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d'une membrane tomenteuse, traversée par les uretères, et souvent repoussée en avant par la masse intestinale. Cette anomalie assez fréquente a été désignée sous le nom d'extrophie de la vessie. Enfin l'orifice intestinal, l'orifice vésical et l'orifice des organes génitaux se réunissent quelquefois en un vestibule commun ou cloaque, qui aboutit à l'extérieur par une seule ouverture; nous avons vu que tel est l'état normal dans une des périodes de la vie embryonnaire.

3o Anomalies vasculaires. -Les anomalies vasculaires sont, dans la région abdominale, comme dans toute l'économie, très-nombreuses et très-variables. Je ne citerai que celles qui sont remarquables par l'importance des vaisseaux qui les présentent, ou par l'intérêt pratique qu'elles peuvent offrir.

Ainsi l'artère aorte peut se diviser très-haut et présenter l'aspect d'une aorte double, qui rappelle les deux aortes normales des premiers âges embryonnaires. Dans un cas observé par Petsche, la bifurcation remontait à la partie supérieure de la région lombaire, et les deux branches communiquaient entre elles, au niveau de la base du sacrum, par une branche transversale assez volumineuse. Les artères qui forment le tronc cœliaque peuvent se séparer et s'insérer isolément sur l'aorte. Quelquefois une d'elles se sépare seule des deux autres; on a vu l'artère hépatique émerger de l'artère mésentérique supérieure ; celle-ci, par contre, vient quelquefois s'unir au tronc cœliaque; la mésentérique inférieure, dans le cas de Petsche, prenait son origine sur l'une des branches de bifurcation représentant l'iliaque primitive; la capsulaire moyenne peut venir du tronc cœliaque, plus souvent de la rénale; la rénale naît quelquefois de l'iliaque primitive; Andral l'a vue procéder de l'hypogastrique, et Manec, de l'iliaque externe. La spermatique peut être fournie dans toute l'étendue de son parcours, soit par la rénale, soit par l'aorte, soit par l'iliaque primitive, soit par l'hypogastrique, soit par l'iliaque externe, soit par l'épigastrique elle-même. La division de l'iliaque primitive en iliaque interne et iliaque externe offre peu de variations; mais les branches qu'elles donnent sont sujettes à des anomalies fréquentes; nous noterons celles qui frappent l'épigastrique et l'obturatrice, à cause des relations intimes que ces vaisseaux offrent avec les orifices inguinaux et cruraux. L'obturatrice naît très-fréquemment de l'artère iliaque externe soit par un trone commun avec l'épigastrique, soit directement; elle vient même quelquefois de la crurale. Dans tous les cas, elle plonge dans le bassin, en coupant à angle droit la branche du pubis et côtoyant le bord interne du canal crural. L'épigastrique peut venir de la crurale, quelquefois même de la crurale profonde; dans quelques cas, beaucoup plus rares, de l'obturatrice même, suivant alors, en sens inverse, .la route que l'obturatrice suit elle-même lorsqu'elle émane de l'épigastrique. Les anomalies veineuses présentent, pour les veines de second ordre, de grandes analogies avec les anomalies des artères que nous venons d'énumérer. Nous nous attacherons surtout à indiquer celles qui frappent les gros troncs veineux.

BOUT, DICT. MÉD. ET CHR.

