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Sur 39 signataires habituels des proclamations et des arrêtés, le Comité central ne comptait que 13 élus. C'était presque un échec, mais, comme nous le verrons, grâce aux démissions, grâce aux internationaux dont le concours lui apportait 15 voix sûres, il pouvait compter qu'il maintiendrait son influence.

Le 27 mars, le Comité se déclara dissous et prêt à remettre ses pouvoirs à la Commune de Paris. Toutefois, un sous-comité composé par les soins d'Assi devait expédier les affaires jusqu'à l'installation définitive du conseil communal.

Le 28 mars, six commissaires installèrent la Commune avec un grand apparat. Des bataillons dévoués et commandés pour la circonstance occupaient la place de l'Hôtel-de-Ville. Sur les quais, dans les rues adjacentes, une foule curieuse.

Des cris formidables de: Vive la République! vive la Commune! répondirént aux discours, et l'assemblée rendit immédiatement un décret déclarant :

« Le Comité central et la garde nationale ont bien mérité de la patrie.

Tels sont les principaux actes de ces hommes du Comité central, sur lesquels pèse encore la responsabilité des crimes qui vont suivre, car ils n'avaient pas abdiqué le 28 mars.

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A VEXES.-T. X1 III.

CHAPITRE II

La Commune de Paris, du 28 mars au 2 mai 1871

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Constitution d'un gouvernement. - La première séance de la Commune fut présidée par Beslay, doyen d'âge, qui traça dans son discours le programme qu'elle allait avoir à appliquer.

« La République de 1871, disait-il, est un travailleur qui a surtout besoin de liberté pour féconder la paix. Paix et travail, voilà notre avenir!.... La Commune s'occupera de ce qui est local, le département de ce qui est régional, le gouvernement de ce qui est national.... Né dépassons pas la limite qui nous est imposée...» (1).

Vaines paroles d'un vieillard abusé... Le jour même où le Journal officiel publiait ce discours la guerre civile était déchaînée sous les murs de Paris, et la Commune, sortant de ses attributions de conseil municipal, votait les décrets suivants, du 29 mars :

« 1° La conscription est abolie. Aucune force armée ne pourra être créée ou introduite dans Paris. Tous les citoyens valides font partie de la garde nationale.

« 2° Considérant que le travail, le commerce et l'industrie ont supporté toutes les charges de la guerre, qu'il est juste que la propriété fasse au pays sa part de sacrifices;

Remise de trois termes (octobre, janvier, avril), est faite aux locataires. Toutes sommes payées déjà sont imputables sur les termes à venir.

« Les baux sont résiliables à la volonté des locataires, et pendant six mois. Tous congés donnés seront, sur la demande des locataires, prorogés de trois mois.

3° La vente des objets déposés au Mont-dePiété est suspendue... » (2).

Et le 2 avril :

« Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté; que la liberté de conscience est la première des libertés; que le budget des cultes est contraire au principe, puisqu'il impose les citoyens contre leur propre foi; que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la liberté : « L'Eglise est séparée de l'Etat.

« Le budget des cultes est supprimé.

« Les biens dits de main morte appartenant aux congrégations religieuses, meubles ou immeubles, sont déclarés propriétés nationales. « Une enquête sera faite sur ces biens pour

(1) Journal officiel de Paris, p. 128. (2) Ibid., p. 96.

en constater la nature et les mettre à la disposition de la nation » (1).

La Commune s'affirmait donc, dès le début, gouvernement; elle portait la main aux intérêts généraux du pays; elle frappait à la fois l'armée et les prêtres, deux classes qui ont toujours l'honneur d'attirer les premiers coups des révolutionnaires.

Ses rédacteurs, du reste, ne déguisaient pas l'intention de reconstituer la France entière. Leur but avoué était de conquérir et d'assurer l'indépendance des groupes successifs, communes, cantons, départements ou provinces. Un pacte national devait ensuite les réunir tous (2).

La Commune de Paris se partageait enfin, dès sa première séance, en dix commissions correspondant aux divers ministères; l'une d'elles était une sorte de pouvoir exécutif. En voici la liste et les fonctions (3):

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La guerre civile. — Ce n'était pas assez cependant, et ces hommes allaient mettre le comble aux malheurs de la patrie en provoquant euxmêmes, sous les yeux des Prussiens, une guerre civile, longue et sanglante. La responsabilité des premières hostilités a été répudiée, comme tant d'autres, par le gouvernement insurrectionnel. Quoique l'opinion publique ait été suffisamment éclairée depuis à ce sujet, il n'est pas inutile de dire ici comment fut engagée la lutte qui devait entraîner tant de crimes jusqu'au 28 mai, et plus tard motiver un si grand nombre de décisions judiciaires.

