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nat, donne aux représentants de l'intérêt public le droit de prononcer et, aux parties qui peuvent être lésées dans leurs intérêts particuliers, le droit d'opposer à toute époque, soit comme demandeurs, soit comme défendeurs, soit dans une demande principale, soit par voie d'exception, la nullité de droit qui leur préjudicie (séance du 8 février 1884). Les seules exceptions qui limitent l'action, quant au temps, et dont nous parlerons plus loin (nos 462 et 473), sont celles qui résultent de l'application des principes généraux du droit.

459. Le texte primitif de l'article 65 pouvait faire croire que les parties intéressées n'avaient pas le droit de provoquer la nullité par action principale et qu'elles devaient attendre que la délibération qui leur porte préjudice fût mise à exécution à leur égard pour y opposer leur demande en nullité. L'article portait en effet : « La nullité peut être opposée par toutes les parties intéressées à toute époque » ; mais, sur les observations présentées au Sénat par M. Clément dans les séances des 8 et 9 février 1884, le texte a été complété par ces mots : « La nullité peut être proposée ou opposée par les parties... » Celles-ci peuvent donc, dès qu'elles ont connaissance de la délibération et sans attendre qu'on la leur oppose, en provoquer la nullité.

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460. La faculté accordée aux parties intéressées de demander ou d'opposer en tout temps la nullité d'une délibération n'empêche pas cette délibération de devenir exécutoire. Lorsqu'il s'agit de délibérations réglementaires, elles sont exécutoires un mois après le dépôt à la préfecture ou à la souspréfecture (art. 68, dernier paragraphe). Le préfet peut même abréger ce délai. Il peut, aux termes de l'article 66, § 7 (no 472), si aucune réclamation des parties ne s'est produite, déclarer,

pouvait être prononcée que pendant le délai d'un mois. (Voir Cons. d'Ét. 17 novembre 1876, Dieppe; 12 mai 1882, Arc-sous-Montenot.) - Le nouvel article 65 ne permettrait pas d'annuler aujourd'hui des délibérations, même illégales, antérieures à la loi de 1884; c'est l'application de la règle : Tempus regit actum.

LOI MUNICIPALE. - I.

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au bout de quinze jours, qu'il ne s'oppose pas à l'exécution. Lorsqu'il s'agit d'une délibération soumise à l'approbation, l'approbation, si elle appartient au préfet, doit être donnée ou refusée dans le délai d'un mois (art. 69, n° 539). Il peut donc arriver et il arrivera souvent qu'une délibération exécutoire et déjà mise en partie à exécution sera arguée de nullité. C'est là un inconvénient qui n'a pas échappé aux rédacteurs de la loi, mais cet inconvénient ne leur a pas paru suffisant pour sacrifier les intérêts des tiers'.

461. La circonstance que le préfet aurait déjà approuvé la délibération n'est pas de nature à l'empêcher de déclarer la nullité de cette délibération. (Cons. d'Ét. 16 février 1894, Brieulles-sur-Meuse.)

L'annulation peut être partielle et ne frapper qu'une des conditions ou une réserve de la délibération. (Cons. d'Ét. 31 juillet 1891, Espalion; 26 décembre 1885, ville de Paris.)

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462. Rappelons que, d'après l'ancienne jurisprudence du Conseil d'État, lorsque la délibération a été suivie d'un contrat de droit commun, tel qu'un contrat de bail, de vente, etc., les

1. Quant au danger qu'il y aurait à voir se produire des réclamations tardives contre des faits depuis longtemps accomplis, il se trouvera atténué, ainsi que l'ont expliqué les membres de la commission au Sénat, par cette considération que le juge pourra très bien, en examinant les faits, reconnaître en cette matière, comme dans toute matière analogue de nos lois et de notre droit civil en particulier, qu'il y a eu ratification de la part de la partie qui viendra, au bout de 10, 15 ou 20 ans, réclamer la nullité de cette délibération. Ce sera une question de fait qui sera soumise à l'appréciation du juge; mais le juge, en cette matière, sera souverain comme dans toute matière analogue de notre droit. (Déclaration de M. Ribiere, séance du 9 février 1884.)

2. Deux décisions récentes du Conseil d'État semblent indiquer sur ce point un revirement de jurisprudence. Dans ces deux espèces, le Conseil d'État a admis le recours direct pour excès de pouvoirs contre deux arrêtés préfectoraux suivis d'un contrat de droit commun (un bail). On lit dans les considérants du dernier arrêt : « Quel que soit le recours ouvert à la commune de X... devant l'autorité judiciaire à l'effet de faire infirmer ce contrat de droit civil, cette commune est recevable à se pourvoir directement contre les arrêtés à la suite desquels ce contrat a été passé › (11 décembre 1903, Gorre; 29 avril 1904, Messé, Revue générale d'administration, 1904, t. II, p. 427).

intéressés ne pouvaient plus se pourvoir directement devant l'autorité administrative en annulation de la délibération. L'autorité judiciaire était considérée comme seule compétente pour apprécier la validité du contrat, et l'autorité administrative ne pouvait être saisie que si les tribunaux renvoyaient les parties à se pourvoir devant elle pour faire juger préjudiciellement les questions qui seraient du ressort exclusif de l'administration, l'autorité judiciaire se réservant, dans ce cas, de tirer de l'appréciation faite par l'autorité administrative telle conséquence que de droit, au point de vue de la validité du contrat. (Cons. d'Ét. 1o décembre 1859, Ducimetière ; 9 janvier 1867, Verdier ; 2 février 1877, Soubry; 15 juillet 1898, Binot de Villiers; 11 mai 1900, Sampigny.) - Voir nos 544, 549 et 784.

