Page images
PDF
EPUB

résultats que donne ce mode de percussion, qui rend plus saillantes les différences de sonorité à une percussion superficielle ou profonde.

La percussion médiate, comme la palpation, et dans certains cas mieux que celle-ci, permet de délimiter les organes de l'abdomen, en particulier le foie, dont il importe, dans de très-nombreuses circonstances, de connaître les dimensions. Aussi croyons-nous utile d'indiquer les chiffres qui, d'après Monneret, représentent les diverses hauteurs de la matité. hépatique à l'état normal: Ligne médiane, 5°,62; ligne mamelonnaire, 12,64; ligne axillaire, 10,57; ligne scapulaire, 9°,11. Mais il faut, pour donner à ces chiffres leur véritable signification, rapprocher les unes des autres les diverses hauteurs, parce que ce sont bien plus les différences relatives que les différences générales qui servent au diagnostic des diverses affections du foie entre elles et au diagnostic différentiel de celles-ci et des affections des organes circonvoisins, abdominaux ou thoraciques. C'est assez sur ce point, qui n'a qu'un rapport indirect avec la pathologie et fait partie de l'étude, à l'aide de la percussion, du siége, de la forme et du volume des différents organes de l'abdomen, étude à laquelle tout médecin doit être familiarisé, s'il veut arriver à distinguer les intumescences morbides si diverses dont le ventre peut être le siége.

Ces intumescences se partagent, à la percussion, en deux grandes classes; dans les unes il y a exagération de la sonorité; dans les autres, au contraire, une diminution plus ou moins complète, qui peut aller jusqu'à une matité absolue. Nous ne dirons que quelques mots de l'exagération de la sonorité qui caractérise et distingue des autres intumescences celles qui, générales ou partielles, sont produites par une distension gazeuse de tout ou d'une partie seulement du tube digestif; la valeur sémiotique de cette exagération de la sonorité abdominale sera spécialement étudiée au mot TYMPANITE. Nous nous bornerons à signaler l'importance que peut avoir, pour le diagnostic, non-seulement de l'étranglement interne, mais de son siége, la délimitation du son tympanique aux régions qu'occupent les parties supérieures du tube digestif, lorsqu'elle coïncide à une diminution, au contraire, de la résonnance normale dans toutes les régions qui correspondent à la partie de l'intestin inférieur à l'étranglement. Il y a, dans ces cas, sur lesquels Laugier a appelé tout particulièrement l'attention, opposition, mais dans des siéges déterminés, d'une sonorité exagérée au-dessus du rétrécissement intestinal et d'une matité incomplète au-dessous. On trouve une opposition un peu différente, c'està-dire une résonnance incomplète unie à une matité également incomplète, dans les tumeurs qui résultent d'anciennes péritonites; la sonorité relative occupe le plus souvent les parties centrales, et correspond aux anses intes

qui sont comprises dans des adhérences péritonéales, tandis que la matité est périphérique et dépend des fausses membranes plus ou moins épaisses, qu'a fait naître l'inflammation de la séreuse.

Le défaut plus ou moins complet de sonorité à la percussion, différant en cela de son exagération, qui se lie à une seule et même cause physique qu'elle permet de suite de déterminer, se manifeste dans tous les cas où,

