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Sous l'empire des lois anciennes, comme sous l'empire de la loi actuelle, les conseils municipaux prenaient: 1o des délibérations exécutoires ou réglementaires; 2° de simples délibérations qui ne pouvaient être exécutées qu'après approbation; 3o des délibérations contenant de simples vœux.

Les délibérations dites réglementaires pouvaient être annulées, dans le délai de 30 jours, par le préfet, non seulement pour violation de la loi ou d'un règlement d'administration publique, mais encore pour inopportunité sur la réclamation de toute. partie intéressée. (Loi du 18 juillet 1837, art. 18.)

Pour les autres délibérations, la loi ne prévoyait l'annulation que dans deux cas : lorsque le conseil avait statué sur un objet étranger à ses attributions ou en dehors de la session légale. (Loi du 5 mai 1855, art. 23 et 24.) Dans les deux cas, l'annulation était prononcée par le préfet en conseil de préfecture. La jurisprudence avait d'ailleurs étendu ces dispositions aux autres causes d'irrégularités et le Conseil d'État reconnaissait que le préfet, loin de violer la loi, en assurait l'exécution lorsqu'il annulait une délibération prise en violation d'une prescription légale ou réglementaire, notamment lorsqu'il annulait une délibération à laquelle avaient participé des membres personnellement intéressés. Le plus souvent, d'ailleurs, le préfet n'avait pas besoin de recourir à l'annulation lorsqu'il se trouvait en présence d'une délibération irrégulière; il lui suffisait, puisque cette délibération n'était pas exécutoire par elle-même, d'en refuser ou de n'en pas provoquer l'approbation.

439. Dans le système de la loi de 1884, les délibérations réglementaires (et ce sont aujourd'hui les plus nombreuses, voir art. 61, no 423) ne peuvent plus être annulées par le préfet que si elles violent la loi; l'annulation sur la réclamation des intéressés pour inopportunité ou intérêts lésés est supprimée; les tiers peuvent bien, si le préfet n'agit pas d'office, provoquer l'annulation, mais ils doivent, eux aussi, se fonder sur la violation d'une loi ou d'un règlement.

440. Les droits du préfet et des tiers à l'égard des délibérations non réglementaires sont les mêmes. L'annulation pour violation de la loi pourra en être prononcée ou provoquée; le préfet aura, de plus, la faculté de ne pas accorder ou de ne pas provoquer l'approbation.

Le Conseil d'État a longtemps hésité sur la question de savoir si les délibérations non réglementaires pouvaient être annulées. (Cons. d'Ét. 22 janvier 1886, Castex; 24 juillet 1885, Genouillac 1.) Les commissaires du gouvernement avaient émis des avis différents dans ces deux affaires.

La question a été résolue, depuis, dans le sens de l'affirmative. (Cons. d'Ét. 3 août 1894, Dupleich; 5 juillet 1901, Burelle, solutions implicites; 4 décembre 1903, Barthe, Revue générale d'administration, 1904, t. I, p. 415.) Dans cette dernière espèce, les requérants avaient directement attaqué devant le Conseil d'État une délibération non réglementaire du conseil municipal de Pau. Cette requête a été rejetée par le motif que les requérants ne justifiaient pas avoir déféré au préfet, en conseil de préfecture, la délibération approuvée par

lui.

Les délibérations soumises à la sanction législative peuvent être annulées, tant que la loi n'a pas été rendue. (Décis. Int. 5 août 1895, Revue générale d'administration, 1895, t. III, p. 328.)

441. Nous avons, pour plus de clarté, désigné sous l'expression générale « violation de la loi » les causes qui, seules aujourd'hui, autorisent le préfet ou les tiers intéressés à prononcer ou à provoquer l'annulation des délibérations de toute nature; mais la loi a cru nécessaire de distinguer entre les violations de la loi celles qui entraînent une nullité absolue ou, pour nous servir de l'expression légale, une nullité de plein droit et celles qui rendent les délibérations seulement annula

1. Voir l'analyse de ces arrêts dans la Revue générale d'administration, 1885, 1. III, p. 293, et 1886, t. I, p. 458.

la

bles. L'intérêt principal de cette distinction est que la nullité de plein droit peut, à toute époque, être relevée, tandis que nullité relative (ou annulabilité, si on peut se servir de cette expression) est couverte à l'expiration d'un certain délai par le silence que garderont les administrateurs ou les intéressés. Mais aucune nullité n'est de plein droit, en ce sens qu'elle n'aurait pas besoin d'être prononcée. Toute délibération, si nulle qu'elle soit, subsiste tant que la nullité n'en a pas été prononcée par l'autorité compétente, et l'annulation ne produit son effet légal qu'à partir de sa date. (Trib. de Narbonne 1er décembre 1897; Cons. d'Ét. 6 avril 1895, Picard.) - Voir n° 473.

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Annulation de délibérations par application de l'article 60 de la loi du 14 décembre 1789.