Dans l'organisation de la Commune, dont nous venons d'indiquer l'ensemble, deux cómmissions disposaient de la garde nationale et pouvaient, dès le début, la faire mouvoir à leur gré, en vertu de leurs attributions spéciales; c'étaient la commission militaire et la commission exéCLUT

La première se composait de Bergeret, Duval et Eudes, les trois généraux du comité, de Chardon, chef d'état-major de Duval, le 19 mars;

Pindy, commandant militaire de l'Hôtel de Ville à la même date; Ranvier, membre du Comité central, et Flourens, qui accepta le commandement d'une colonne d'attaque. Tous hommes d'énergie et d'action, membres du Comité central ou dévoués à ses vues.

:

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La commission exécutive, qui pouvait contrôler les actes de la commission militaire et arrêter l'exécution de ses ordres, se composait encore du trio Eudes, Bergeret, Duval; de Félix Pyat, sur le caractère duquel il est inutile d'insister; de Vaillant et Tridon qui, tous deux, votèrent plus tard l'application de la loi des otages et dont le premier écrivait dans l'Officiel de Paris du 27 mars:

«La société n'a qu'un devoir envers les princes: la mort; elle n'est tenue qu'à une formalité; la constatation d'identité. »>

Enfin de Lefrançais, le seul qui fût relativement modéré et qui donna sa démission de membre de cette commission.

Les plans les plus audacieux du Comité central devaient donc revivre dans ces commissions, et le compte rendu de la séance du 24 mars, séance dans laquelle le Comité décida de rompre toute négociation avec les maires et de faire seul les élections, nous apprend ce qu'il pensait de l'éventualité d'une guerre civilė.

Assi, son président, résumait la discussion en disant : : "... La guerre civile peut être un crime civique... dans les circonstances actuelles, elle est une nécessité fatale !... >>

Et Bergeret s'écriait: »... Oui, rompons les négociations et préparons la lutte à outrance. » (1). Depuis, ces hommes n'avaient pas perdu un instant, et les dépêches du 28 au 31 mars montrent la préparation occulte du mouvement. Disposant du commandement supérieur des gardes nationales, de l'état-major de la place, des commissions compétentes, ils avaient tout intérêt à brusquer des opérations militaires qui devaient les rendre indispensables avant que la Commune, définitivement installée, eût pu en décider autrement, avant surtout que l'armée de Versailles se fut réorganisée et pût opposer une résistance sérieuse.

Du 28 au 31 mars, les ordres se succèdent avec. rapidité. Les bataillons se réorganisent et envoient à la place leurs états d'effectif (2). Des renforts et des vivres, des munitions sont expédiés à Courbevoie (2); un officier supérieur est chargé spécialement du service et de la surveillance des avant-postes, de Courbevoie au Pointdu-Jour (2). Les portes de Passy, Saint-Cloud, Auteuil, gardées encore par la garde nationale d'un arrondissement douteux, sont occupées de gré ou de force par des troupes dévouées (3); les portes sont fermées, le mouvement des trains suspendu (4); des réserves de 1,800 à 2,000 hommes sont massées sur la place de l'Hôtel-de-Ville et sur la place Vendôme (4). Bergeret adjoint à son état-major un escadron de cavaliers pour faire le service d'estafettes (5) et stimule l'ardeur des gardes nationaux dans une proclamation emphatique :

a....

Vous avez bien mérité de la patrie, je le proclame bien haut; en présence de ce que vous venez de faire, avec des hommes tels que vous, Paris, animé du vrai souffle révolutionnaire, sera capable des plus grandes choses. » (6)

Les peines les plus sévères étaient édictées en même temps pour abandon de poste, contre les trainards, etc..... (7).

(1) Conciliabules de l'Hôtel de Ville, 24 mars, séance de nuit, p. 12 et 13.

(2) Archives. Dépêches, 31 mars. (3) Archives. Dépêches, 29 mars.

Archives. Dépêches, 30 au 31 mars. Archives. Dépêches, 30 mars. (6) Archives. Dépêches, 28 et 30 mars. (7) Archives. Dépêches, 30 mare.

