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Circulaire de M. le garde des sceaux relative à la délivrance des congés aux membres de l'ordre judiciaire.

« Monsieur, je remarque avec peine que les règles relatives à la délivrance des congés aux membres de l'ordre judiciaire ne sont pas complétement observées dans tous les ressorts. J'aime à penser qu'il me suffira de les rappeler pour assurer partout leur scrupuleuse observation. Je me propose de vous adresser prochainement une circulaire générale qui présentera, dans leur ensemble, les diverses prescriptions établies, soit par les lois et règlements, soit par des instructions émanées de mes prédécesseurs, sur l'obligation de la résidence pour les magistrats, sur les absences, les vacances et les congés.

Mais, sans attendre la translation de cette circulaire, je crois devoir dès à présent réclamer le concours de vos efforts pour arrêter un abus que je ne peux trop tôt faire cesser. Un grand nombre de magistrats demandent des congés pour venir à Paris solliciter de l'avancement; ce n'est pas là un motif légitime d'absence. Un de mes prédécesseurs a interdit d'accorder des congés pour un pareil but; cette règle n'est point observée. Je la rétablis expressément, parce que son maintien importe à la dignité de la magistrature autant qu'au bien du service. La prompte expédition des affaires dépend, en effet, de l'assiduité des magistrats à remplir leurs devoirs. Il leur appartient de donner l'exemple salutaire de la soumission à cette première règle de la discipline. La considération, l'influence de l'ordre judiciaire y sont éminemment intéressées.

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Le dévouement au roi et à nos institutions, le zèle la pour justice, l'accomplissement de tous les devoirs, la moralité, l'instruction, le talent, l'ancienneté des services, tels sont les véritables titres à l'avancement, les seuls dont je doive, dont je veuille tenir compte. Les magistrats n'ont point à craindre que ces titres puissent être ignorés ou méconnus par moi. Il est du devoir des chefs des Cours royales de me les signaler, non-seulement dans les présentations qu'ils ont à me transmettre aussitôt qu'il existe une vacance, mais toutes les fois que l'occasion s'offre à eux de me fournir des renseignements utiles sur le personnel de leur ressort. Il est tenu note exacte, à la chancellerie, de leur témoignage.

« Les sollicitations personnelles des magistrats ne sauraient y rien ajouter; elles seraient, au contraire, l'indice fâcheux d'un manque de confiance dans la valeur de leurs titres ou dans l'impartialité de leurs chefs. S'ils ont des explications à me donner, ils doivent me les adresser par écrit : elles seront examinées avec l'attention bienveillante que le chef de l'ordre judiciaire ne peut manquer d'accorder à tout ce qui intéresse les membres de cet ordre.

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Vous voudrez bien m'accuser réception de cette circulaire, en donner connaissance aux magistrats qu'elle concerne, et veiller à ce qu'elle soit ponctuellement exécutée.

Recevez, etc.

« Le garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes « Du 7 janvier 1841.

MARTIN (du Nord).»

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- Nyllité.

Délégation.
Jugement interlocutoire.

1o Lorsque, aux termes des art. 255 et 1035 C. P. C., une Cour royale commet un juge de paix pour faire une enquête, celui-ci ne peut y procéder hors du territoire de son canton, et excède ses pouvoirs en entendant les témoins sur les lieux litigieux situés hors de

son canton.

2o Il importerait peu que ces lieux fussent d'ailleurs situés dans le territoire du ressort de la Cour; mais, dans tous les cas, l'enquéte est nulle, si ces lieux sont hors de ce ressort.

3o L'enquête annulée pour ce motif ne doit pas étre recommencée aux frais du juge : à ce cas n'est pas applicable l'art. 292 C. P. C. 4° Quoique, dans un arret interlocutoire, les juges aient déclaré des tires insuffisants pour établir le droit réclamé et aient ordonné une enquête pour les compléter, ils peuvent pour l'arrêt définitif, s'ils annulent l'enquête faite, puiser leur décision dans ces mêmes titres et les déclarer suffisants.