I. 5

La veine cave peut être double comme l'aorte; j'en ai vu plusieurs cas à la Société anatomique; je rapporterai, comme le plus complet, celui de Wild, dans lequel deux veines caves existaient dans toute la hauteur de la région lombaire; celle de gauche, au niveau du foie, s'incurvait à angle droit, passait au-devant de l'aorte pour aller rejoindre celle de droite. La veine azygos prend son origine, tantôt sur la veine cave ellemême, tantôt sur les veines rénales, tantôt sur les veines lombaires, le plus souvent sur plusieurs de ces vaisseaux à la fois. La veine porte, dans quelques cas très-rares, mais dont il existe cependant plusieurs observations authentiques, va se jeter directement dans la veine cave sans traverser le foie. (Observations rapportées par Abernethy et par Lawrence.) L'existence du canal veineux pendant la vie fatale, qui peut devenir l'unique aboutissant de la veine porte, donne la clef des faits de ce genre. Enfin la veine ombilicale peut ne pas s'oblitérer après la naissance, laissant ainsi persister dans la région ombilicale une cause d'hémorrhagie, d'autant plus redoutable qu'elle est imprévue. Fabrice de Hilden et Haller citent chacun un exemple d'hémorrhagie mortelle survenue après une blessure de l'ombilic. On comprend difficilement la persistance d'une veine sans collatérales, terminée en cul de sac, et dans lequel le sang ne peut exister que par un reflux de la veine porte. Je pense que dans les cas où l'on a constaté réellement la persistance de cette veine, il devait exister en même temps une veine collatérale qui, apportant le sang d'une partie périphérique du corps, venait s'implanter sur un point de la veine ombilicale; celle-ci a dû s'oblitérer en deçà de cette implantation, et conserver sa perméabilité au delà. Deux observations remarquables, l'une de Menière, l'autre de Manec, me paraissent jeter le plus grand jour sur cette question. Dans la première, une veine considérable, partie de l'iliaque externe, et remontant en arrière du pubis et de la ligne blanche, venait se confondre à l'ombilic avec la veine ombilicale, et aboutir au sinus de la veine porte. Dans la seconde, une veine, ayant la même origine et la même direction, arrivait au voisinage de l'ombilic, sortait par une éraillure de la ligne blanche, formait une anse sous-cutanée, rentrait dans l'abdomen par la même ouverture, venait se placer au côté gauche du cordon fibreux, qui, après la naissance, représente la veine ombilicale, et se confondait avec lui à quelques millimètres seulement du sinus de la veine porte, dans lequel elle se jetait.

4° Anomalies complexes; monstruosités. Ces anomalies peuvent se rapporter à deux groupes un premier groupe, dans lequel se rangent tous les cas qui présentent comme anomalie principale une éventration, de laquelle paraissent dépendre celles qui la compliquent; un deuxième groupe, dans lequel l'imperfection générale de l'organisme entraîne l'imperfection de l'abdomen.

Les exemples du premier groupe se rencontrent surtout dans la classe si naturelle des monstres célosomiens, d'I. Geoffroy Saint-Hilaire. Contrairement à l'éventration simple, qui, comme nous l'avons vu, occupe ordinairement autour de l'ombilic une position périphérique, l'éventra

tion compliquée est presque toujours excentrique. Elle peut être sousombilicale, sus-ombilicale ou latérale.

Lorsqu'elle est sous-ombilicale, c'est de préférence sur les organes de la partie inférieure de l'abdomen que portent les anomalies concomitantes extrophie de la vessie; absence de la vessie, du gros intestin; imperforation ou transposition de l'anus; imperfection ou atrophie complète des organes génitaux, etc.

Lorsqu'elle est sus-ombilicale, ce sont les organes de la partie supérieure de l'abdomen: estomac, foie, rate, pancréas, qui sont déplacés, mal conformés ou absents; le diaphragme qui est perforé ou qui n'existe pas, le sternum qui est ouvert, et les organes thoraciques qui sont déplacés, altérés ou confondus avec les organes abdominaux.

Lorsque l'éventration est latérale, si elle incline vers la partie inférieure, outre quelques modifications dans les viscères sous-ombilicaux, elle entraîne fatalement ou l'atrophie ou l'absence du membre pelvien correspondant; lorsqu'elle se prolonge vers la partie supérieure, elle peut s'étendre aux côtes du même côté et, outre les modifications imprimées aux organes sus-ombilicaux et thoraciques, déterminer la disparition du membre thoracique correspondant.

