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sonnelle, ramena la Chambre et la commission, et l'article fut définitivement adopté en ces termes :

« Si les immeubles saisis ne sont pas loués et affermés, le saisi restera en possession jusqu'à la vente comme sequestre judiciaire, à moins qu'il n'en soit ordonné autrement par le président du Tribunal, sur la demande d'un ou plusieurs créan ciers, dans la forme des ordonnances de référé. — Les créanciers pourront néanmoins, après y avoir été autorisés par ordonnance du président, rendue dans la même forme, faire faire la coupe et la vente de tout ou partie des fruits pendants par racines. »

Enfin le troisième paragraphe a été voté en ces termes : « Les fruits seront vendus par le ministère d'officiers publics, et le prix déposé à la caisse des consignations dans le délai fixé par le président du Tribunal, » disposition qui exclut la possibilité de tout autre mode de vente que celle aux enchères, et par le ministère d'officiers publics.

Les art. 682, 683, restent tels que les avait adoptés la Chambre des pairs, sauf un changement insignifiant de rédaction qui a pour objet le renvoi aux art. 400 et 434 C. Pén, articles qui n'avaient pas été cités dans le premier projet.

La rédaction de l'art 684 a été passablement laborieuse et a subi divers remaniements; mais comme il s'agissait moins au fond de changer cette disposition que d'en exprimer clairement le sens et la portée, il suffit de la reproduire telle qu'elle a été définitivement adoptée. La voici : « Les baux qui n'auront pas date certaine avant le commandement seront annulés, si les créanciers ou l'adjudicataire le demandent. Néanmoins, si l'exécution de ces baux avait commencé avant cet acte, ils auront leur effet conformément aux art. 1736 et 1774 C. C. »

Les art. 686, 687, 688 et 689, relatifs aux droits du débiteur sur l'immeuble saisi, après la transcription de la saisie, ont été l'occasion d'une discussion plus importante.

Et d'abord, le saisi pourra-t-il hypothéquer son immeuble, lui qui ne peut pas l'aliéner? Le pourra-t-il au préjudice du saisissant, si celui-ci n'est qu'un simple créancier chirographaire? Sur ces deux points, la Chambre s'est prononcée pour l'affirmative, malgré les efforts de MM. Gaillard de Kerbertin et Lherbette. Ce dernier insistait surtout pour que le saisissant ne pût être primé en aucun cas pár un créancier hypothécaire postérieur à la transcription de la saisie.

Voici les observations de M. le garde des sceaux qui ont déterminé le vote de la Chambre.

M. Lherbette veut qu'après les créances inscrites au moment de la transcription de la saisie, arrivé un droit tout particulier, tout spécial, un droit qu'il créë, qu'il introduit en faveur d'une certaine classe de créanciers; il vous demande que le saisissant, même lorsqu'il n'est que créancier chiro

graphaire, l'emporte nécessairement dans l'ordre sur les créances hipothécaires, inscrites postérieurement à la transcription de la saisie, quoiqu'il reconnaisse avec vous au saisi la capacité de consentir ces mêmes hypothèques.

Pour repousser ce système, il ne faut pas, ce me semble, de longs développements. Vous ne pourriez l'adopter sans bouleverser notre système hypothécaire.

Je connais trois espèces de créances, et je n'en connais pas d'autres: les créances privilégiées, hypothécaires et chirographaires; c'est donc une quatrième nature de créance que vous créeriez.

On dit que l'équité peut démontrer la nécessité de créer de nouveaux droits. Non, messieurs, en pareille matière, quand il s'agit de préférence entre les créanciers, il faut se renfermer dans les dispositions de la loi existante.

Au surplus, cette question d'équité et de justice, on peut la résoudre dans un sens opposé à l'amendement.

Au moment où le saisissant opérait sa saisie, il devait connaître la nature de son titre ; s'il était créancier chirographaire, il devait savoir qu'il ne viendrait qu'après tous les créanciers hypothécaires, à quelque époque qu'ils eussent été inscrits, et en concurrence avec les créanciers chirographaires ordinaires. S'il n'y a pas hypothèque, il ne peut l'attribuer qu'à lui-même. En effet, il n'a pu poursuivre qu'en vertu d'une créance échue. Or, dans cette position, il pouvait se pourvoir devant les Tribunaux, obtenir un jugement, et, en vertu de ce jugement, prendre hypothèque, la faire inscrire, et venir dans l'ordre à la date de son inscription.

Voilà ce qu'il devait faire, s'il eût été prudent; s'il ne l'a pas fait, qu'il supporte les suites de sa négligence; mais qu'il ne vienne pas réclamer un droit qui ne repose sur aucune disposition de loi, et qui est même en contradiction formelle avec la nature de notre régime hypothécaire. On dira qu'il y a dureté : je dirai, moi, qu'il y a application des principes.

