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838. - Un commentaire complet de l'article 97 serait un véritable code de police municipale, qui dépasserait les bornes de notre ouvrage. Nous devons donc nous borner, en passant en revue les différents paragraphes de cet article, à rappeler les principales décisions judiciaires qui ont fixé, pour chacune des matières, les limites des pouvoirs des maires.

Nous nous référerons souvent aux dispositions déjà votées par les Chambres et qui doivent faire partie du Code rural, notamment à la loi du 21 juin 1898 (livre III, titre Ier, du Code) qui est venue préciser et développer certaines matières que l'article 97 comprend dans la police municipale.

La police municipale et la police rurale n'ont pas en effet de domaine bien déterminé, elles se pénètrent l'une l'autre ; aussi ne sommes-nous pas surpris de voir le Code rural reproduire presque dans les mêmes termes la définition des attributions du maire en fait de police. « Les maires, dit l'article 1er de la loi du 21 juin 1898, sont chargés, sous la surveillance de l'administration supérieure, d'assurer, conformément à la loi du 5 avril 1884, le maintien du bon ordre, de la sécurité et de la salubrité publiques, sauf dans les cas où cette attribution appartient aux préfets. Ils sont également chargés de l'exécution des actes de l'autorité supérieure relatifs à la police rurale. >> C'est la disposition de l'article 91 complétée par le premier paragraphe de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884.

1° Sûreté et commodité du passage dans les rues, places et voles publiques.

839. Le premier objet de la police municipale est d'assurer la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend, dit la loi : a) le nettoiement; b) l'éclairage; c) l'enlèvement des encombrements; d) la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine; e) l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles. Nous examinerons séparément chacun de ces points.

a) Nettoiement.

840. Dans les communes où le balayage de la voie publique n'est pas érigé en service communal, effectué soit aux frais exclusifs du budget, soit moyennant redevance (voir art. 133, 13°, nos 1526 et suiv.), le maire peut l'imposer aux habitants, qui sont tenus de balayer et nettoyer les rues, chacun au droit de sa maison.

Cette charge pèse sur le propriétaire, aussi bien lorsqu'il habite la maison que lorsqu'il ne l'habite pas, aussi bien lorsque la maison est habitée que lorsqu'elle est inhabitée. Mais elle incombe aussi aux locataires habitant seuls la maison, qui sont tenus subsidiairement de l'obligation. Si le propriétaire habite une partie de la maison louée, le défaut de balayage engage exclusivement sa responsabilité. (Cass. 3 décembre 1880, Guégan.)

841.

La Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 28 juin 1861 (Barras), que la réglementation du balayage de la voie publique rentre exclusivement dans les attributions du maire, et non dans celles du préfet. Dans l'espèce où cet arrêt a été rendu, il s'agissait d'une simple question de réglementation des heures du balayage1. Dans un autre arrêt, la Cour a, au contraire, considéré comme légal un arrêté du préfet de la Corse enjoignant à tous les habitants de faire enlever des rues, cours, passages et terrains dépendant de leur demeure les dépôts de fumier et d'immondices, et de tenir lesdits lieux en état constant de propreté (13 novembre 1884, ministère public). Le texte de l'article 99 donne aujourd'hui au préfet le droit incontestable d'agir, s'il y a en jeu un intérêt de salubrité publique (en cas d'épidémie notamment).

842. — L'arrêté municipal prescrit valablement la périodicité du balayage et certains jours, certaines heures, pour cette opé

1. Voir dans le même sens : Cass. 24 fevrier 1900, Vve Fournier (Revue géné rale d'administration, 1900, t. II, p. 171).

ration. (Cass. 28 août 1818, Adoric; 28 mai 1825, Lambin; 4 octobre 1827, Aufrère ; 24 février 1900, Vve Fournier.)

843. Mais le maire excéderait ses pouvoirs en prescrivant aux habitants riverains de la voie publique soit d'enlever l'herbe qui croît dans les interstices des pavés', soit de remédier par un dallage au déchaussement des pavés (Cons. d'Ét. 20 décembre 1872, Billette), sauf le cas où d'anciens usages, antérieurs à la loi du 11 frimaire an VII, mettraient ces obligations à la charge des riverains; encore faudrait-il que les revenus ordinaires de la commune fussent insuffisants.

844. Le maire peut prescrire la mise en tas de la neige, pour en faciliter l'enlèvement; mais il ne peut, dans les circonstances ordinaires, imposer aux habitants l'obligation de fournir des chevaux et des voitures destinés à cette opération. Le pouvoir de recourir à cette mesure ne lui appartiendrait qu'autant que la chute de la neige aurait le caractère de calamité publique, en ce qu'elle aurait lieu inopinément et en telle abondance que les communications en auraient été interrompues. (Cass. 15 décembre 1855, Lehmann.) Le droit du maire, dans ce dernier cas, se fonderait sur le n° 6 de notre article (accidents et fléaux).

845. Les pouvoirs de police du maire s'étendent même aux rues privées ouvertes au public du consentement exprès ou tacite des propriétaires. (Cass. 5 mars 1863, Dalloz, 1864, 1, 52; 12 avril 1902, Carrère.)