soit une production organique, qui peut être de nature très-diverse, soit un liquide, qui peut également être très-différent, soit les deux réunis, viennent altérer la résonnance normale au point de l'abdomen percuté, en empêchant plus ou moins les vibrations sonores de se produire. Il résulte de là que la matité, isolée des caractères particuliers qu'elle peut offrir, a pour toute signification qu'il existe dans l'abdomen ou ses parois une production solide ou liquide, constituant une des intumescences si multiples que nous avons énumérées en parlant de la palpation, et que, par conséquent, nous n'avons pas besoin d'indiquer à nouveau. Mais la diminution de la sonorité normale, considérée seule, laisse complétement indéterminée si l'intumescence est liquide ou solide; à plus forte raison, dans le premier cas, non-seulement la nature du liquide, mais s'il est enkysté ou non, et, dans le second, si la tumeur solide est de nature. bénigne ou maligne et de quelle espèce. Pour arriver à ces diverses déterminations, il faut tenir compte des différentes particularités que la percussion médiate fait constater en même temps que la diminution de la résonnance normale. Ainsi il est nécessaire de préciser d'abord quelle est l'étendue de la matité, si elle occupe tout l'abdomen ou seulement une partie plus ou moins restreinte; dans ce dernier cas, il est indispensable de la délimiter exactement, non-seulement dans le décubitus dorsal, mais en faisant incliner le malade dans différents sens, pour constater si ces changements de position modifient ou non la ligne de niveau. Enfin, il faut tenir compte si la diminution de la résonnance est plus ou moins complète, si elle l'est également à une percussion modérée, à une percussion superficielle et enfin profonde, et apprécier les différences qui résultent de ces divers modes d'opérer employés successivement.

La généralisation de la matité à tout l'abdomen, ou du moins à toute la partie qui est inférieure à la région épigastrique, dans laquelle on trouve souvent alors un son tympanique, circonscrit le diagnostic, parce qu'elle ne s'observe aussi étendue que dans un assez petit nombre de circonstances. Elle a lieu dans la gestation arrivée au huitième mois, l'ascite et la péritonite tuberculeuse parvenus à leur summum d'épanchement, enfin dans l'envahissement de tout l'abdomen par des tumeurs énormes, telles que certains kystes de l'ovaire, ou par des tumeurs d'un volume moindre, mais qui ont suscité une exhalation séreuse ou séro-purulente du péritoine, qui est venue augmenter la distension résultant de la production organique. Aussi est-il, en général, assez facile, en analysant attentivement les divers éléments de ce diagnostic différentiel, d'arriver à déterminer la cause de l'absence générale de la sonorité de l'abdomen.

Nous avons pu, dans ces cas, indiquer quel diagnostic différentiel il y avait à résoudre; mais il est impossible de faire de même pour la matité partielle qui, par cela même qu'elle peut occuper soit l'une soit l'autre des neuf régions de l'abdomen, rendrait nécessaire de formuler le diagnostic différentiel qu'on a à résoudre dans chacune d'elles; nous ne pouvons entrer ici dans de semblables détails. Nous devons nous borner à indiquer qu'on trouvera dans l'article ESTOMAC (cancer de l') le diagnostic

différentiel des diverses affections qui peuvent donner lieu à une matité partielle occupant la région épigastrique, dans celui consacré aux ENGORGEMENTS DE LA RATE, le diagnostic de la matité de l'hypochondre gauche, celui de la matité de l'hypochondre droit dans l'histoire des affections et des HYDATIDES DU FOIE. Nous placerons dans l'article PERITONITE, qui comprendra l'histoire des kystes péritonéaux et des tumeurs péritonéales résultant de l'inflammation de la séreuse, le diagnostic différentiel des tumeurs qui donnent lieu à une matité limitée à la région ombilicale et des intumescences qui occupent l'un ou l'autre flanc. Enfin, l'article de pathologie spéciale, placé au mot FoSSE ILIAQUE, contiendra le diagnostic différentiel des tumeurs si diverses et si intéressantes, qui viennent donner lieu à une matité partielle dans l'une des trois régions hypogastriques. Nous avons seulement ici à exposer quelques-unes des particularités appréciables à l'aide de la percussion médiate, qui n'ont rien de spécial à telle ou telle région, et qui fournissent des signes différentiels assez importants. Nous aurons à nous occuper de la fixité ou de la variabilité de la ligne de niveau dans les mouvements qu'on fait exécuter aux malades, de la configuration plus ou moins irrégulière de la matité, du degré plus ou moins marqué de l'abolition de la sonorité et enfin de la différence qu'on constate à une percussion ordinaire, superficielle ou profonde; après quoi nous dirons quelques mots du frémissement vibratoire.

