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avérés. Pour l'observateur de bonne foi, la propagation du christianisme ne peut s'expliquer que par sa divinité.

On allègue encore que les chrétiens jouissaient d'une assez large tolérance dans l'intervalle des persécutions générales. Cela n'est pas sérieux. Cette tolérance ressemble à celle dont jouissait saint Laurent pendant qu'on le retournait sur le gril.

188. Correspondance de Pline; intolérance de Trajan. - Si quelque ralentissement venait parfois interrompre l'ardeur des persécutions, la haine des païens ne tardait pas à reprendre toutes ses fureurs. Ils réclamaient l'application des lois anciennes (c'est ce qu'on appelle actuellement les lois existantes) et le zèle des magistrats se réveillait plus implacable.

Si quelque cœur généreux hésitait devant l'énormité de l'œuvre infernale (je ne sais de quel chef et dans quelle mesure il faut punir et poursuivre les chrétiens! disait Pline le jeune), la haine reprenait bientôt le dessus et toute la tolérance de Trajan, le meilleur des empereurs, allait seulement jusqu'à l'indulgence pour ceux qui niaient être chrétiens et qui > justifiaient leur dénégation en adressant des prières aux divinités païennes (PLINII, epistola, X, 98.) C'est grâce à cette tolérance, dit-on, que le christianisme naissant n'a pas été totalement extirpé.

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En présence de ce genre de tolérance, la divinité de JésusChrist et de l'Église explique mieux vis-à-vis des consciences droites le maintien, la propagation et le triomphe de la foi chrétienne. C'est pour cela que l'Église demeure dans son unité devant la perpétuité des persécutions. C'est pour cela que toutes les erreurs, arianisme, protestantisme aux mille sectes, jansénisme, rationalisme, ne font que naître et mourir, même lorsqu'elles ne sont pas persécutées.

Le credo, dans ses affirmations souveraines, jaillit tout d'une pièce au concile de Nicée; il demeure le critérium des affirmations catholiques, l'unité et la perpétuité sont une des preuves multiples de sa vérité.

La révolution aboutit à un vaste pandémonium de contra

dictions monstrueuses. Elle n'est d'accord que sur un point: la persécution contre l'Église et la haine contre Dieu.

189. Conversion de Constantin. Enfin, le monde se convertit. Après un dernier redoublement de persécution sous Dioclétien, Constantin, vainqueur par la Croix, comme Clovis, devint chrétien. Il proclama la liberté de conscience en ce sens qu'il n'usa point contre le paganisme de la violence dont celui-ci ne s'était pas fait faute, depuis trois siècles, contre le christianisme. Il respecta l'erreur dans l'espèce de droit que lui donnait un usage immémorial et ne fit point d'édit de proscription contre elle. Il se contenta de défendre de consacrer de nouvelles idoles.

190. Intolérance des ariens. Lorsque Constantin eut établi l'alliance entre l'Église et l'État, on dut voir dans l'empereur le protecteur et le bras séculier de l'Église; l'empereur crut nécessaire de mettre hors d'état de nuire les hérétiques, qui étaient un danger pour l'Église. Il avait un double motif pour infliger à l'hérésie des châtiments civils d'abord, comme fils aîné de l'Eglise, il devait la protéger contre ses ennemis déclarés; il devait ensuite maintenir dans l'État l'ordre et la tranquillité, qui ont toujours à souffrir des dissensions religieuses.

L'emploi de châtiments plus rigoureux que l'exil fut dû aux ariens, qui, les premiers, en firent usage contre les catholiques, sous les règnes de leurs coreligionnaires Constance et Valens. Le premier les condamnait au cachot; le second les faisait noyer; et toujours les rois ariens des monarchies germaines ont fait usage de ces actes sanglants de violence contreceux qui ne partageaient pas leurs croyances.

Il est au moins bizarre que l'on invoque contre l'intolérance des catholiques un édit publié par l'empereur Constance en 353. Cet édit fermait les temples païens et interdisait les sacrifices sous peine de mort. Mais on oublie d'ajouter que Constance fut un persécuteur des catholiques et qu'il favorisait les ariens. Est-il juste de rendre l'Église catholique responsable des excès de ceux qui l'ont persécutée?

191. Législation contre les hérétiques.

Les catholiques ne commencèrent à avoir recours aux châtiments rigoureux qu'à la fin du Ive siècle, c'est-à-dire dans la persécution des priscillianistes, dont les chefs furent exécutés à Trèves (385) par l'ordre de l'empereur Maxime. Mais aussi les plus grands évêques de cette époque, saint Martin de Tours, saint Ambroise de Milan, le Pape Sirice et d'autres encore, et, plus tard aussi, saint Léon le Grand, blâmèrent hautement l'emploi des punitions sanglantes infligées aux hérétiques. Saint Augustin était du même avis, quoique d'ailleurs il ne désapprouvât pas l'emploi de la force à l'égard des hérétiques comme moyen de correction. Sa manière de voir devint méme dominante et détermina plus tard aussi la législation civile en particulier sous les empereurs Théodose II et Valentinien III. Ainsi ces princes, considérant les hérétiques comme criminels envers l'État, son repos et la moralité publique, les punirent par l'exclusion des honneurs, la privation du droit de succession et par d'autres peines civiles, mais sans jamais faire couler leur sang. (HÉFELÉ, cité par DECHAMPS, le Libre examen de la vérité de la foi, pp. 277 et 278.)