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Pour les taxes de balayage, voir l'article 133, 13°,

1. La Cour de cassation a, au contraire, admis comme légal l'arrêté du maire de Saint-Brieuc enjoignant aux propriétaires de faire arracher et enlever avec soin les herbes qui existent au-devant de leur maison, cet arrêté prescrivant une simple mesure de nettoiement, sans imposer aux habitants aucune mesure de pavage on autre travail relatif à la viabilité (4 juillet 1884, min. publ.).

Pour le balayage des cours communes des maisons, voir plus loin: Épidémies, mesures de salubritė (no 1061).

b) Éclairage des rues, des matériaux, des volïures non attelées stationnant sur la voie publique, des voitures circulant sur la voie publique.

847.

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L'obligation d'éclairer les rues ne résulte pas de la loi. Elle n'existe qu'en vertu d'un arrêté municipal et n'incombe qu'aux personnes désignées par l'arrêté.

I

Tel est le sens de l'article 471, n° 3, du Code pénal qui punit d'une amende de 1 à 5 fr. inclusivement « les aubergistes et autres qui, obligés à l'éclairage, l'auront négligé ». (Cass. 3 août 1866, Fourcassies; 30 janvier 1879, ministère public.)

848. L'éclairage général des voies publiques par les habitants serait d'une application très difficile. La commune qui veut l'établir le prend à sa charge; le plus souvent elle traite avec un entrepreneur. Le traité forme un contrat civil. Les infractions aux clauses du marché ne sont donc pas punissables des peines portées par l'article 471, no 3, du Code pénal.

La commune qui fournit non seulement l'éclairage public (gaz ou électricité), mais encore l'éclairage particulier moyennant une rétribution tarifée, fait acte de commerce et d'industrie et se trouve de ce chef soumise à la patente. (Cons. d'Ét.

1. Mais les travaux pour l'éclairage au gaz sont considérés comme des marches de travaux publics dont le contentieux appartient aux tribunaux administratifs. (Cass. 8 août 1883, Tours.) - Pour les difficultés auxquelles donnent lieu les concessions faites aux compagnies de gaz et les concessions aux sociétés de lumière électrique, voir deux arrêts du Conseil d'État du 26 décembre 1891 (Saint-Étienne et Montluçon). - Voir également, sur le droit des conseils municipaux d'accorder des concessions pour distribution de lumière, l'avis du Conseil d'État du 27 juin 1893 et la circulaire des ministres de l'intérieur et des travaux publics du 15 août 1893. On pourra utilement consulter sur cette matière qui a donné lieu, dans ces derniers temps, à de nombreuses contestations, un article publié dans la Revue générale d'administration (1898, t. III, p. 5, 129, 257, 389, et 1899, t. I, p. 14, t. II, p. 21, 142) sous le titre Des Concessions d'éclairage, et un article de M. Hauriou (Recueil général des lois et arrêts, 1893, p. 17). Les derniers arrèts du Conseil d'État sur cette question marquent un certain revirement dans la jurisprudence; ils portent la date des 10 janvier et 28 novembre 1902. (Revue générale d'administration, 1903, t. I, p. 49.) - Voir aussi la note sous le n° 1116.

848 bis-850.-631 6 avril 1900, Revue générale d'administration, 1900, t. II, p. 141.) L'exception admise pour les distributions d'eau (Cons. d'Ét. 27 avril 1877, Poitiers) n'a pas été étendue à la distribution de lumière. Voir n° 1508 et 1767.

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848 bis. Installation de lumière électrique dans l'intérieur des habitations. S'il rentre dans les attributions de l'autorité municipale de prendre, dans l'intérêt de la sécurité publique, les mesures nécessaires pour prévenir les accidents, le maire ne peut, sans porter atteinte aux droits des particuliers et sans contredire les dispositions de la loi du 25 juin 1895, réglementer les conditions d'exécution des installations de lumière électrique à l'intérieur des habitations, en fixer les matériaux, le mode d'emploi et soumettre à une vérification préalable et à l'acquittement d'une taxe leur mise en service. (Cons. d'Ét. 3 mars 1905, Lebourg.)

849. Éclairage des matériaux.— L'obligation d'éclairer les matériaux entreposés ou les excavations faites sur la voie publique résulte de la loi même (Cod. pén., art. 471, no 4, § 2); elle est d'ordre public et existe en l'absence de tout arrêté municipal. (Cass. 19 février 1858, Dufour.)

Le défaut d'éclairage ne peut être excusé sous aucun prétexte : clarté de la lune, voisinage d'un bec de gaz allumé, lumière éteinte par le mauvais temps ou la malveillance (Cass. 24 février 1868, Bourleau), etc.

L'éclairage doit durer la nuit entière (Cass. 3 mars 1842, Maubray), et par «< nuit » il faut entendre l'intervalle de temps qui s'écoule entre le coucher et le lever du soleil (Cass. 21 février 1861, Dugardin; 17 novembre 1883; 6 février 1886, Brisson).

850.

L'obligation de l'éclairage s'applique aux choses quelconques de nature à gêner la circulation (Cass. 19 février 1858, Dufour) et, par exemple, aux voitures non attelées stationnant la nuit sur la voie publique. Le propriétaire désigné

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