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« Le Tribunal déclare tardive et inopérante la proposition des moyens de nullité faite à la requête des syndics.»

Sur l'appel, dans l'intérêt des syndics, M Huré, se fondant sur l'art. 1033 C. P. C., prétend que la franchise des jours n'existe qu'en faveur des ajournements, citations et autres actes à personne ou domicile. Ce mode de supputation est une pure exception. Or, toute exception suppose une règle contraire, et cette règle c'est que, pour tous actes non exceptés, les jours se fractionnent et comptent dans les délais impartis pour l'accomplissement des formalités. Le dies à quo, de l'avis même des docteurs,était anciennement compté dans les délais de procédure, et ce ne fut qu'un usage postérieur qui l'en avait fait retrancher; mais il n'en fut jamais ainsi du dies ad quem (V. sur ce point Guy Pape, Ranchin, Dumoulin, Tiraqueau; Merlin, Rép, vo Délai, § 3, sect. 3). C'est pour déroger à cette règle, mais en matière d'ajournement seulement, qu'a été édicté l'art. 6, tit. 3, de l'ordonnance de 1667, dont la disposition fut transportée dans l'art. 1033 C. P. C., avec un nouveau degré de clarté et de précision. (V. Bornier, Conférences, t. 2, p. 25.)

L'argument à contrario, qui se déduit du texte de l'art. 1033, c'est que les actes d'avoué à avoué, qui se font sans aucune espèce d'interpellation à partie, ne jouissent pas de la franchise des jours. Aussi cette vérité est elle mise hors de controverse par l'assentiment de tous les auteurs. (V. Pigeau, 2e édit., t. 2, pages 340, 370; Berriat Saint-Prix, t. 2, p. 146; Bioche, vo Délai, n. 18; Cassation, 27 février 1815; J. A t. 2, p. 581.)

La loi du 2 juin 1841 n'est pas une loi à part, en dehors de - l'économie de notre législation; elle est venue au contraire prendre son rang, sa place et jusqu'à ses numéros d'ordre dans notre Code de procédure, dont elle n'est qu'une révision partielle; elle doit donc subir par suite la discipline de ses règles fondamentales, et reconnaître notamment l'empire de la disposition générique de l'art. 1033 de ce Gode. Or, d'après l'art. 718 de la loi de 1841, c'est par un simple acte d'avoué à avoué que se fait, en vertu de l'art. 728, la notification des moyens de nullité qui ne sont qu'une exception contre la demande (la saisie), sans qu'il soit même besoin, comme dans le cas de l'art. 261 C. P. C., en matière d'enquête, de donner ajournement à la partie au domicile de l'avoué. (V. arrêts de cassation des 11 janvier 1815 et 28 janvier 1826; J. A., t. 30, p. 352.) Le seul argument que propose le jugement dont est appel, c'est celui tiré de la lettre de l'art. 728, trois jours au plus tard avant ; mais s'il est incontestable qu'en procédure les jours ne sont francs que par une exception qui doit être nécessairement écrite dans la loi, la lettre elle-même se tournera contre l'interprétation donnée par les premiers juges, puisque le législateur de 1841 n'a pas parlé de trois jours francs, mais de trois jours purs et simples de pro

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cédure, c'est-à-dire de trois levers du soki¦ entre l'acte signifié et l'échéance du délai, C'est au reste en ce sens que la Cour de cassation et les Cours du royaume ont toujours interprété les textes de l'ancienne loi de l'expropriation rédigés en termes absolument identiques : quinzaine avant, huitaine avant. On peut consulter notamment sur l'art. 697 de l'ancien Code l'arrêt de Rennes du 29 novembre 1819 (J. A., t. 20, p. 549); l'arrêt de Cassation du 26 janvier 1831 (J. A., t. 40, p. 294); sur l'art. 703 l'arrêt de Paris du 6 juillet 1812 (J. A., t. 20, p. 370); l'arrêt de Cassation du 4 mai 1825 (J, A,, t. 30, p. 145). V. aussi Thomine Desmazures, p, 238, n. 780; Huet, Traité de la saisie immobilière, t. 2, p. 11.

Un autre argument est mis en avant. C'est que la signification ayant eu lieu le 8 septembre, à six heures du soir, il ne se serait pas même écoulé trois fois vingt-quatre heures jusqu'à l'échéance du délai; mais cet argument est sans force en face de cette règle élémentaire qu'à moins d'exception formelle, les délais en procédure se comptent par jour et non par heure. (V. BerriatSaint-Prix, p. 249; Bioche, v° Délai, n. 24.) D'ailleurs ce n'est pas la fraction du dies à quo, mais celle du dies ad quem qui tient dans le délai la place du jour.