Ces deux premiers points tranchés, il restait à savoir si la consignation prescrite par l'art. 687 pour la validité de la vente consentie par le saisi postérieurement à la transcription, aurait pour effet de désintéresser les créanciers inscrits et le saisissant simple chirographaire; ou, en d'autres termes, si les deniers déposés seraient affectés spécialement aux créances inscrites et à celle du saisissant.

Pour la négative, on a dit que le but de la consignation n'était pas d'assurer nécessairement le paiement du saisissant et des créanciers inscrits, mais d'obtenir une garantie de la bonne foi, de la sincérité de la vente ; que, dans notre droit, la consignation n'était pas un paiement, si ce n'est quand elle est précédée d'offres réelles; que, d'ailleurs, la position des créanciers n'était pas fixée; que la validité de leurs titres n'avait point été vérifiée; que vouloir, dans ces circonstances, attribuer au saisissant même chirographaire et aux créanciers inscrits la somme consignée, c'était exposer l'acquéreur à payer deux fois, puis

qu'à la transcription de nouvelles inscriptions pouvaient être prises et une surenchère avoir lieu.

dit

naux.

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Dans l'opinion contraire, et c'est celle qui a triomphe, on a que le projet ne faisait que conserver le système établi par le Code de procédure et constamment appliqué par les Tribu-On a fait remarquer que, du moment qu'il existe une saisie, le saisissant, qui a mis l'immeuble sous la main de justice, doit naturellement espérer que, grâce à la chaleur des enchères, le prix sera assez élevé pour qu'il touche le montant de sa créance. Ce n'est pas une certitude, mais c'est une expectative fondée sur un droit garanti par la loi. Que si donc on permet une aliénation volontaire, au lieu d'une adjudication publique, il faut que ce soit à la charge de désintéresser le saisissant. N'estce pas lui d'ailleurs qui s'est mis à la tête de la poursuite, qui s'est exposé à toutes les chances, à tous les désagréments d'une procédure aussi compliquée? N'est-ce pas lui qui fait l'avance des frais et à la charge duquel ils doivent rester, si l'instance est annulée? L'espèce de privilége qu'on lui reconnaît n'est donc que le juste dédommagement des chances auxquelles il s'est exposé il y aurait injustice manifeste à le laisser sur la même ligne que les autres créanciers chirographaires; sa situation est infiniment plus favorable.

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C'est ce dernier système, nous le répétons, qui l'a emporté. L'une des plus graves questions qui aient surgi dans la discussion a été soulevée par M. Croissant, dans la séance du 11 janvier. Il s'agissait de savoir si l'adjudication de l'immeuble saisi purgerait les hypothèques légales.

Dans l'exposé des motifs, M. le garde des sceaux avait regretté qu'il n'en fût pas ainsi; mais il pensait qu'une modification aussi essentielle aux dispositions du Code civil ne pouvait trouver place dans un projet relatif à la procédure en matière d'expropriation.

La commission de la Chambre des pairs ne partagea pas ce scrupule, et proposa de faire remplir par le saisissant, pendant le cours des poursuites, les formalités de purge des hypothèques légales. Cet amendement de la commission fut repoussé par la Chambre, sur les observations de MM. Portalis et Laplagne.

Reproduite par M. Croissant devant la Chambre des députés, la proposition n'a pas obtenu meilleur accueil; elle n'a pas même eu, malgré sa gravité, son importance, les honneurs d'une véritable discussion. Nous le déplorons, car c'est certainement une innovation digne de l'attention de nos législateurs. On peut en juger par les développements que l'auteur de l'amendement avait présentés à l'appui de son système.

Le Code civil, a dit M. Groissant, distingue plusieurs espèces d'hypothé ques,

Les hypothèques conventionnelles, qui sont consenties librement par un débiteur en

en faveur de son créancier;

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Les hypothèques judiciaires, qui résultent d'une condamnation en jugement;

Les hypothèques privilégiées, qui appartiennent aux vendeurs d'immeubles.

Toutes ces hypothèques, sans exception, doivent être rendues publiques pour avoir leur effet.

Il y a, enfin, une quatrième espèce d'hypothèques, qu'on appelle les hypothèques légales. Celles-là, par une faveur toute spéciale de la loi, sont dispensées d'inscription: ce sont celles qui appartiennent aux femmes mariées, aux mineurs ou aux interdits.

La loi les protége, parce qu'ils ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits et qu'ils ne peuvent agir par eux-mêmes,

Le Code civil a tracé les formalités qu'il faut suivre pour purger cette dernière espèce d'hypothèques,

L'acquéreur dépose son contrat au greffe du Tribunal civil. Il en fait notifier le dépôt à la femme, au tuteur et au procureur du roi, qui peut former des inscriptions dans leur intérêt ; et s'il n'en intervient aucune dans le délai de deux mois, l'immeuble vendu est affranchi de ces hypothèques légales.

Voilà toutes les formalités indiquées par le Code civil.