Nous avons si souvent parlé de la mobilité de la ligne de niveau de la matité dans les différentes positions qu'on fait prendre successivement aux malades, que nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance de cette particularité. Elle permet, lorsque surtout on trouve, concurremment, tout le long de la ligne d'intersection de la matité et de la sonorité, un timbre particulier à la résonnance, appelé bruit humorique, d'affirmer qu'il existe dans la cavité abdominale un épanchement libre et flottant, et que cet épanchement est constitué par de la sérosité pure ou séro-purulente. Cela réduit le diagnostic à celui de l'ascite et de la péritonite chronique, qu'on aura à distinguer l'une de l'autre, mais dont nous n'avons pas à indiquer ici les signes différentiels; nous devons dire seulement qu'il faudra, après cette première détermination, spécifier l'espèce, soit de l'ascite, soit de la péritonite chronique, parce que, sans cela, le diagnostic serait complétement insuffisant.

Au lieu de cette mobilité de la matité, qui se déplace à chacun des mouvements d'inclinaison du tronc et donne lieu à une ligne de niveau différente dans chacune des diverses attitudes, on trouve dans certaines circonstances une fixité absolue de la ligne qui circonscrit la diminution de la résonnance. Cette fixité absolue, qui s'observe dans les phlegmons des parois abdominales, dans les hématocèles, dans les intumescences qui résultent des pelvi-péritonites, n'a jusqu'à présent qu'une valeur sémiotique restreinte, parce que les tumeurs solides ou liquides, qui peuvent être confondues avec ces affections, ne présentent qu'un déplacement peu marqué dans les mouvements des malades et parce que ces tumeurs, notamment les kystes de l'ovaire, peuvent être immobilisées par des adhé

rences intimes aux parois abdominales. Mais, peut-être, n'a-t-on pas encore étudié assez minutieusement cette question, qui offre cependant une importance considérable pour les indications et contre-indications de l'ovariotomie, qu'on a dù parfois laisser inachevée parce qu'on rencontrait des adhérences péritonéales, dont on n'avait pas soupçonné l'existence avant l'incision de l'abdomen; il y a là une lacune très-importante à combler.

Nous n'avons à dire que quelques mots de la forme particulière que peut offrir la ligne qui circonscrit la matité; elle est plus ou moins bosselée dans les cancers, irrégulièrement anguleuse dans les tumeurs dues à des péritonites, d'une forme généralement arrondie ou composée de courbes assez régulières, différemment associées entre elles, dans les kystes, parce que nous avons insisté sur ce point dans la palpation. Nous avons seulement à signaler qu'il est souvent très-important de dessiner avec le crayon de nitrate d'argent la ligne de circonscription de la matité, pour que ce tracé, persistant pendant un certain nombre de jours, permette d'apprécier les progrès de l'intumescence, qui est comprise soit dans les parois, soit dans la cavité abdominale. Cette mensuration est, dans certaines circonstances, un des éléments les plus importants du diagnostic, parce que les progrès relativement rapides des cancers du mésentère, par rapport aux progrès lents des kystes, servent parfois mieux à les distinguer de ceux-ci que tout autre signe.

La mensuration, exécutée en passant un cordon divisé en centimètres autour du tronc à diverses hauteurs de l'abdomen, ne donne, pour ainsi dire, aucun renseignement qui puisse être utilisé pour le diagnostic, ou du moins qui l'ait été jusqu'à présent. Ce mode d'exploration ne peut servir qu'à apprécier la rapidité ou la lenteur des progrès, soit de certains ascites, soit de kystes de l'ovaire, dont il peut être utile de tenir compte comme indication ou contre-indication de la ponction. Mais il faut dire que la détermination de la ligne de niveau de l'épanchement qui remonte plus ou moins rapidement à chaque examen successif dispense en général d'adjoindre la mensuration circulaire à la percussion médiate.