L'avocat fait observer en terminant qu'il y aurait d'autant plus d'injustice à s'éloigner, dans l'interprétation de la loi de 1841, des règles antécédentes, qu'il s'agit dans ce cas de prononcer une déchéance, tant de la forme qu'au fond, contre le saisi qui ne fait qu'user du droit sacré de la défense en proposant ses moyens de nullité contre l'attaque, la saisie immobilière.

A ces moyens, M. Dupont, dans l'intérêt de l'intimé, oppose que, s'il est vrai que l'art. 1033 semble établir pour les actes en général une règle de supputation de délais autre que celle qu'il consacre pour les ajournements, il était néanmoins loisible au législateur d'étendre l'exception à d'autres cas et d'imposer la franchise des jours à d'autres actes qu'il indiquerait. C'est ce qu'il a fait dans l'art. 728 de la nouvelle loi des expropriations, en imposant au saisi l'obligation de notifier ses moyens de nullité trois jours au plus tard avant la publication du cahier des charges. Or, toutes les fois que la loi se sert de ces mots : un ou plusieurs jours avant, ce sont des jours pleins, des espaces de vingt-quatre heures qu'elle a voulu accorder. Nous en avons des exemples dans les textes du Code de procédure, notamment dans les art. 260, 261, 583 et 673, relativement auxquels, laissant de côté même la disposition de l'art. 1033, les interprètes, MM. Berriat, Dalloz, démontrent par la seule force de la logique et du raisonnement que ce sont des jours francs que la loi a voulu octroyer. Le texte de la nouvelle loi est clair et précis, trois jours avant la publication, cela veut dire nécessairement trois jours pleins avant le jour de la publication. Si l'équivoque pou

vait encore exister, elle se trouverait levée par le commentaire anticipé que fournit la discussion des Chambres à la nouvelle loi. (Voir notamment le rapport de M. Laplagne-Barris, Moniteur du 25 avril 1841; de M. Pascalis (23 juin); l'opinion émise et le mode de calcul adopté par M. Dussolier (13 juillet 1841). Il résulte donc à l'évidence de cette discussion que c'est un délai utile de trois jours pleins après la notification des moyens de nullité qu'a voulu accorder la loi nouvelle au saisissant pour préparer ses moyens de défense.

M. Devink, substitut du procureur général, conformément au système de l'appelant, a pensé que la loi nouvelle ne contenait pas d'exception claire et formelle aux principes généraux du Code de procédure, qui n'accorde que par exception les jours francs. Il a conclu, en conséquence, à l'infirmation de la sentence des premiers juges.

Après un long délibéré, la Cour a rendu l'arrêt suivant :

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le texte de l'art. 728 G. P. G., comparé avec celui des art. 654 et 725 du même Code et expliqué par la discussion qui en a préparé l'adoption, ne permet pas de douter que par ces mots : « trois jours au plus tard avant, uniformément reproduits dans ces trois articles, le législateur ait imparti un délai de trois jours utiles; que ce délai était nécessaire, notamment au saisissant, pour préparer sa défense aux moyeus de nullité proposés contre la saisie;

Adoptant au surplus les motifs des premiers juges, met l'appellation au néant, etc.

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1° Une inscription de faux incident civil ne peut pas être formée par voie d'action principale (1).

2o Une partie qui dans le cours d'une instance a demandé et oblenu acte de ses réserves aux fins d'une inscription de faux incident, a le droit de prendre cette voie, lorsque ses autres moyens ont été rejelés par jugement et arrét (2).

(1) Nous avons développé notre opinion sur cette question, t. 2, p. 375, no 863 des Lois de la procédure civile, 3o édit.

(2) Cette question nous a paru fort grave; ce n'est qu'après une trèslongue hésitation que nous nous sommes rendus à l'opinion de la Cour de cassation et de la Cour de Toulouse. CHAUVEAU-ADOLPHE.

(Débent C. Roques et Fautrjer.)

Le sieur Débent intente une action en partage contre Roques et Fautrier, héritiers avec lui du sieur Dézangles, décédé. Ceux ci opposent un testament qui les institue légataires universels; mais Débent attaque le testament comme nul en la forme, et pour vice de captation et de suggestion; il déclare en outre se réserver l'inscription de faux.

19 juillet 1832, le Tribunal de Mirande rend un jugement qui rejette les moyens de nullité, et donne acte au sieur Débent de ses réserves en inscription de faux.

16 mars 1833, sur l'appel, arrêt de la Cour royale d'Agen qui, après partage, confirme.