20

PROJETS DE LOIS, PROPOSITIONS ET RAPPORTS

Et immédiatement l'ordre suivant était expédié aux chefs de légion :

« Citoyen, par ordre du Comité central, vous enverrez demain (31 mars), à trois heures, toutes les compagnies de guerre auxquelles se joindront tous les volontaires. Les gardes seront avec armes et bagages. Ils se rendront sur la place de l'Hôtel-de-Ville où des officiers d'état-major les Tous les gardes auront la nourrirecevront. ture et la paye. En outre, ceux qui auront besoin de vêtements en toucheront, mais vendredi seulement. Il est possible que les gardes tentent (sic) à l'Hôtel de Ville 5 jours... Prévenait (sic) immédiatement tous vos chefs de bataillons. Pas une minute à perdre.

« Par le général en chef :

• Le général chef d'état-major, LARROQUE. »

En marge de l'original, on lit :

« Cet ordre ayant été envoyé sans autorisation du général est annulé.

pour se relier à colonne de Courbevoie et éclai-
rer tout en reliant les deux colonnes.... C'est par
elle que le général Bergeret vous transmettra
ses ordres pendant la marche.

« L'heure définitive du départ vous sera indi-
quée, mais dès à présent vous pourrez vous pré-
parer à marcher à trois heures (1). »

Henri à Flourens, 2 avril.

Quelques heures plus tard, Flourens recevait l'ordre de partir, et en même temps son itinéraire :

« Le général Bergeret commence son mouve-
ment. Agissez.

« Salut fraternel. Bonne chance.
«En avant! (1).

« Voici votre itinéraire :

« Asnières, Colombes, pont Nanterre, Nanterre, Rueil où se fait la jonction. Le premier arrivé attend l'autre (1). »

Dans le même temps, une troisième colonne faisait une diversion sur le plateau de Châtil

lon : « Le général en chef, BRUNEL (1). » Ce Brunel disparait le lendemain en tant que général en chef. Il veut entraver les ordres du Comité, on le brise (2).

Le 1 avril, la commission militaire se réunit neuf heures du matin et à la place Vendôme convient des dernières dispositions.

Le 2, l'attaque commence. Il nous suffira de donner des extraits des principales dépêches pour édifier sur l'ensemble du plan adopté, et l'intention bien évidente de marcher sur Versailles.

Voici d'abord les instructions adressées le 1er avril, au citoyen Vizet, chef du 259 bataillon, commandant les avant-postes à Courbevoie :

« Je vous adresse 500 rations pour le 259 bataillon, 700 pour le 91, 1,000 pour le 218 (rations complétes), que vous voudrez bien faire distritribuer, de suite, avec le bois... Je vous recommande grande surveillance sur Nanterre. Surtout faites tous vos efforts pour connaître un des ouvriers qui travaillent au Mont-Valérien, afin de connaître l'effectif des troupes qui l'occupent et quelles sont ces troupes..

« Vous pourrez faire occuper une aile de la caserne par vos troupes, tout en exigeant des officiers d'avoir leurs troupes sous la main, sans pourtant négliger les postes...

« Signé : HENRI (3). Chef d'état-major de Bergeret. » Puis les instructions adressées à Flourens :

« Général, la colonne dont vous faites partie est commandée en chef par le général Bergeret; elle se divise en deux parties: l'une sous votre conduite, passera par le pont d'Asnières, l'autre, sous la conduite du général Bergeret, par le pont de Courbevoie, mais vous aurez tout le temps à (sic) vous tenir au courant de la marche de la colonne Bergeret et à ne marcher que d'après les indications de ce général.

« Pour vous éclairer, je fais partir immédiatement une petite colonne de 1,000 hommes sous les ordres du colonel d'état major Raduel qui vous assurera la tête du pont d'Asnières, et fouillera les environs pour s'assurer du libre passage. Elle restera continuellement à votre tête pour éclairer votre marche.

« Une autre colonne d'environ 1,000 hommes passe, en même temps, par le pont d'Asnières

(1) Archives. Dépêches, 30 mars.

(2) Décret du 1 avril: Brunel est mis en disponibilité; Eudes est délégué à la guerre.

(3) Archives. Dépêches, Etat-major général, 1er avril.

Etat-major Duval à Henri.

