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Maintenant le hasard promène au sein des ombres
De leurs illusions les mondes réveillés ;

L'esprit des temps passés, errant sur leurs décombres,
Jette au gouffre éternel tes anges mutilés.

Les clous du Golgotha te soutiennent à peine;

Sous ton divin tombeau le sol s'est dérobé :

Ta gloire est morte, ô Christ! et sur nos croix d'ébène
Ton cadavre céleste en poussière est tombé!

Eh bien! qu'il soit permis d'en baiser la poussière

Au moins crédule enfant de ce siècle sans foi,

Et de pleurer, ô Christ! sur cette froide terre
Qui vivait de ta mort et qui mourra sans toi!
Oh! maintenant, mon Dieu, qui lui rendra la vie?
Du plus pur de ton sang tu l'avais rajeunie ;
Jésus, ce que tu fis, qui jamais le fera?

Voici son jugement sur Voltaire; nous estimons qu'il peut contrebalancer bien des éloges libéraux :

Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire
Voltige-t-il encor sur tes os décharnés ?
Ton siècle était, dit-on, trop jeune pour te lire ;
Le nôtre doit te plaire et tes hommes sont nés.
Il est tombé sur nous cet édifice immense
Que de tes larges mains tu sapais nuit et jour.
La Mort devait t'attendre avec impatience.
Pendant quatre-vingts ans que tu lui fis ta cour;
Vous devez vous aimer d'un infernal amour.
Ne quittes-tu jamais la couche nuptiale

Où vous vous embrassez dans les vers du tombeau
Pour t'en aller tout seul promener ton front pâle
Dans un cloître désert ou dans un vieux château?
Que te disent alors tous ces grands corps sans vie,
Ces murs silencieux, ces autels désolés,
Que pour l'éternité ton souffle a dépeuplés?
Que te disent les croix? que te dit le Messie?

Oh! saigne-t-il encor, quand, pour le déclouer,
Sur son arbre tremblant, comme une fleur flétrie,
Ton spectre dans la nuit revient le secouer?
Crois-tu ta mission dignement accomplie,
Et comme l'Éternel, à la création,

Trouves-tu que c'est bien, et que ton œuvre est bon ?

Vois-tu, vieil Arouet, cet homme plein de vie...
Sera couché demain dans un étroit tombeau.
Jetterais-tu sur lui quelques regards d'envie?
Sois tranquille, il t'a lu. Rien ne peut lui donner

Ni consolation ni lueur d'espérance.

Si l'incrédulité devient une science,

On parlera de Jacque, et, sans la profaner,

Dans ta tombe, ce soir, tu pourrais l'emmener.

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Citons pour finir le jugement de Victor Hugo, quand il était encore chrétien :

Voltaire alors régnait, ce singe de génie,

Chez l'homme en mission par le diable envoyé.
Époque qui garda, de vin, de sang rougie,

Même en agonisant, l'allure de l'orgie!

O dix-huitième siècle, impie et châtié!
Société sans Dieu, qui par Dieu fut frappée!
Qui, brisant sous la hache et le sceptre et l'épée,
Jeune, offensa l'amour, et vieille, la pitié,
Table d'un long festin qu'un échafaud termine!
Monde, aveugle pour Christ, que Satan illumine!
Honte à tes écrivains devant les nations!
L'ombre de tes forfaits est dans leur renommée;
Comme d'une chaudière il sort une fumée,
Leur sombre gloire sort des révolutions!

Oh! tremble! ce sophiste a sondé bien des fanges!
Oh! tremble! ce faux sage a perdu bien des anges!
Ce démon, noir milan, fond sur les cœurs pieux
Et les brise...

Hélas! si ta main chaste ouvrait ce livre infâme
Tu sentirais soudain Dieu mourir dans ton âme,
Et demain tu rirais de la sainte pudeur !

Et le même dira plus tard :

(Les rayons et les ombres.)

Après que Jésus-Christ et Voltaire ont parlé.

La révolution proclame que l'homme naît bon et qu'il doit être libre; elle réclame une liberté absolue, illimitée, de penser et d'agir, un droit antérieur et supérieur à toute loi, de penser, de parler, d'écrire tout ce qu'il voudra.

Elle proclame que la société vient de l'homme directement;

immédiatement, elle est née du contrat social, sans aucune intervention, même lointaine, de la divinité. Dès lors, il faut chasser Dieu de partout! Dieu, c'est le mal! la paix de l'âme se puise dans la négation de Dieu : donc il faut tout laïciser!

Plus de Dieu ni dans la loi, ni dans la justice (on a vu un député refuser de voter l'adresse en réponse au discours du Trône parce qu'elle contenait une invocation à la Providence! 16 août 1870), ni dans les écoles, ni dans les hôpitaux (arrière les sœurs de charité qui sont respectées à Pékin et à Constantinople!).

Les ariens niaient la divinité de Jésus-Christ, les protestants niaient la suprématie du Pape; nous sommes en progrès, l'insensé a dit dans son cœur: Il n'y a pas de Dieu! et voici l'interrogatoire de l'archevêque de Paris par Raoul Rigault, sous la commune : Votre nom? - Darboy. Votre pro

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fession.

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Serviteur de Dieu.- Où demeure Dieu ?- Mais...