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192. Excès et crimes des hérétiques. Sévérité de la répression adoucie par l'Église. Celui qui n'est pas né dans la vérité ne peut la découvrir que par de longues recherches; l'ignorance invincible (condition exceptionnelle) pourra l'excuser devant Dieu, qui, seul, est juge. Plus libérale que toutes les autres religions, l'Église a maintenu comme principe inviolable le respect et la tolérance de ceux qui sont nés hors de son sein et la liberté d'élever leurs enfants dans leur propre culte.

Elle a reconnu une faute personnelle chez celui qui, après avoir vu, ferme volontairement les yeux à la lumière c'est l'orgueil, l'égoïsme, les passions mauvaises qui cherchent un refuge dans le scepticisme. Cette faute devient aux yeux de

l'Église un crime politique et social lorsque, sortant du domaine de la conscience, l'hérésie ou l'incrédulité exerce autour d'elle un dangereux prosélytisme; au fond de tout conflit politique et social, il y a une question de justice et de morale. De là vient qu'au moyen âge les ennemis de la société sentaient qu'il fallait avant tout s'en prendre à l'Église.

Quand l'Europe chrétienne combattait les musulmans du dehors, pouvait-elle rester sans défense contre les musulmans du dedans plutôt Turcs que papistes! plus dangereux parce qu'ils étaient cachés, plus coupables parce qu'ils étaient hypocrites, qui désertaient et trahissaient le drapeau de leur pays, qui outrageaient la foi universelle et qui conspiraient contre toutes les libertés? Un outrage à Jésus-Christ ou à. l'Église était plus difficile à supporter par les chrétiens qu'une insulte à leur mère.

S'il fallait donc une autorité supérieure, ce n'était pas pour exciter, mais, au contraire, pour calmer et modérer les colères populaires; ce n'était pas pour armer, mais, au contraire, pour retenir, le bras séculier, toujours si prompt à frapper. C'est ce que fit l'Église, en se réservant à elle seule le droit de juger les crimes contre la foi et en protestant énergiquement toutes les fois que les pouvoirs civils s'arrogeaient le droit de devancer ses arrêts.

Le Saint-Siège blâma les massacres des juifs et leur offrit toujours à Rome un asile inviolable; il protesta contre le supplice des templiers, plus tard contre les dragonnades, et il prit souvent sur lui d'adoucir les décisions de cette fameuse inquisition espagnole qui, elle-même, fut une digue au débordement des cruautés chez un peuple irrité par des siècles de combats et prêt, sur un soupçon, à exterminer les traîtres.

La répression religieuse a existé de tout temps et elle existera toujours aussi bien que la répression politique et sociale. Contre des ennemis qui ne reculaient devant aucun moyen pour la détruire, l'Église n'a réclamé l'emploi de la force qu'à la dernière extrémité et avec une répugnance sincère. Quels qu'aient pu être les excès de ses enfants, excès inévitables dans toutes les luttes humaines, -on peut affirmer que les

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catholiques ont toujours surpassé leurs adversaires en générosité, en modération, en longanimité et le Saint-Siège n'a pas cessé de blâmer et de contenir les excès d'un zèle aveugle et trop humain. (KELLER.)

Le onzième concile œcuménique (troisième de Latran) condamnait les hérétiques de la Gascogne, d'Albi et de Toulouse dans les termes suivants: Attendu que ces hérétiques ne se tiennent plus tranquilles, mais publient hardiment leurs erreurs et y gagnent par séduction les faibles et les simples... se montrent cruels envers les orthodoxes et n'épargnent ni les églises, ni les veuves, ni les orphelins... en conséquence, l'excommunication est prononcée contre eux et leurs fauteurs; à leur violence, il faut opposer la violence et confisquer leurs biens, et les princes chrétiens peuvent même les réduire en esclavage.

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Le quatrième concile de Latran, tenu, en 1215, sous Innocent III, ne fit que renouveler ces résolutions.

Les Albigeois, Cathares, Patarins, Publicains soulevés massacraient les prêtres, dévastaient et brûlaient les églises et on signale la répression nécessaire au salut social comme un acte d'intolérance de la part d'Innocent III, un des plus grands hommes qui aient paru sur la terre.

Un savant protestant, Hurter, a écrit l'histoire d'Innocent III; il est revenu à la foi catholique!

On énumère en détail les peines portées contre les hérétiques; on prétend que les autorités séculières devaient les - exterminer ". (Le Droit public de la Belgique. p. 402.) Or, exterminare, ex terminis, en latin veut dire exiler. Le concile n'exigeait donc pas l'extermination, mais l'expulsion des hérétiques qui mettaient tout à feu et à sang.

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Mais ce que ne prescrivait pas le concile, la convention le prescrivait: Il est ordonné au général... toutes les subsistances seront dirigées, ainsi que les bêtes à cornes, à Luçon. Aussitôt les enlèvements faits, tous les bourgs, villages et - hameaux, fours et moulins seront entièrement incendies sans exception. Les habitants, qui seront reconnus avoir pris part directement ou indirectement à la révolte de

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