Les anomalies complexes du second groupe se rencontrent principalement dans les deux classes de monstres désignés par I. Geoffroy SaintHilaire sous les noms d'acéphaliens et d'anidiens. Dans les premiers, la portion sus-ombilicale du fœtus a presque entièrement disparu. Il reste à peine quelques vestiges des organes thoraciques, du foie, de la rate, de l'estomac, du pancréas; l'intestin est le plus souvent réduit à un tube presque droit, qui représente le gros intestin et qui reste quelquefois imperforé. Les organes génito-urinaires, les membres pelviens peuvent aussi être profondément altérés, ou à peine développés. Le système circulatoire se réduit à deux vaisseaux, une aorte et une veine cave qui s'anastomosent par leurs extrémités, et ne fournissent guère que les vaisseaux ombilicaux; la forme binaire et symétrique du corps tend ellemême quelquefois à s'effacer. Dans les seconds, toute symétrie a disparu ; ils forment une masse globuleuse, uniquement composée d'une enveloppe cutanée, qui fait suite au cordon ombilical, et dans l'intérieur de laquelle on trouve du tissu cellulaire, de la graisse, de la sérosité et quelques branches vasculaires. L'organisme entier n'est plus qu'une sorte de cavité abdominale sans viscères. Tel est le dernier terme de la série de dégradations que l'abdomen, cette partie si essentielle du foetus, peut présenter, et qui offre tant d'analogie avec la série inverse qui marque les différents degrés de son développement régulier.

ANATOMIE CHIRURGICALE.

Traités généraux: VELPEAU, BLANDIN, MALGAIGNE, RICHET, Janjavay, Béraud.
WINSLOW, Expos. anat. de la structure du corps humain, t. II, p. 40. 1763.
J. CLOQUET, Recherches anat. sur les hernies, thèse inaug. 1817.

BERARD, l'article du Dictionnaire en 30 vol., 1852.

PHYSIOLOGIE.

Traités généraux : Müller, Bénard, LongET, BECLARD, RODIN et BPAUD, C. BERNARD, etc.

ANOMALIES.

PETSCHE, Syllog. obs. anat., dans Collectio dissertationum de Haller, t. VI, § 77.
ABERNETEY, Philos. trans., t. LXXXIII, p. 59, 1793.

LAWRENCE, London med. chir. Trans., vol. V, p.

174.

MENIÈRE, Arch. gen. med., 1 série, t. X, p. 381, 1826

MANEC, Diss. inaug. Paris, 1826.

WILDE, Journ. des Progrès, 1827, t. III, p. 195.

I. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Histoire générale et particulière des anomalies de l'organisation chez l'homme et les animaux. Paris, 1832-1836.

Bulletin de la Soc. anatomique, 27 année, 1852, p. 474.

SÉMIOLOGIE.

P. DENUCE.

La description anatomique, qui vient d'être tracée de l'abdomen et surtout de ses parois, a fait ressortir la merveilleuse harmonie qui existe dans l'organisation de toutes ses parties pour assurer l'accomplissement régulier des fonctions des organes si nombreux que contient cette vaste cavité, nous n'avons pas à revenir sur ce point. Nous avons seulement à signaler l'avantage, qui résulte au point de vue pratique, du peu d'épaisseur et de la flexibilité de la partie antérieure et des parties latérales de l'enceinte abdominale, qui rendent la plupart des organes contenus dans le ventre accessibles à un examen pour ainsi dire direct, et permettent d'apprécier un grand nombre des modifications pathologiques qu'ils peuvent offrir. Aussi a-t-on reconnu, depuis la plus haute antiquité, l'importance des signes fournis par l'exploration de l'abdomen pour la détermination des manifestations morbides si diverses, dont peuvent être le siége, soit les organes contenus dans le ventre, soit les différentes parties qui constituent ses parois. De ces signes, les uns sont fournis par l'inspection, les autres par le toucher et la palpation, d'autres par la percussion médiate et immédiate, d'autres enfin par l'auscultation et la mensuration; nous aurons successivement à les exposer, après avoir succinctement indiqué les deux autres ordres de signes symptômes généraux et troubles fonctionnels, qu'il faut étudier, tous trois, concurremment, pour arriver au diagnostic, souvent si difficile, des affections abdominales. Je n'essayerai pas d'énumérer ici tous les symptômes généraux qu'on peut voir, dans les différentes affections du ventre, coexister aux symptômes qui leur sont propres, parce qu'il n'y a pas une seule maladie, pour ainsi dire, qui n'ait de retentissement sur les organes digestifs et urinaires, et qu'il faudrait, par conséquent, passer en revue tout le cadre nosologique, si on voulait tenter de signaler toutes les circonstances pathologiques dans lesquelles se présentent un ou plusieurs des troubles fonctionnels des organes si nombreux qui sont contenus dans l'abdomen. Je dois dire seulement que, lorsque l'affection abdominale n'est qu'un épiphénomène ou qu'un symptôme, comme dans la fièvre typhoïde par exemple, ce sont les signes de l'état morbide général qui priment ceux qui résultent de la détermination pathologique dont l'abdomen est le siége, et qui fournissent les éléments les plus importants du diagnostic, non-seulement de la maladie générale, mais même de l'affection locale. La fréquence de ces cas d'une