(De Galard C. Monset.) - ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que le juge de paix de Moissac, devant lequel les héritiers de Galard devaient, d'après les dispositions de l'arrêt interlocutoire, faire leur enquête, a procédé hors des limites du territoire où s'étend sa juridiction, quand il a entendu les témoins sur les lieux contentieux qui sont situés dans le canton de Valence-d'Agen; qu'il était sans attributions pour exercer en ce lieu un acte de son ministère de juge, que la Cour n'aurait pu lui donner ce pouvoir, puisque la délégation qu'elle peut faire, aux termes des art. 255 et 2055 C. P. C., ne doit avoir pour objet qu'un magistrat, et que celui-là seul est investi de la magistrature qui se trouve dans les limites du ressort dans lequel la loi lui reconnaît autodans l'étendue de sa propre juridiction, rité; que prétendre que la Cour apu, déléguer ses pouvoirs à un juge de paix en dehors du canton où il juge,

serait vouloir qu'elle eût un droit d'institution qui n'appartient à personne, la loi ayant elle-même, en ce qui tient à la circonscription territoriale, posé les bornes de la juridiction;

Qu'en vain on voudrait faire une distinction entre le cas où le juge de paix est appelé à statuer en vertu de sa propre autorité sur les différends des parties, et celui où il a reçu seulement d'un Tribunal supérieur charge de recueillir les faits qui doivent servir de base à la décision de celui-ci ; que dans l'un comme dans l'autre cas, en effet, c'est sa qualité de juge qui lui donne le droit de remplir ou permet de lui déléguer le pouvoir en vertu duquel il agit; qu'incontestablement la Cour n'aurait pas pu confier la mission de faire l'enquête à un autre magistrat ; qu'alors que le caractère de la magistrature ne fait impression sur le juge de paix que dans son canton, et que le droit d'institution n'appartient pas plus à la Cour pour étendre la juridiction que pour la créer, elle n'aurait pas pu davantage donner délégation au juge de paix de Moissac de procéder à Valence-d'Agen, qu'à un particulier de faire une enquête en quelque lieu que ce soit;

Qu'ainsi dans le cas où l'on voudrait trouver, dans l'arrêt qui a nommé le juge de paix commissaire pour recueillir la preuve offerte par les héritiers de Galard, le droit d'entendre les témoins en quelque lieu que ce fût du ressort de la Cour, il faudrait reconnaître que les pouvoirs ont été excédés et qu'il faut annuler l'enquête faite sans le consentement et malgré les protestations de Monset hors de la juridiction du juge de paix commis;

Mais attendu que telle n'avait pas été la mission donnée par la Cour; que le choix du juge n'emportait pas nécessairement l'obligation de se transporter sur les lieux litigieux, que lorsqu'il pouvait entendre les témoins dans l'étendue de sa circonscription, le pouvoir qui lui avait été donné devait s'entendre en ce sens qu'il serait exercé dans les limites de la juridic tion dévolue par la loi ;

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Attendu que si le juge de paix devait connaître les bornes de ses droits, et s'il a eu tort de procéder dans un lieu où il était sans pouvoir, ce n'est point là une des fautes qui doivent, aux termes de l'art 292, faire recommencer l'enquête à ses frais; que cet article nereçoit application, en effet, que dans le cas où le juge, soit par l'inobservation des formalités qui lui sont prescrites, ou par quelque acte spontané de son ministère qui n'est pas du fait des parties, qu'elles n'ont pas dû prévoir ou qu'elles n'ont pas pu empêcher, commet une nullité qui prend naissance dans un fait qui lui est purement personnel;

Mais qu'alors que ce fait a été provoqué par la partie, elle est irrecevable à faire remonter jusqu'au juge des conséquences qu'elle doit s'imputer; que c'est précisément ce qui a eu lieu dans la cause où les héritiers de Galard ayant présenté requête, tendant à ce que les témoins fussent entendus sur les lieux, la nullité, provenant de l'admission de leur demande, n'est point une faute qu'ils puissent attribuer au commissaire de l'enquête; qu'elle est bien la leur; que dès lors il ne saurait y avoir lieu d'appliquer l'art. 292 pour dire que l'enquête sera recommencée;-Au fond, attendu que si la Cour, dans les motifs de son arrêt interlocutoire, a énoncé que les titres ne lui semblaient point prouver suffisamment le droit à la propriété, elle ne les a ni annulés ni rejetés du procès; qu'alors que le complément de lumières qu'elle avait attendu de la preuve testimoniale lui manque par l'annulation

de l'enquête, elle peut toujours puiser sa décision dans l'appréciation des actes;

Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, et vidant l'interlocu toire; réformant, ordonne de plus fort l'exécution du jugement attaqué, condamne Monset aux dépens,

Du 2 janvier 1841.3 Ch.

COUR DE CASSATION.

