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En outre les traités de 1815 avaient perfidement entr'ouvert sa frontière. Philippeville, Marienbourg et Bouillon couvraient les débouchés de l'Ardenne : nous n'avons plus de ce côté que Rocroy. Sarrelouis offrait un point d'appui au milica de la vallée de la Sarre, entre la Moselle et les Vosges, et Landau défendait les approches de Strasbourg : on nous prit ces deux villes. Huningue pouvait menacer Bâle de son canon ou du moins fermer le pont de cette ville sur le Rhin : il fut démantelė. La Savoie, rendue au Piémont, nous éloigna des Alpes, notre frontière. La Bavière, notre vieille alliée dans l'Allemagne, fut mise à nos portes, dans le Palatinat, pour y devenir notre ennemie : la Prusse fut établie dans la vallée de la Moselle, pour nous y arrêter, si nous voulions sortir de Metz ou de Thionville; le royaume des Pays-Bas fut élevé pour nous tenir éloignés des bouches de la Meuse et de l'Eseaut, et le don du royaume de Lombardie à l'Autriche rétablissait dans la péninsule italique l'influence autrichienne aux dépens de la nôtre, qui s'en trouva exclue. Enfin, par le traité de la Sainte-Alliance, cette Europe que Napoléon avait voulu réunir sous sa main, se réunissait, mais contre nous.

APPENDICE.

RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX ÉVENEMENTS DE 1815 A 1872

I.

LA RESTAURATION.

(22 juin 1815.— 29 juillet 1830.)

Réaction royaliste. Les royalistes se vengèrent cruellement de leur second exil. Le maréchal Ney, les généraux Labédoyère, Faucher, Mouton-Duvernet, Chartrand, Bonnaire, furent passés par les armes ; d'autres, condamnés à mort par contumace. « Soldats, droit au cœur! » dit, en commandant le feu, le héros de la Moskowa. Le maréchal Brune, les généraux Ramel et Lagarde furent assassinés, et une sanglante réaction frappa dans le Midi les hommes suspects de regretter le régime impérial. Les haines religieuses s'ajoutèrent aux haines politiques: beaucoup de protestants périrent. Enfin, une loi du 4 décembre 1815 institua pour trois ans des cours prévôtales, qui méritèrent bientôt une sinistre renommée. Ainsi la monarchie restaurée avait ses massacres, sa terreur, qu'on appela la Terreur blanche: Trestaillon en fut le héros.

Les Introuvables qui composaient la Chambre des députés avaient entrepris de supprimer la Charte et de défaire l'œuvre sociale de la Révolution en rendant au clergé et à l'aristocratie le rôle politique qu'ils avaient dans l'ancien régime. Louis XVIII fut obligé de renvoyer ces serviteurs trop dévoués (5 nov. 1816), et une nouvelle Chambre plus modérée commença l'ère du gouvernement représentatif dans notre pays. Cette Chambre adopta une loi électorale qui fixait le cens des électeurs à 300 francs, celui des éligibles à 1000 francs, avec un seul collége électoral par département, et -43

II

la loi militaire du maréchal Gouvion Saint-Cyr qui assurait le recrutement de l'armée par la conscription, limitait à six ans le service militaire et réservait un tiers des grades aux sous-officiers.

Grâce au duc de Richelieu et à la générosité du czar Alexandre, l'occupation du territoire français par les armées étrangères cessa deux ans avant le terme fixé par les traités. Les Chambres reconnurent ce service en votant, à titre de récompense nationale, en faveur du duc de Richelieu, l'inscription au Grand Livre d'une rente de 50 000 francs. Il était pauvre et refusa pour ne point aggraver les charges de la patrie: noble désintéressement qui n'a pas toujours été imité.

Assassinat du duc de Berri. Jusqu'en 1819, les progrès des libéraux furent lents, mais continus, et ils allaient avoir la prépondérance dans la Chambre, comme dans le pays, lorsque le roi, effrayé par l'élection de l'abbé Grégoire, ancien évêque constitutionnel, crut être allé trop loin dans leur sens et se rapprocha du parti contraire. Ce système de bascule, comme on l'appela, ne contentait personne. L'assassinat du duc de Berri rompit l'équilibre au profit des royalistes. Le 13 février 1820, le duc était à l'Opéra à dix heures du soir, comme il reconduisait la duchesse à sa voiture, un misérable, Louvel, le poignarda. Jusque sur l'échafaud l'assassin persista à déclarer qu'il n'avait pas de complices. Mais les idées libérales furent rendues responsables de ce crime, et le nouveau ministère qui fut alors formé lança le gouvernement dans la voie funeste où il se brisa en 1830.

