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LE TRAVAIL D'HISTOIRE MODERNE EN PROVINCE

Bourgogne

ANNÉE 1904

L'organisation du travail. L'organisation du travail historique en Bourgogne vient d'être décrite, dans son ensemble, par M. A. Kleinclausz, au cours de l'étude si abondante en renseignements qu'il a consacrée à la Bourgogne dans la Revue de Synthèse historique. Nul n'était mieux placé que l'auteur de cette monographie pour entreprendre une pareille enquête et pour en formuler avec autorité les résultats 2. A la lecture de cet important mémoire, on sera surtout frappé des lacunes que signale M. Kleinclausz dans le domaine de l'histoire moderne, et l'on sera peut-être quelque peu surpris du nombre des « sujets à traiter » dont il met impitoyablement l'énumération sous les yeux des travailleurs.

Ces desiderata rassureront du moins ceux dont la bonne volonté est encore disponible. La liste vient d'autant plus à son heure que la période moderne prend une place chaque jour plus considérable dans les préoccupations de tous.

Heureusement, la mise en état des fonds révolutionnaires dans les divers dépôts officiels d'archives commence à rendre possible l'étude scientifique d'une période particulièrement attirante pour nos contemporains, mais aussi particulièrement difficile à débrouiller. Pour en venir à bout, la collaboration étroite des compétences les plus diverses et la division méthodique du travail sont également nécessaires. Ce sont précisément les conditions qu'auront chance de réaliser, dans une large mesure, les Comités spéciaux créés dans les départements pour élucider l'histoire économique de la Révolution. Comme les autres départements de France, les départements bourguignons ont vu se constituer et même se réunir leurs Comités il est donc légitime d'en espérer, dès maintenant, les

1. Année 1904-1905. Tirage à part, Paris, L. Cerf, 1905, in-8, 81 p.

2. M. Kleinclausz n'a quitté qu'au mois de novembre 1904 la Faculté des lettres de Dijon, où il occupait la chaire d'histoire de la Bourgogne et de l'art bourguignon.

meilleurs résultats, si, toutefois, les ressources matérielles indispensables au succès de l'entreprise ne leur font pas défaut.

Aussi bien, n'est-ce point la seule innovation du même ordre qui mérite d'attirer l'attention. L'Université de Dijon, profitant d'une circonstance favorable, a décidé, de son côté, d'enrichir son programme par la création d'un Cours complémentaire d'histoire de la Révolution en Bourgogne, et ce cours a été inauguré durant l'année scolaire 1904-1905. Les études révolutionnaires en province jouissent, en ce moment, du double privilège de la nouveauté et de l'actualité : grâce au nouvel enseignement, les étudiants de Dijon ont, en outre, l'inestimable avantage d'être guidés par un spécialiste éminent dans le défrichement des séries révolutionnaires et aussi dans l'application de la méthode historique à l'utilisation de ces séries.

N'eût-elle apporté que ces précisions et ces éléments nouveaux au travail scientifique, l'année 1904 serait déjà une année d'abondance. Mais il y a plus. L'enseignement supérieur ne saurait faire oublier l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire, même lorsqu'il s'agit de décentralisation. Le Conseil général de la Côte-d'Or a pris, à ce sujet, une initiative qui ne saurait être trop hautement approuvée : il a émis le vœu qu'au lycée et à l'école primaire il fût fait une place au passé bourguignon dans l'enseignement historique. Ce vœu original a donné lieu, tout d'abord, à un échange de vues entre le département, les sociétés locales et l'Université 2. Puis, pour donner le plus de garanties possibles à l'application d'une idée jugée fort ingénieuse, il a été institué une Commission spéciale chargée de déterminer, sous la présidence du recteur de l'Académie de Dijon, dans quelles conditions pratiques pouvait être rédigé un Manuel d'histoire de la Bourgogne. Ce manuel vient d'être mis au concours et le programme en a paru tout récemment 3. Il est bien entendu que l'ouvrage ainsi rédigé s'étendra à l'époque moderne et même à la période contemporaine, sous la forme d'un chapitre final plus particulièrement consacré au département de la Côte-d'Or.