463. L'autorité chargée de déclarer la nullité est le préfet statuant en conseil de préfecture, c'est-à-dire dans la forme administrative. Lorsque le préfet statue en conseil de préfecture, il prend l'avis du conseil, mais il n'est pas tenu de le suivre.

Le préfet est obligé de prendre l'avis du conseil de préfecture, soit qu'il accueille la demande, soit qu'il la rejette. (Cons. d'Ét. 14 décembre 1888, Cambrai; 1er février 1901, Destrois.)

Les intéressés ne peuvent directement s'adresser au Conseil d'État; ils doivent d'abord saisir le préfet. (Cons. d'Ét. 12 juin 1896, Giraud; 1er avril 1898, Pillon de Saint-Philbert.)

464. Lorsque le préfet n'agit pas d'office et qu'il est saisi par une partie intéressée, il est tenu de statuer dans le mois et de rendre une décision, soit qu'il accorde, soit qu'il refuse l'annulation. Cette obligation résulte du paragraphe 6 de l'article 66 (voir no 471) ajouté par le Sénat sur la demande de M. Clément (séances des 8 et 9 février 1884) et, bien qu'il figure sous l'article spécial aux annulabilités, nous pensons qu'il doit également s'appliquer aux nullités de plein droit 1.

1. Le ministre de l'intérieur émet le mème avis dans sa circulaire du 15 mai 1884.

465. Si le préfet, malgré les prescriptions de la loi, garde le silence, les intéressés peuvent s'adresser au ministre de l'intérieur pour qu'il donne au préfet l'ordre de statuer.

Ils pourraient même aujourd'hui se pourvoir directement au Conseil d'État en invoquant les dispositions de l'article 3 de la loi du 17 juillet 1900, qui porte que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le Conseil d'État que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu'un délai de plus de quatre mois s'est écoulé sans qu'il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le Conseil d'État1».

Avant la loi de 1900, le Conseil d'État rejetait les recours de cette nature en se fondant sur ce qu'aucune disposition de loi ne les autorisait. Aujourd'hui, cette objection ne serait plus possible. Peut-être même le Conseil d'État n'exigera-t-il pas que le silence du préfet ait duré quatre mois et considérera-t-il l'expiration du délai d'un mois prescrit par l'article 66 comme suffisant.

466. Le recours est ouvert soit au conseil municipal, soit à tout intéressé contre la décision préfectorale, soit que le préfet ait annulé la délibération attaquée, soit qu'il en ait refusé l'annulation. (Déclaration de la commission au Sénat, séance du 9 février 1884.)

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1. Voir Conseil d'État 10 novembre 1905, Carrère, l'exemple d'un recours dirigé contre l'absence de décision préfectorale et déclaré admissible.

par le préfet dans un délai de trente jours à partir du dépôt du procèsverbal de la délibération à la souspréfecture ou à la préfecture.

Elle peut aussi être demandée par toute personne intéressée et par tout contribuable de la commune.

Dans ce dernier cas, la demande en annulation doit être déposée, à peine de déchéance, à la sous-préfecture ou à la préfecture, dans un délai de quinze jours à partir de l'affichage à la porte de la mairie. Il en est donné récépissé.

Le préfet statuera dans le délai d'un mois.

Passé le délai de quinze jours sans qu'aucune demande ait été produite, le préfet peut déclarer qu'il ne s'oppose pas à la délibération.

467. Les délibérations qui ne sont pas nulles de plein droit, mais qui sont seulement annulables sont, d'après l'article 64, celles auxquelles ont participé des membres personnellement intéressés.

L'annulation ne peut plus, dans ce cas, être demandée ou prononcée que dans un certain délai. Le silence gardé par ceux qui ont le droit de la prononcer ou de la provoquer couvre, à l'expiration de ce délai, l'irrégularité dont la délibération est entachée.

468.

Quelles sont les personnes qui ont qualité pour relever ce cas d'annulation?

Le préfet d'une part et, d'autre part, toute personne intéressée et tout contribuable de la commune. Nous avons vu, sous l'article précédent (n° 457), que, d'après l'ancienne jurisprudence du Conseil d'État, le simple contribuable n'avait pas qualité pour relever les nullités de plein droit. La loi est plus explicite lorsqu'il s'agit d'une nullité relative'.

1. Les raisons de cette différence de traitement sont exposées dans les conclu

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