part, et, d'autre part, l'extrême différence qui existe entre les diverses affections abdominales, restreignent beaucoup l'étude des phénomènes généraux dont nous devons nous occuper ici. Nous aurons seulement à parler de l'habitus général des malades pendant la station ou le décubitus, du facies, de l'état des forces et, enfin, des caractères du pouls; encore devons-nous dire qu'il y a un assez grand nombre d'affections abdominales, surtout chroniques, auxquelles ces généralités, déjà si restreintes, ne sont pas applicables.

T Habitus. Les malades en proie à une affection du ventre, surtout lorsqu'elle est douloureuse, marchent le corps légèrement ployé en avant, les mains le plus souvent placées sur l'abdomen, évitant dans la progression tous les mouvements qui pourraient retentir péniblement dans l'ab'domen. Couchés, ils se tiennent sur le dos, les membres légèrement fléchis, ou, pelotonnés sur eux-mêmes, ils sont inclinés sur le côté qui est le siége de la plus vive douleur, de manière à relâcher le plus possible les muscles abdominaux et à se garer des pressions qui susciteraient des souffrances. Ce qui prévaut, en général, dans le choix de la position qu'adoptent les malades, c'est le désir d'éviter la tension et les mouvements ▷ du ventre; aussi comprend-on que leurs attitudes doivent être très-différentes dans les diverses affections de l'abdomen et commandées dans chacune d'elles, non-seulement par le siége, mais par les caractères des souffrances dont nous parlerons plus loin et assez longuement.

Facies. — Il en est de même du facies, qui est très-différent dans les affections des voies urinaires, génitales, ou dans celles des organes digestifs, d'où trois types principaux que je n'ai pas à décrire ici, parce qu'ils seront indiqués dans la pathologie des organes de ces trois grandes fonctions, types qui diffèrent suivant que l'affection est aiguë ou chronique. Je dois seulement signaler que dans les affections des organes digestifs, dont nous avons surtout à nous préoccuper, il y a une assez grande dissemblance suivant le siége particulier de celle-ci : l'estomac, l'intestin ret surtout le foie, dont les affections s'accompagnent si souvent d'ictère you d'une teinte subictérique, que je dois l'indiquer tout particulièrement, mais sans m'y arrêter. C'est surtout dans les affections intestinales, et en particulier lorsque le péritoine participe au travail morbide, qu'on trouve la déformation particulière des traits du visage à laquelle on a donné le nom de facies abdominal. Il est caractérisé par une expression de tristesse et d'abattement, par la pâleur souvent blafarde des joues, la rétraction des sillons naso-labiaux, l'effilement du nez et l'enfoncement des yeux dans les orbites. Ce facies, un peu modifié, prend une expression de découragement plus marquée dans les affections chroniques, surtout lorsqu'elles sont de nature cancéreuse. Dans celles-ci on voit, à un amaigrissement souvent extrême, se joindre une teinte jaune paille, propre à cette cachexie, coloration qu'il ne faut pas confondre avec la teinte subictérique des affections hépatiques ou la teinte terreuse qui accompagne les engorgements de la rate d'origine palustre. Je n'ai pas besoin de signaler toute l'importance que peuvent avoir non-seulement la teinte jaune paille, mais

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