442. Avant d'aborder ces deux cas d'annulation (nullité absolue et annulabilité), que prévoit la loi de 1884, nous devons rappeler que l'article 60 de la loi du 14 décembre 1789 prévoit un autre cas où les délibérations des conseils municipaux peuvent se trouver annulées sur le recours des particuliers lésés. Cette loi permet à toute partie lésée de présenter ses sujets de plainte au Directoire du département (aujourd'hui au préfet), qui y fera droit sur l'avis de l'administrateur de district. Le préfet saisi devra le plus souvent se borner à annuler la délibération entreprise.

Le recours organisé par la loi de 1789 a été reconnu applicable sous l'empire des lois de 1855 et de 1884 et il sert aujourd'hui encore aux personnes qui se prétendent injuriées ou diffamées par une délibération municipale. - Voir no 377.

Sans doute, ces personnes pourraient attaquer ces délibérations en vertu des articles 63 et suivants de la loi de 1884, car il est incontestable qu'un conseil municipal sort de ses attributions et viole la loi en injuriant un tiers, mais elles peuvent aussi les poursuivre en vertu de la loi de 1789. (Cons. d'Ét. 29 mars 1881, Montrem.)

Le Conseil d'État a décidé que les formes prescrites par la loi de 1884 pour l'annulation (arrêtés du préfet en conseil de préfecture) n'étaient pas obligatoires lorsque la délibération est attaquée en vertu de la loi de 1789. Le préfet doit annuler sans prendre l'avis de son conseil (19 mai 1899, Bucquoy). Mais il est obligé de prendre l'avis du sous-préfet, qui remplace l'administrateur de district. (Cons. d'Ét., 5 janvier 1906, PontAudemer.)

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Des nullités de plein droit.

443. Les nullités absolues ou de plein droit sont énoncées dans l'article 63. Ce sont :

1o Les délibérations portant sur un sujet étranger aux attributions légales des conseils municipaux ou prises en dehors de leur réunion légale ';

2o Les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique.

Il faut ajouter les délibérations prises ou tous autres actes accomplis en violation de l'article 72 (vœux politiques, protestations, adresses, etc.), puisque cet article renvoie expressément à l'article 63. - Voir no 573.

Mais il n'y faut pas comprendre l'annulation des élections, pour lesquelles la loi trace une procédure spéciale. (Décis. Int. 8 décembre 1885, Tarn.)

444. Une assez longue discussion s'est engagée au Sénat sur le point de savoir si les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique constitueraient une nullité de plein droit ou une simple cause d'an

1. Nous avons vu, sous l'article 48 (nos 305 et 306) que les délibérations prises à la suite d'une convocation irrégulière doivent être assimilées à des délibérations prises hors d'une réunion légale.

Voir également, sous l'article 52 (no 351), la nullité de droit d'une délibération prise après la clôture de la session par le président et d'une délibération prise par un conseil municipal réuni ailleurs qu'au chef-lieu communal (no 294).

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nulation (annulabilite). M. Batbie, notamment, s'appuyant sur le système de la loi départementale du 10 août 1871, aurait voulu que la violation de la loi ne fût qu'une cause d'annulation et ne pût être relevée à toute époque; mais le Sénat a tenu à maintenir, en faveur de l'administration ou des tiers, cette précieuse garantie qui est aujourd'hui la seule arme efficace contre les entraînements possibles des assemblées communales, si libres désormais dans la sphère légale.

444 bis Blâme contre les fonctionnaires. L'application de la disposition de l'article 63 qui déclare nulle de plein droit la délibération d'un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions, a souvent donné lieu à des difficultés, car il n'est pas toujours aisé de savoir jusqu'où s'étend la compétence du conseil et s'il a, oui ou non, sur une matière donnée, excédé ses attributions.

Ainsi, le conseil municipal blâme la gestion du maire. S'il se borne à critiquer la gestion du maire comme administrateur des biens de la commune et exécuteur des décisions du conseil, cas dans lesquels il n'agit que sous le contrôle du conseil municipal (art. 90), il n'excède pas sa compétence, le droit de contrôle impliquant nécessairement le droit de critique. Si, au contraire, le blâme s'adressait au maire comme homme privé ou comme représentant du pouvoir central, le conseil municipal, en l'émettant, sortirait de la limite de ses attributions. Voir n° 748 bis

De même, l'instituteur échappe à la censure du conseil municipal comme fonctionnaire de l'enseignement. Mais, s'il remplit en même temps les fonctions de secrétaire de mairie, son attitude comme secrétaire peut être critiquée et blâmée par le conseil. C'est ce qui ressort d'un arrêt du Conseil d'État por

1. Séance du 3 mars 1884. Le projet primitif de la Chambre des députés ne rangeait la violation de la loi que parmi les causes d'annulation; mais la commission a modifié son texte, sur la demande de M. Lorois, dans la séance du 7 juillet

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