« Duval est parti avec sa colonne à cinq heures. Il est au plateau de Châtillon. Agissez pour le mieux de votre côté (1). »

Les gardes nationaux, trompés par des rapports mensongers sur les dispositions des troupes de ligne et des défenseurs du Mont-Valérien, croyaient faire une simple promenade militaire. Ils ne tardèrent pas à rencontrer les premiers postes de l'armée de Versailles, qui se replièrent d'abord en résistant à ces forces supérieures. Bientôt, la fusillade devint plus vive: les têtes de colonne s'arrêtèrent; le Mont-Valérien lança quelques volées de mitraille et coupa en deux la colonne Bergeret. Le feu cessa aussitôt; l'effet était produit. Les cris de trahison et de sauvequi-peut avaient été poussés; les troupes de la Commune tourbillonnaient et reprenaient le chemin de Paris dans le plus grand désordre. Elles ne furent pas poursuives et s'arrêtèrent dans leurs anciennes positions. Bergeret cependant se crut enveloppé. Il écrivait au crayon à Flou

rens:

« Mon cher Flourens,

« Arrive-nous vite avec tes hommes, nous ne sommes plus en nombre suffisant pour aller ca avant, il faut battre en retraite fièrement, mais vite, car nous sommes menacés d'être enveloppés.

« Je t'attends. » (2).

Flourens avait été tué dans un combat d'avantpostes.

La colonne de Duval n'avait pas mieux réussi. Sa droite engagée vers Meudon, sous les ordres d'Eudes, fut énergiquement repoussée le 3 avril. Le 4 avril, une brigade de l'armée régulière enleva la redoute de Chatillon qui tenait encore, et les gardes nationaux furent partout rejetés dans leurs anciennes positions.

L'armée s'installa dans Courbevoie.

L'alarme avait été grande dans Paris. Malgré la fermeture des portes, nombre de gardes natio naux avaient réussi à entrer dans la place, rapportant des nouvelles du combat. Des renforts, des munitions, des vivres étaient demandés de tous côtés. La générale était battue dans tous les quartiers, tous les bataillons de la garde nationale étaient mis sous les armes (3).

(1) Archives. Dépêches, 2 avril.
(2) Archives. Dépêches.

(3) Archives. Dépêches, 2 avril.

On dissimula avec effronterie les intentions des généraux et leur déroute complète. Les journées des 2 et 3 avril devinrent des faits d'armes où l'héroïque garde nationale avait repoussé les Versaillais. · La modération de l'armée dans sa poursuite devint la preuve de sa défaite. Voici, du reste, la proclamation du Journal officiel de la Commune:

« Les conspirateurs royalistes ont attaqué. Malgré la modération de notre attitude, ils ont attaqué; ne pouvant plus compter sur l'armée française, ils ont attaqué avec les zouaves pontificaux et la police impériale... (1). »

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Le décret des otages. Arrestations illégales et. pillages. La Commune ne fut pas dupe de cette comédie; elle sut ce qui s'était passé. Mais cette offensive prétendue du gouvernement de Versailles lui donnait un prétexte d'inaugurer tout un système de violences à l'intérieur de Paris, et de frapper les citoyens dont l'habit ou les hautes fonctions inspiraient la crainte quelquefois, la haine toujours. Reprenant donc le thème de la commission militaire, la Commune publia, le 4 et le 5 avril, des proclamations appelant aux armes le peuple de Paris contre le gouvernement du pays, et propagea les calomnies répandues contre les soldats de l'armée régulière.

Le 2 avril, elle décrète déjà la mise en accusation des chefs du pouvoir exécutif et des ministres, et la saisie de feurs biens jusqu'à leur comparution devant la justice du peuple.

Le 5, elle vote le décret des otages dont nous reproduisons les articles:

« 1° Toute personne prévenue de complicité avec le gouvernement de Versailles sera immédiatement décrétée d'accusation et incarcérée.

« 2° Un jury d'accusation sera institué dans les 24 heures pour connaitre des crimes qui lui seront déférés.

« 3° Le jury statuera dans les 48 heures.

a 4° Tous accusés retenus par le verdict du jury d'accusation seront les otages du peuple de Paris.

« 5° Toute exécution d'un prisonnier de guerre ou d'un partisan du gouvernement régulier de la Commune de Paris, sera sur-le-champ suivie de l'exécution d'un nombre triple des otages retenus en vertu de l'article 4 et qui seront désignés par le sort.