L'année qui vient de finir est donc réconfortante. Elle permet de bien augurer de l'avenir. La Bourgogne de 1904 donne l'impression d'une vie intellectuelle active, désireuse de s'affirmer de plus en plus. Et cette activité semble légitimement autoriser toutes les espérances, grâce surtout à l'entente durable et féconde de l'Université de Dijon et des Sociétés

1. M. Louis Eisenmann.

2. Cf. ce que disait ici même M. Hauser, dans le Bulletin des années 1901-1903 publié sous la même rubrique.

3. Il a été communiqué aux Sociétés savantes et donné aux journaux (12-13 juin 1905).

savantes de la province, cette « alliance toujours plus étroite, toujours plus fructueuse »>, dont une voix doublement autorisée proclamait naguère, dans une circonstance solennelle, l'importance et la nécessité 1.

Les travaux. Une remarque préalable s'impose, sans laquelle l'énumération qui va suivre risquerait de paraître infliger un démenti aux assurances optimistes qui viennent d'être formulées. En effet, par suite de circonstances diverses, et à tous égards regrettables, qui en ont trop souvent faussé la chronologie, les travaux publiés pour l'année 1904 par les sociétés bourguignonnes n'ont pas encore tous vu le jour, au moment où s'impose la nécessité de clore le présent dépouillement. Or, les publications de ces Sociétés, et c'est leur honneur, représentent l'appoint de beaucoup le plus considérable dans la bibliographie historique de la province. Cette irrégularité dans la distribution des volumes qu'impriment plusieurs de ces corps savants peut avoir pour résultat une succession fortuite d'années abondantes et d'années maigres, qui ne sauraient faire conclure à un ralentissement dans le zèle des travailleurs locaux.

La Revue champenoise et bourguignonne (ancienne Revue de Champagne et de Brie), dont l'extension est venue ajouter un nouvel et précieux élément à l'étude du passé de la Bourgogne, a entrepris une enquête des plus louables elle s'efforce de relever et de signaler les documents relatifs aux deux provinces auxquelles elle se consacre et qui sont conservés dans des dépôts éloignés. Sous le titre d'Extraits concernant la Champagne et la Bourgogne, du Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques de France 2, elle a commencé la publication de notes qui rendent de signalés services, tant pour les travaux d'histoire moderne que pour les travaux d'histoire du moyen âge.

L'histoire de la province sous l'ancien régime a été surtout enrichie cette année par M. HAUSER, grâce à ses Notes sur l'organisation du travail à Dijon et en Bourgogne au XVIe et dans la première moitié du XVIIe siècle 3. C'est, sous un titre modeste, une contribution d'une très haute portée à l'histoire économique et sociale de la région bourguignonne et de sa capitale depuis la réunion à la France jusqu'à l'avènement du Colbertisme. L'abbé E. DEBRIE a apporté, de son côté, un appoint curieux et intéressant à l'histoire économique de Dijon, en imprimant Quelques menus des

1. Discours prononcé à la séance générale du Congrès des Sociétés savantes, le samedi 9 avril 1904, par M. Bayet, Paris, Imprimerie nationale, MDCCCCIV.

2. Revue champenoise et bourguignonne, sept.-oct. 1904, p. 228-232.

3. Revue bourguignonne, publiée par l'Université de Dijon, 1904, t. XIV, no 1, p. 99

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XVIIe et XVIIIe siècles avec leurs prix, d'après les archives municipales 1. C'est à l'histoire économique aussi que se rattache, dans une certaine mesure, la publication de M. A. BAUDOT intitulée La pharmacie en Bourgogne, Le livre d'or des apothicaires de Beaune, description avec extraits et fac-similé du manuscrit original (1576-1685): on y trouvera, chemin faisant, des indications qui ont leur prix sur les armoiries, les devises, la généalogie et la science ou la pratique médicale.

Un Bourguignon qui se distingua au service de Charles-Quint a été l'objet d'une notice de M. L. GERMAIN : c'est Jean de Ville, seigneur de SaintRemy, - par grâce impériale, — lequel mourut à Nancy le 28 mai 1552 3. Une étude plus étendue dans l'ordre biographique et généalogique a été écrite par le Dr J. BERTIN. Ce chercheur courageux a continué et enfin terminé sa longue monographie sur Les Beaujeu de Franche-Comté dans le duché de Bourgogne, l'Auxerrois, la Champagne, etc. 4.

L'Epigraphie de Notre-Dame de Dijon, que nous devons à la patiente persévérance de l'abbé Jules THOMAS 5, est venue compléter fort heureusement deux publications antérieures du même archéologue sur Les vitraux de Notre-Dame de Dijon 6 et La confrérie de Notre-Dame-de-Bon Espoir 7. Il sera opportun de rapprocher du corpus épigraphique ainsi constitué quelques rectifications de l'abbé BOURLIER 8, qui visent des points de détail.