:

On voit que l'acquéreur ne peut les remplir que lorsqu'il connaît les femmes et les mineurs, et nullement quand ils lui sont inconnus. Cette lacune a été cómblée par un avis du Conseil d'Etat sous la date đu 1o juin 1807. Il dispose que, dans ce cas, il suffira que l'acquéreur déclare dans la notification faite au procureur du roi, qu'il va faire publier l'extrait de son contrat dans un des journaux du département, afin que ceux du chef desquels I peut y avoir des hypothèques soient tenus de les faire inscrire dans le délai de deux mois, passé lequel l'immeuble en sera affranchi.

Il est aisé de voir, en lisant le Code, que ces formalités ne s'appliquent qu'aux aliénations volontaires.

Ces expressions vendeur, acquéreur, contrat, notaire, femme du vendeur, ne s'appliquent point évidemment aux adjudications forcées où il n'y a pas de vendeur, mais une partie saisie et un poursuivant; pas de notaire ni d'acquéreur, mais un Tribunal qui adjuge et un adjudicataire.

J'ai donc raison de soutenir que les formalités de la purge ne concerpent pas les adjudications sur saisie immobilière.

Le Code de procédure civile n'est pas plus explicite; mais comme il passe immédiatement de l'adjudication définitive à la distribution du prix, on en a conclu, par induction, que le jugement d'adjudication purge les hypothèques légales.

Et en effet, messieurs, c'était le droit commun de la France. Dans l'ancien droit, le décret forcé purgeait toutes les hypothèques sans distinction. Il en a été de même sous le nouveau régime hypothécaire. Toujours, depuis 1804, époque de la publication du Code civil sur les hypothèques, les Tribunanx et la Cour de cassation ont jugé, jusqu'en 1853, c'est-à-dire pendant vingt-neuf ans, que la purge des hypothèques légales résultait du jugement d'adjudication sur saisie réelle.

Cette jurisprudence n'a changé que depuis 1833; mais comme elle peut changer de nouveau, à la suite de mutations dans le personnel de cette Cour, je pense qu'il ne faut pas abandonner une doctrine ancienne et constamment suivie depuis des siècles à la mobilité de la jurisprudence, et qu'il ne faut pas laisser passer l'occasion qui se présente d'en poser le principe dans une disposition du projet de loi.

La majorité de votre commission n'a pas adopté cette opinion. Elle veut maintenir le régime actuel. Le moment est donc venu pour moi de mettre en présence les deux systèmes, d'exposer les avantages ou les inconvénients de l'un ou de l'autre, afin que la Chambre puisse choisir celui qui lui paraîtra préférable.

Depuis 1833, l'adjudicataire sur saisie immobilière est obligé de déposer l'expédition du jugement au greffe du Tribunal où il se trouve déjà en minute, et de remplir ensuite les autres formalités qui sont prescrites par le Code civil pour les ventes volontaires, et par l'avis du Conseil d'Etat du a er juin 1807.

Și un créancier à hypothèques légales s'avise de former une inscription qu'il aura négligée pendant un long espace de temps, il acquiert le droit de surenchérir encore, bien que le projet de loi autorise déjà une surenchère dans la huitaine de l'adjudication. Il y a plus; un autre créancier à hypothèque légale pourrait encore se présenter et user du même droit, car ce n'est qu'en matière d'aliénation volontaire qu'une seconde surenchère est interdite.

On me dira peut-être que ce cas ne se présentera pas. Je réponds que, si on laisse subsister le droit, il pourra être exercé.

Ainsi, messieurs, le projet a pour but, 1o de diminuer les frais, et les frais seront augmentés; 2o d'abréger les délais afin que le créancier puisse recouvrer plus promptement sa créance, et l'on prolonge la procédure. N'estil pas évident pour tout le monde que ce but louable sera totalement manqué, et que pour mettre fin à cette longue et ruineuse involution de procédure, il est nécessaire d'écrire dans la loi la disposition que je propose?

Après avoir fait voir à la Chambre les graves inconvénients du régime actuel, je demande la permission d'exposer les améliorations et les avantages que mon amendement renferme.

Dans mon système, messieurs, les formalités que prescrit le Gode civil doivent être observées dans la poursuite de saisie immobilière, et je les fortifie encore par de nouvelles dispositions qui sont de nature à tranquilliser tous les esprits sur le sort des hypothèques légales.

Ainsi la publication qui est ordonnée par l'avis du Conseil d'Etat du 1er juin 1807, et que la commission de la Chambre des pairs n'avait pas regardée comme nécessaire, devra toujours être faite dans un des journaux qui sont désignés dans l'art. 696, parce qu'il m'a paru qu'elle était prescrite dans un but spécial qui devait être d'autant moins négligé qu'elle est l'acte le plus efficace pour avertir de la poursuite et de l'adjudication ceux qui peuvent avoir des hypothèques légales sur les précédents propriétaires.

Je ne m'arrête pas là. Je demande que, dans les circonstances prévues par les art. 703 et 715 du projet, le procureur du roi vérifie si toutes les formalités ont été observées, notamment en ce qui concerne les hypotheques légales, et qu'il requière la suspension et même la nullité de la pour

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