» il est partout. C'est bien: greffier, écrivez qu'il se déclare domestique d'un nommé Dieu, qui, d'après ses propres décla>rations, vit en état de vagabondage.

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Il suffit de consulter la trame d'or de l'histoire, de voir l'état social en dehors du christianisme, et parfois, hélas! ce qui se passe chez les peuples chrétiens lorsqu'ils secouent le frein religieux et veulent détruire l'Église, pour savoir ce qu'il faut penser de cette bonté native de l'homme et des fruits de la liberté absolue et sans limites.

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On allègue qu'un dogme nouveau a éclairé le monde depuis 1789 (Le Droit public de la Belgique, p. 421), et, sans transition, on passe à 1815: Vingt-cinq ans plus tard, le principe de la liberté des cultes avait si profondément imprégné le droit public de l'Europe que le congrès de Vienne le consi» dérait comme une des bases de la réunion des provinces de Belgique avec les provinces unies. »

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De 1793 pas un mot; c'est un souvenir gênant sans doute; mais, enfin, quand on a dit que les chrétiens ont pu se multiplier silencieusement et se répandre dans tout l'empire romain à cause du caractère intermittent des persécutions qui furent des violences passagères ou locales; quand on affirme que

l'Angleterre fut le berceau de la liberté religieuse; quand on consacre vingt pages à rappeler les excès de la répression depuis 1200 jusqu'à 1600, il faut nécessairement, pour être complet, analyser ou, du moins, citer les excès révolutionnaires, sinon on trompe les lecteurs naïfs en se trompant soimême (pp. 393 et 419), et l'exposé des crimes prétendument inspirés par la religion n'est plus qu'une compilation partiale et sans portée.

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199. La révolution, son intolérance. 1793. Les scandales de la royauté pendant le XVIIe siècle, les fautes et les crimes de la noblesse et, sachons le reconnaître, d'une partie du clergé avaient exaspéré les multitudes.

Dans son livre intitulé l'Ancien Régime et la Révolution: << J'ai beaucoup étudié l'histoire, dit Tocqueville, et j'ose » affirmer que je n'ai jamais rencontré de révolution où l'on > ait pu voir au début, dans un aussi grand nombre d'hommes, » un patriotisme plus sincère, plus de désintéressement et de » vraie grandeur.

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C'est là un fait indiscuté. Les préludes de cet événement capital de l'histoire moderne ont été tels qu'ils ont permis à un éminent prélat de nos jours ces paroles significatives: Nous acceptons, nous invoquons les principes et les libertés proclamés en 1789. (DUPANLOUP, De la Pacification religieuse.)

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Les protestations issues du mouvement de 1789 étaient donc absolument légitimes dans leur origine. De là, la nécessité d'une transformation politique qui devenait irrésistible. Au principe de la monarchie absolue et de droit divin, à la séparation en ordres privilégiés, à l'attribution du droit de vote, à la naissance, à la richesse, la civilisation tendait à substituer l'égalité de tous devant la loi, l'accessibilité de tous aux fonctions publiques, l'élection comme communiquant le pouvoir et le contrôle des actes de l'autorité par des assemblées électives.

Or, cet ensemble d'institutions et de libertés déjà entrevu par les esprits éminents de l'antiquité, tous les grands catholiques du moyen âge l'ont salué comme l'idéal des sociétés

chrétiennes. Sans doute, ils n'ont pas été les promoteurs et les admirateurs de tout ce qui constitue la société moderne ! Comment pouvait-on concevoir la liberté de conscience quand l'Europe n'avait qu'une foi, la liberté de la presse, quand l'imprimerie n'était pas inventée? Mais ils voulaient que tous eussent part au gouvernement; ils disaient que c'était l'unique moyen d'avoir la paix en intéressant tout le peuple à la conservation de la constitution. Ils voulaient que les chefs fussent tous élus et élus par tous. Ils enseignaient enfin que le pouvoir vient de Dieu, non pas directement au roi, mais à la nation, qui le délègue au roi sous les conditions qu'on lui posait au jour de son sacre et qu'on lui faisait jurer, sous peine de déchéance, de respecter.

Mais, dans les catastrophes humaines, le mal se glisse à côté du bien et profite du trouble pour réaliser son œuvre tels les profanateurs de cadavres, ou corbeaux de la mort, suivent les médecins et les sœurs de charité sur les champs de bataille, telle, derrière les revendications légitimes, vint la révolution, qui n'est que l'explosion satanique de la haine contre l'Église. On proclamait, sans doute, quelques principes vrais et féconds, mais que l'Évangile avait proclamés depuis dix-huit siècles et avec plus d'autorité. Il avait dit: Aimez-vous les uns les » autres; faites du bien à vos ennemis; le premier et le plus grand commandement, c'est la charité; si vous n'avez pas » la charité, vous n'avez rien. » De là les missionnaires, les sœurs de charité, les sœurs des pauvres, les frères de la merci, dont les œuvres valent mieux que la fraternité de 1793.

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Derrière l'enseigne révolutionnaire, l'humanité n'a trouvé qu'une orgie de sang et de despotisme.

Voici quelle fut et quelle a toujours été la tolérance révolutionnaire.

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200. La terreur, Robespierre, Marat, Danton. La terreur, disait Robespierre, n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible; elle est donc une émanation de la vertu; elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie appliquée > aux plus pressants besoins de la patrie..... »

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