La différence, à ces examens successifs, non-seulement de l'étendue de la matité, mais aussi de l'obscurité plus ou moins complète de la résonnance, soit en plus, soit en moins, sert également à apprécier, et souvent mieux que ne pourrait le faire la mensuration à l'aide d'un cordon, les progrès des tumeurs abdominales. Dans ces cas la différence de la matité n'est qu'un élément indirect de diagnostic, puisque ce n'est qu'en tenant compte de la rapidité ou de la lenteur de ses progrès qu'elle devient un signe distinctif entre deux variétés de tumeurs. Mais on trouve des nuances particulières de la résonnance abdominale à la percussion, qui peuvent servir à caractériser certaines tumeurs : celles qui sont constituées par le déplacement ou l'hypertrophie de nature diverse du rein, du foie et de la rate, parce qu'elles rappellent la matité particulière à laquelle donnent lieu normalement chacun de ces organes. Mais nous ne pouvons, malgré leur importance pratique, passer ici en revue toutes ces particularités, qui ne peuvent trouver place que dans un traité de percussion. Nous devons plutôt

appeler l'attention sur l'espèce d'opposition que présentent les résultats de la percussion superficielle ou profonde, qui donne, la première, une matité plus ou moins complète, tandis que l'autre produit une sonorité plus ou moins marquée. Cette opposition sert à caractériser les phlegmons des parois et les tumeurs formées par des anses intestinales accolées à la face antérieure de l'enceinte abdominale par des adhérences péritonéales plus ou moins l'acépaisses. Mais il faut être prévenu qu'on peut être induit en erreur par colement à une tumeur d'une anse intestinale tympanisée, qui pourra vibrer sous l'influence d'une percussion profonde et donner lieu à une résonnance qui n'appartient pas au kyste ou à la production organique percutée; aussi faut-il tenir compte de l'absence, dans ce cas, de l'existence, dans l'autre, d'une sorte d'ondulation élastique, qui se rapproche du frémissement vibratoire dont nous avons à parler, et que perçoit le doigt sur lequel on percute.

Ce signe tout particulier, qui est assez bien dépeint par la dénomination de frémissement vibratoire qu'on lui a donné, exige pour être obtenu, qu'on prenne en percutant d'assez nombreuses précautions que je ne puis indiquer ici; il consiste dans une sorte d'ondulation toute spéciale dont on a attribué la production à la collision des hydatides les unes contre les autres. Cette sensation à la percussion, lorsqu'elle existe bien caractérisée, établit pour ainsi dire d'emblée le diagnostic des kystes acéphalocystiques, dont l'histoire sera placée au mot HYDATIDES. Mais lorsqu'elle n'existe pas, on ne peut inférer de son absence que la tumeur, dont on cherche à déterminer la nature, n'est pas un kyste hydatique, parce qu'il y a un trèsgrand nombre de faits de cette espèce, suivis d'autopsies, dans lesquels les observateurs les plus habiles n'avaient pu constater le frémissement vibratoire, non-seulement en percutant suivant toutes les règles indiquées, mais même en auscultant en même temps qu'ils chargeaient un aide de percuter méthodiquement.

Auscultation. - L'auscultation, non-seulement dans ce cas, mais dans un bien grand nombre d'autres, n'a pas rendu les services qu'on avait espéré obtenir de ce mode d'exploration pour le diagnostic des affections abdominales. Ainsi il est à peu près inutile de parler des bruits de frottement qu'on trouve dans les péritonites, du cliquetis qu'on a rencontré exceptionnellement dans des cas de calculs renfermés dans la vésicule biliaire, et du tintement métallique perçu à l'auscultation lorsqu'une sonde rencontre une pierre dans la vessie; dans le cas où ils se produisent le diagnostic est évident, et on ne peut les constater lorsqu'il y aurait intérêt à les trouver. Le bruit de souffle, qu'on perçoit au niveau de la plupart des tumeurs qui compriment les artères, de quelque nature qu'elles soient, n'a également qu'une valeur sémiotique très-restreinte. On peut même dire que ces bruits de souffle, dus à la compression, entravent le diagnostic des anévrysmes de l'aorte ou du trépied cœliaque, à cause de l'impossibilité où l'on se trouve de distinguer les mouvements d'expansion de l'artère d'un simple soulèvement; ces deux circonstances rendent très-difficile de distinguer ces anévrysmes des tumeurs de nature diverse qui peuvent occu

« PreviousContinue »