nom!

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SECTION Ire La question religieuse dans l'antiquité

184. Le paganisme avait conduit le monde au dernier degré Toutes les forces de l'antide la corruption et de la misère.

quité s'étaient concentrées dans l'empire romain, résumé de

quatre mille ans de travaux et de civilisation. Il aboutit cependant au comble de la corruption et de la tyrannie.

César seul était Dieu; la vérité, la justice étaient haïes et persécutées; le genre humain roula de chute en chute jusqu'à la domination absolue d'un Tibère et d'un Caligula qui désirait que l'humanité n'eût qu'une tête pour qu'il pût la trancher d'un coup.

Plus de travail libre, mais des troupeaux d'esclaves à la merci du maître; plus de sainteté dans le mariage, mais le divorce, la stérilité dans la famille; plus de propriété, les impôts dépassant le revenu des terres et la fortune de chacun étant à la merci de la confiscation sur la parole d'un délateur.

La raison humaine, ayant rejeté la vérité religieuse, ne connaissait plus que la force pour combattre le mal; cette force était personnifiée dans l'empereur divinisé; toute puissance spirituelle et temporelle était confondue dans ses mains. Il était seul infaillible et tout-puissant.

Le pouvoir devint un monstre affamé dévorant tout l'empire, et qui devait finir par se dévorer lui-même.

Le remède ne pouvait se trouver que dans la miséricorde divine, le règne de la vérité religieuse et l'expiation sur le calvaire. Après trois siècles de persécutions sanglantes, la Croix régna sur le monde et donna naissance à la civilisation chrétienne. (KURTH.)

Rien n'égale le caractère surnaturel de cette conquête du monde par l'Église. La société périssait; l'Église enseignant la vérité et régénérant le monde était seule persécutée et vouée à l'extermination; mais Jésus-Christ avait dit : Lorsque j'aurai été élevé sur la croix, j'attirerai tout à moi ! » Cette parole s'accomplit et les millions de victimes volontaires attestent la divinité de Celui qui devait venir.

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Le progrès moral devait amener le progrès temporel et donner à l'humanité la liberté politique, la suppression de l'esclavage et la charité vis-à-vis des malheureux et des opprimés.

185. Il avait fini par diviniser l'empereur. L'empereur devint le dieu vivant, l'incarnation des peuples; son culte

devint la religion dominante; il avait des temples et un clergé organisé; tous les habitants étaient tenus d'y prendre part. Celui-là seul était un bon citoyen, celui-là seul aimait le genre humain qui rendait un culte à César, la plus haute personnification de la majesté romaine. Cette adoration de l'homme était l'antithèse de l'adoration de Dieu et de Jésus-Christ; aussi, l'histoire des persécutions contre les chrétiens ne fut que la lutte des dieux nationaux de Rome personnifiés dans César contre le vrai Dieu. De là, contre les chrétiens, la haine satanique et les malédictions, qui n'étaient que l'écho de l'opinion générale des païens.

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Ces malheureux, disait Tacite, abhorrés pour leurs infamies, doivent leur nom à Christus, qui a été supplicié sous Tibère; sa mort réprima pour un moment cette exécrable superstition. Elle se répandit en Judée, son lieu d'origine, > et jusque dans Rome où viennent se réunir les vices et les crimes de l'univers. (Annales, XV, 44.)

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On les accusait de sacrifier des petits enfants dont ils suçaient le sang (allusion à l'Eucharistie) et de se livrer pêlemêle à des orgies nocturnes sans distinction d'âge ni de sexe. On concluait qu'il fallait exécrer et détruire cette horrible conjuration.

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186. Incriminations contre les chrétiens. Ils étaient les ennemis de César parce qu'ils refusaient d'adorer les faux dieux. Les incriminations légales dirigées contre les chrétiens portaient qu'ils faisaient profession de mépriser les rites et les cérémonies païennes, considérées par eux comme des œuvres du démon; les imputations de sacrilège et de lèsemajesté se confondaient. Qui n'adorait pas César était son ennemi.

Les chrétiens étaient considérés comme des magiciens parce qu'ils exorcisaient les démoniaques; la loi des Douze Tables punissait les magiciens de mort et saint Paul nous apprend que, de son temps, ils étaient brûlés vifs.