Les monographies paroissiales sont un cadre d'étude tout désigné. M. l'abbé Bénigne GAUTHIER a eu l'excellente idée de consacrer quelques pages substantielles à L'église de Longvic près Dijon 9. On y remarquera l'attribution à Revel de l'Ecce homo, attribution hypothétique, il est vrai, mais vraisemblable, et, en tout cas, très habilement présentée; on y remarquera également une note additionnelle portant la liste des curés de Longvic depuis 1630 10.

Le travail qui vient d'être signalé appartient à la fois à l'histoire ecclésiastique et à l'histoire de l'art. Dans ce dernier domaine, deux articles de M. Henri CHABEUF attirent immédiatement et retiennent l'attention. C'est

1. Bulletin d'histoire, de littérature et d'art religieux du diocèse de Dijon, 1904.

2. Dijon, Jacquot et Floret, 1904, in-8, 65 p.

3. Bulletin de la Société d'archéologie lorraine, juin 1904.

4. Mémoires de la Société bourguignonne de géographie et d'histoire, 1904, t. XX, p. 1-95.

5. E. Nourry, 1904, in-8, 145 p. (2 pl. photogr. hors texte).

6. Dijon, Jobard, 1898.

7. Dijon, 1899.

8. Bulletin d'histoire, de littérature et d'art religieux du diocèse de Dijon, 15 sept. 1904,

p. 201. Cf. ibid., 15 octobre, p. 239-248, une réplique de l'abbé Thomas.

9. Ibid., 15 mai, p. 101-108.

10. Ibid., p. 107.

d'abord une description et une interprétation d'œuvres récemment découvertes sous un badigeon malencontreux, Les peintures de la chapelle SaintLéger à Notre-Dame de Beaune 1; c'est ensuite une remarquable analyse d'un tableau singulier, dont l'inspiration reste fort énigmatique, La croix vivante du musée de Beaune 2. L'abbé L. MORILLOT a étudié minutieusement Un pendant de la statue funéraire d'Antoinette de Fontette; avec toute l'autorité qui lui appartient, il émet cette, conclusion formelle que la statue de Madeleine de Seguise ne saurait être attribuée à l'école bourguignonne 3.

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L'histoire littéraire est représentée d'abord par un article fort spécial de l'abbé E. DEBRIE sur Bossuet et l'Immaculée Conception 4; ensuite, par la continuation des travaux du même auteur sur La vie littéraire à Dijon au XVIIIe siècle ; enfin par les quelques détails apportés par M. le colonel L. MARAIS Sur Claude de Saumaise 6. En outre, Les origines de l'Université de Dijon 7 ont fourni à M. KLEINCLAUSZ le sujet du discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de l'Université de Dijon.

Parmi les épisodes d'histoire locale correspondant à la période de l'ancienne monarchie, la seule Entrée de la reine de Sardaigne à Nuits en 1737 a été racontée, grâce à l'appoint de documents trouvés aux archives municipales. En revanche, des détails locaux ont été relevés en abondance par M. F. BAILLY dans sa très instructive Notice sur les anciennes mesures de Bourgogne 9.

Nous atteignons ainsi à la période révolutionnaire. On regrette aussitôt de devoir exclure de la bibliographie locale une brochure dont le titre semble y réclamer une place d'honneur, La campagne électorale en Bourgogne de MM. Augustin COCHIN et Ch. CHARPENTIER 10. Mais comment se croire autorisé à l'y comprendre, puisque les auteurs ont eux-mêmes exclu de leur champ de recherche les ressources qu'offraient à leur sujet les dépôts bourguignons? Aussi ne pourrons-nous citer ici que les notices

1. Extrait de la Revue de l'art chrétien, mai 1904.

2. Extrait [anticipé] du t. IX (4° série) des Mémoires de l'Académie de Dijon, séance du 20 avril 1904.

3. Bulletin d'histoire, de littérature et d'art religieux du diocèse de Dijon, 15 janvier 1904, p. 1-13.

4. Ibid., 15 octobre, p. 209-221.

5. Ibid., 15 janvier, p. 14-19; 15 mars, p. 56-63; 15 avril, p. 80-86.

6. Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 1904. Cf. ibid., une lettre du maire de Semur à Fevret de Fontette.

7. Bulletin de la Société des amis de l'Université de Dijon, t. VIII, no 1, février 1905.

8. Mémoires de la Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de l'arrondissement de Beaune, 1903 (1905), t. XXVIII, 1905, p. 117-129.

9. Ibid., p. 177-265.

10. Paris, Champion, 1904, in-8, 53 p. (Extr. de l'Action française).

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