Quelques années après, le sieur Débent, voulant mettre à profit ses réserves pour l'inscription de faux, donne à ces fins citation devant le Tribunal de Mirande.

10 février 1836, jugement qui déclare l'inscription irrecevable, comme n'étant pas incidente, et malgré ses réserves, dont on aurait dû faire usage pendant le cours de la première instance. Appel, et le 8 décembre 1836, arrêt de la Cour royale d'Agen, qui confirme, en adoptant les motifs des premiers juges.

Pourvoi, et le 21 avril 1840, arrêt de la chambre civile qui casse, et qui renvoie l'affaire devant la Cour royale de Toulouse. (V. le texte de l'arrêt, J. A., t. 59, p. 507.)

Après les plaidoiries de MM. Mazoier, Décamp et Fourtanier, M. le procureur général Plougoulm a porté la parole et soutenu avec force la doctrine de la Cour de cassation.

La première question, a dit M. Plougoulm, après un exposé des faits, clair autant que rapide, se résout facilement par les principes du Code de procédure. L'art. 214 C. P. C. ne parle que de pièces signifiées, communiquées ou produites; l'art. 215 veut qu'il soit fait une sommation de venir déclarer si l'on se propose de faire usage de la pièce, la pièce qui est connue, qui a été communiquée, signifiée ou produite; l'inscription de faux ne peut être donc qu'incidente, aussi le Code de Procédure pour les matières civiles ne s'occupe que du faux incident. C'est la nature des choses qui le veut ainsi, puisqu'il ne peut pas y avoir d'action contre un acte, s'il existe, resté inerte et caché; de fin de non-recevoir contre une partie qui n'agit pas et ne fait aucune demande. Telle est la raison pour laquelle l'art. 3 C. I. C. ne reçoit pas d'application dans cette matière; le faux, à la différence des autres crimes ou délits, ne cause pas de dommage par le fait lui-même, mais simplement par l'usage, la production de l'acte faux; il est donc nécessaire d'attendre qu'une demande soit formée sur le fondement de cet acte, pour s'y opposer et prendre incidemment à cette demande la voie de l'inscription de faux.

Du reste, cette questión, fort importante en droit, n'est qu'accessoire au procès, malgré la solution négative qui doit lui être donnée le fait des réserves demandées et obtenues conserve l'action aux consorts Débent.

:

La Tribunal de Mirande ne pouvait juger sur l'inscription de faux en même temps que sur les demandes en nullité, puisqu'on doit dans le premier cas suivre des procédures particulières et différentes.

L'action des consorts Débent se compose de deux parties: 1° l'action actuelle et directe en nullité; 2° les réserves pour une action impossible actuellement, mais éventuelle en inscription de faux.

Et ces réserves étaient faites, pour éviter, après l'arrêt définitif sur les demandes en nullité, de retomber dans une seconde impossibilité, résultant de ce qu'il n'y aurait plus d'instance pendante dans laquelle on pût entrer incidemment.

Le jugement a dû prononcer sur cette demande; quant à la première, il a débouté le demandeur, mais quant à la seconde, il a donné acte des réserves, et c'est ainsi que l'inscription de faux se lie à la première instance; qu'elle est comme implantée dans le jugement, et après l'appel, dans l'arrêt qui a reçu force de chose jugée.

La demande principale, c'était l'action en partage. On a opposé un testament; Débent repousse les prétentions de ces cohéritiers par deux genres de moyens différents: moyens de nullité, et moyens en inscription de faux; mais ces moyens ne peuvent se juger que séparément. Après les premiers, vient l'inscription de faux qui, par sa nature, est liée incidemment à la demande en partage, par la puissance du juge, à l'action en nullité.

C'est là ce que la partie a voulu demander et ce que le juge a voulu accorder. Quel eût été le sens des réserves s'il avait fallu s'en servir pendant la première instance? On n'en avait nul besoin, puisque la loi confère ce droit; mais elles auraient été inutiles, dans l'espèce, puisque le Tribunal était déjà saisi d'une action qui devait être jugée la première, et dans tous les cas il était sage d'attendre le sort d'un premier moyen, avant de hasarder le second, beaucoup plus périlleux, plus long et plus dispendieux, qui ne pouvait être jugé simultanément et par même juridiction.

ARRÊT.

la

LA COUR ; — Attendu que, s'il faut reconnaitre avec les principes et la jurisprudence qu'en dehors d'une instance introduite au principal contre un testament attaqué pour cause de suggestion, captation et incapacité de témoins instrumentaires, ces moyens de nullité définitivement évacués par

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