Alliance de l'autel et du trône. La liberté individuelle fut suspendue, la censure des journaux rétablie, et le double vote institué pour faire passer l'influence politique aux mains des grands propriétaires, qui votaient deux fois, au collège de département et au collège d'arrondissement. La naissance du duc de Bordeaux, fils posthume du duc de Berri (29 septembre 1820), la mort de Napoléon (5 mai 1821), augmentèrent la joie et les espérances des ultra-royalistes, qui firent arriver au ministère MM. de Villèle et Corbière. Alors on parla tout haut de restituer à la royauté, surtout à l'Église, leurs anciennes prérogatives. Les jésuites rentrés en France se chargèrent de convertir le pays à ces idées d'un régime disparu. Ils frappèrent d'abord leur plus sérieux adversaire, l'Université, en faisant supprimer les cours de MM. Cousin et Guizot (1822), et, pour intimider la presse, on imagina les procès de tendance, où l'accusation n'incriminait pas un délit déterminé, mais la direction donnée à la rédaction d'un journal.

Sociétés secrètes. Les libéraux protestèrent comme le font les partis opprimés, par des conspirations. A la congrégation formée par les ultra-royalistes sous la direction des jésuites, et qui comptait cinquante mille affiliés, ils opposèrent la charbonnerie, qui se recrutait surtout dans les écoles, le barreau et l'armée. Le carbonarisme étendait ses ramifications sur toute la France, dans

l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Il essaya plusieurs insurrections à main armée. En 1820, le capitaine Nantil, plus tard le général Berton, le colonel Caron, le capitaine Vallé et quatre sous-officiers de la Rochelle furent condamnés et exécutés, excepté Nantil, qui s'échappa.

Expédition d'Espagne. Les vainqueurs de 1814 et de 1815, Autriche, Russie et Prusse, avaient formé une sainte alliance pour étouffer, à leur commun profit, les idées de liberté que la Révolution avait jetées dans le monde et qui fermentaient partout. Elles furent violemment comprimées en Allemagne, à Naples, dans le Piémont, et le gouvernement français, qui venait d'en arrêter le retour par des lois et des supplices, reçut du congrès de Vérone (1822) la mission d'aller les combattre en Espagne. Châteaubriand, alors ministre des affaires étrangères, espérait qu'une expédition heureuse rendrait aux Bourbons quelque prestige militaire. L'ar'mée, entrée en Espagne le 7 avril 1823, eut peu d'occasion de combattre et ne rencontra de résistance sérieuse qu'à Cadix, dont elle fit le siége. Le 31 août, nos troupes s'emparèrent de la forte position du Trocadéro, ce qui détermina la reddition de la ville. Cette expédition sans gloire fut aussi sans profit. Rétabli par nos armes dans son pouvoir absolu, le roi d'Espagne n'écouta pas nos conseils de modération. Les libéraux de France rendirent leur gouvernement responsable des violences commises par Ferdinand VII. Le ministère et la congrégation au contraire, trompés par ce facile succès, s'abandonnèrent à une confiance fatale que les élections peu sincères de 1824 augmentèrent, parce qu'elles ne laissèrent entrer à la Chambre que dix-neuf députés libéraux.

Courier, Béranger. Mais derrière eux et avec eux était la majorité du pays qui applaudissait aux arrêts de la magistrature, devenue libérale depuis que la congrégation était menaçante, et qui lisait avidement les pamphlets de Paul-Louis Courier et les chansons de Béranger. Béranger continuait, même en prison, à attaquer cette union dangereuse du trône et de l'autel, et il évoquait contre les rois que l'étranger avait ramenés les glorieux souvenirs de l'Empire. Aussi,, lorsqu'il mourut, en 1857, l'empereur Napoléon III voulut que l'Etat fît les frais des funérailles du poëte populaire qui avait conservé et répandu le culte du premier Napoléon.

Charles X, M. de Villèle. La mort de Louis XVIII, roi prudent et modéré, parut assurer le triomphe des ultra-royalistes en faisant 'passer le pouvoir au comte d'Artois (16 sept. 1824). En 1789, ce prince avait donné le signal de l'émigration; il n'avait rien appris, rien oublié, et n'écouta pas son frère qui, à son lit de mort, lui avait dit, en mettant la main sur la tête du duc de Bordeaux: «Que Charles X ménage la couronne de cet enfant. » Il se crut appelé à faire revivre l'ancienne monarchie. En France, disait-il, le roi consulte les Chambres; il prend en grande considé

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