Or, les adversaires cherchent à assimiler le christianisme au paganisme : Tous deux ont été également persécuteurs ;

mais nous, libres penseurs, nous avons apporté au monde la tolérance et la liberté! C'est la conclusion de l'histoire dénaturée et travestie.

Charles-Quint et Louis XIV étaient en état de légitime défense contre des sectaires violents qui mettaient en péril l'ordre social. La répression fut quelquefois barbare et cruelle, mais elle n'égala jamais la férocité de la révolution, et l'Église a toujours blâmé, elle a réprimé, quand elle a pu le faire, les excès de la répression. (Voyez no 192.)

Les chrétiens préféraient obéir à Dieu qu'aux hommes; ils revendiquaient la liberté du bien pour sortir des horreurs du paganisme et ils la réclamaient sans violence. L'Église seule s'établit la persuasion. L'empire chrétien sortit de la prédication et du sang des martyrs.

Mais la révolution, qu'on l'appelle paganisme, arianisme, manichéisme, protestantisme, libre-pensée ou religion de l'avenir, a toujours excité et favorisé tous les attentats contre le catholicisme.

Les chrétiens aux bêtes! disaient les païens.

Il faut nous laver les mains dans le sang de la Sodome romaine! disait Luther.

Des boyaux du dernier des prêtres, étranglons le dernier des rois! disait la révolution de 1793. (DIDEROT.)

Il faut étouffer le catholicisme dans la boue! Extirper, même par la violence, tout ce qui est chrétien et catholique! disent les sectaires actuels.

Nous en donnerons la démonstration avec citations à l'appui. En attendant, revenons au paganisme.

On ose

187. De la continuité des persécutions sanglantes. dire que la multiplication des chrétiens tient au caractère intermittent des persécutions et au manque de zèle et de puissance des prêtres des divinités païennes.

Or, toutes les forces de l'empire étaient coalisées contre la bonne nouvelle, et, pendant trois siècles, des supplices, qui épouvantent l'imagination, furent infligés à plus de dix-huit millions de martyrs. La seule explication de la propagation de

la foi, c'est que Jésus-Christ est Dieu et qu'il avait dit : Lorsque j'aurai été élevé en croix, j'attirerai tout à moi. » Mais on veut à toute fin assimiler le christianisme au paganisme Le crime principal des protestants au xvIe siècle, dit-on, était leur hétérodoxie! Le crime principal des protestants était de s'être levés en armes, d'avoir excité les populations aveuglées à tout détruire, à tout massacrer, de proclamer par ses chefs qu'il fallait se laver les mains dans le sang de l'Église romaine.

Les Romains, dit-on encore, punissaient les chrétiens non à cause de leurs opinions religieuses, mais parce que, en refusant de sacrifier à l'empereur, ils se rendaient coupables d'indiscipline et de rébellion contre l'ordre établi.

Cette affirmation est démentie par les faits. Les chrétiens étaient décapités, roués, brûlés, empalés, livrés aux bêtes parce qu'ils refusaient de sacrifier aux idoles; ils repoussaient le culte monstrueux de Jupiter et d'Apollon, qu'ils considéraient, à juste titre, comme des démons (omnes dii gentium dæmonia). Mais, à part cette restriction, ils respectaient absolument l'ordre établi.

C'est justement le contraire de ce que firent partout et toujours les protestants, qui mirent tout à feu et à sang pour faire triompher leurs doctrines.

On allègue encore que les haines avaient leur source dans la passion politique plutôt que dans le fanatisme religieux. Ici encore, les faits démontrent le contraire; les deux fanatismes se rencontraient dans l'esprit de ceux qui défendaient César, à la fois empereur et Dieu. Il en est toujours ainsi lorsque les deux pouvoirs sont réunis sur la même tête. Le fanatisme, élevé à sa plus haute puissance, est d'autant plus cruel et plus sauvage que nulle barrière ne peut arrêter ses excès.

Dès le siècle, les conquêtes du christianisme embrassaient le monde connu. Les historiens hostiles ont voulu expliquer ce fait par des causes naturelles. Ils ont contesté l'universalité et la persévérance des persécutions. Mais cette affirmation est contredite par les faits qui sont constants et

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