Autorisation de femme mariée. Conseil judiciaire.-Exception. - Sursis,

1° La femme mariée ne peut être autorisée à ester en justice par son mari pourvu d'un conseil judiciaire. Mais le défaut d'autorisation valable ne peut être opposé par l'adversaire de la femme. (C. C., art. 222 et 225.) (1)

par une

lieu seu

2° Il n'est pas nécessaire que, dans les poursuites exercées femme mariée, l'autorisation précède ces poursuites; il y a lement de la part du Tribunal à surseoir jusqu'à ce qu'elle ait obtenu l'autorisation (2).

(Dubois-Beaulieu C. Guermand,) — ARRÊT.

LA COUR: Vu les articles 215, 222 et 225 C, C.; — Attendu que, s'il est vrai, ainsi que l'a jugé le Tribunal de Fougères, que celui qui ne peut plaider sans l'assistance d'un conseil judiciaire n'a pas mieux capacité pour autoriser valablement sa femme à ester en jugement, il est vrai aussi que la nullité fondée sur le défaut d'autorisation de la femme ne peut, d'après l'art. 425 C. C., être opposée que par elle, son mari ou ses héritiers; Attendu, d'ailleurs, et dans tous les cas, que le Tribunal de Fougères, au lieu d'accueillir l'exception opposée à la dame Dubois-Beaulieu, aurait dù surseoir à prononcer jusqu'à ce que l'autorisation lui eût été légalement conférée; qu'en la déclarant purement et simplement non recevable, ce Tribunal a faussement appliqué les art. 215 et 222 C. C., et essentiellement violé l'art, 225, même Code; - CASSE,

Du 11 août 1840. - Ch. Civ.

(1) V. J. A., t, 47, p. 460, un arrêt conforme de la Cour royale de Paris, Contrà Duranton, t. 2, no 506.

(2) La jurisprudence de la Cour de cassation estfixée en ce sens par un grand nombre d'arrêts rapportés au J. A., t. 5, p. 25, no 10, p. 17, n° 3, t. 13, p. 271, no 337; t. 55, p. 35, et t. 46, M. Boncenne (t. 3, p. 135 p. 151.et suivantes) paraît professer une opinion contraire.

-

COUR ROYALE DE TOULOUSE.

Avocat.-Conseiller de préfecture. Incompatibilité. — Appel.

Recevabilité.

1o L'appel est recevable contre les décisions du conseil de discipline de l'ordre des avocats qui rayent du tableau certains membres de l'ordre comme exerçant des fonctions incompatibles avec la profession d'avocat.

20 Il n'y a pas incompatibilité entre les fonctions de conseiller de préfecture et la profession d'avocat.

(MMes Tajan et Fourtanier C. le conseil de l'ordre des avocats de Toulouse.)

MMes Tajan et A. Fourtanier, conseillers de préfecture à Toulouse, avaient été rayés du tableau de l'ordre des avocats, pour cause d'incompatibilité, par une décision du conseil de discipline du 12 novembre 1840. Ils ont relevé appel de cette décision.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu, en règle générale, que l'appel est de droit commun, qu'il est recevable, à moins d'une disposition formelle qui l'interdise ; que, dans l'espèce, la non-recevabilité de ce recours interjeté par les appe lants ne résulte d'aucun texte de loi ;

Attendu, au fond, que c'est en substituant aux termes précis et absolus de l'art. 42 de l'ordonnance du 20 novembre 1822, des interprétations et des analogies que le conseil de discipline de l'ordre des avocats essaie d'établir l'incompatibilité entre les fonctions de conseiller de préfecture et la profession d'avocat : l'ordonnance de 1822, en effet, ne déclare les fonctions d'avocat incompatibles qu'avec celles de l'ordre judiciaire, et si le législa teur eût voulu l'établir avec des fonctions de conseiller de préfecture, ou de juge de l'ordre administratif, il l'aurait exprimé sans doute, comme il l'a prononcé pour les secrétaires généraux de préfecture', alors qu'il réunirait toutes les incompatibilités;

par

Attendu que la même ordonnance, par sentiment de la noblesse de la profession d'avocat, n'a pas voulu qu'on pût la ravaler l'exercice des emplois à gage; qu'il ressort de ces expressions mêmes qu'elles ne s'appliquent qu'à des emplois qui entraînent l'idée de domesticité, et non aux rétributions ou traitements que reçoivent honorablement de l'Etat tous les fonctionnaires publics;

Attendu que les incompatibilités doivent être restreintes dans le cercle que la loi a tracé et que le conseil de discipline de l'ordre des avocats ne pouvait pas l'étendre en imposant à MM Tajan et Fourtanier l'obligation de renoncer dans la quinzaine à la qualité de conseiller de préfecture, leur

es

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