« 6 Tout prisonnier de guerre sera traduit devant le jury d'accusation, qui décidera s'il sera immédiatement remis en liberté comme otage. »

ou retenu

Ces décrets et celui du 2 avril prononçant la confiscation des propriétés des congrégations religieuses fut le signal des arrestations, des pillages sans nombre qui désolèrent la ville jusqu'au 28 mai. Des prêtres, des magistrats, des gendarmes, des citoyens de toutes les classes furent enfermés dans les prisons, sans mandat, sans motif et sans droit. L'insulte, les menaces, les mauvais traitements ne leur étaient pas épargnés, et ce ne fut pas seulement en vertu des ordres de la préfecture de police dirigée par Raoul Rigault que tant de citoyens furent arrachés de leurs demeures; tous les commissaires de police, les chefs de poste, de simples gardes nationaux, sur de vagues indices, une dénonciation anonyme, un propos, ordonnaient l'arrestation.

(1) Journal officiel de Paris, p. 132.

Le président Bonjean était détenu depuis le 21 mars. Mgr Darboy, Mgr Surat, les pères jésuites Clercq, Ducoudray et d'autres, l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine, l'abbé Allard, aumônier des ambulances, furent arrêtés le 4 et le 5 avril.

Les édifices consacrés au culte catholique, les presbytères et quantité d'habitations privées furent envahis, profanés, dévalisés. Pendant la période qui nous occupe, nous citerons : SaintEustache, envahi le 11 avril, Notre-Dame-de-Lorette, pillée le 13, Saint-Vincent-de-Paul, SaintJean-Saint-François, le 9, Saint-Martin le 24, Saint-Pierre, le 10, Notre-Dame-de-Clignancourt, le 12, Saint Leu, le 13, Saint-Bernard, le 13, Saint-Roch, le 15, Saint-Honoré, Saint-Médard, Saint-Jacques-du-Haut Pas, la chapelle Bréa, le 15 et le 16, Notre-Dame-de-la-Croix, le 17, SaintAmbroise, le 22, Notre-Dame de Bercy, brûlée plus tard, Saint-Lambert, Saint-Christophe, Saint-Germain-l'Auxerrois, Sainte-Marguerite, Saint-Pierre-de-Montrouge, du 28 au 30 avril. Après cette liste viendrait celle des communautés religieuses, des hôtels publics et particuliers, mais il faut restreindre cette énumération qui embrasserait tous les quartiers de Paris et se borner à indiquer les caractères généraux de ces crimes qui sont partout les mêmes.

Un commissaire de police ou un délégué militaire ou civil se présentait entouré de baïonnettes, insultait et arrêtait le clergé et procédait à une perquisition minutiense, sous prétexte de trouver soit des armes, soit la preuve d'intelligences avec Versailles. Les troncs étaient brisés et vidés; les vases sacrés, les objets de valeur d'or et d'argent, saisis et envoyés à la Monnaie ou au Garde-Meuble, et, pendant ce temps, les acolytes du délégué, les gardes nationaux faisaient disparaître tout ce qui leur tombait sous la main, médailles, menue-monnaie, etc., non sans avoir lacéré les tableaux, les étoffes, souillé les statues, l'autel, tous les objets du culte.

Enfin, l'église était réquisitionnée et on y installait un club où chaque soir la population venait applaudir les divagations et les motions sanguinaires de quelques énergumènes.

Les propriétés privées n'étaient pas mieux respectées. Chaque arrestation était accompagnée d'une perquisition et de vols nombreux. A l'archevêché, le 4 avril, les officiers du 84 bataillon se faisaient remettre par l'abbé Petit une somme de 4,688 fr. 50 et un inventaire complet des meubles et objets précieux. Ceux-ci furent enlevés le soir même dans le propre coupé de Mgr Darboy, en deux voyages.

Là encore, la chapelle n'avait pas été oubliée, et quand l'abbé Scheffer y pénétra le 6, il constata que tout avait été saccagé comme dans le cabinet de l'archevêque. Plus de calices, plus d'ornements, plus de flambeaux sur l'autel, les armoires brisées et vidées (1). Pendant les jours qui suivirent, de grandes voitures de déménagement emportèrent le gros du mobilier et 3,000 bouteilles de vin.

Un autre exemple entre mille.

Chaudey est arrêté, le 13 avril, dans les bureaux du Siècle, par le nommé Pilotell, commissaire de police, qui ne l'avait pas trouvé chez lui, et avait déjà essayé, mais en vain, de faire sauter la serrure du bureau. Il revient cinq jours après accompagné d'un serrurier, force la serrure, et sur 915 francs en glisse 815 dans sa poche en s'écriant avec emphase: « Il y a du sang sur cet or! » Chaudey était accusé d'avoir fait tirer sur le peuple le 22 janvier (2).

La nomenclature de tous les crimes et délits de ce genre n'aurait pas de fin et ne peut trouver place ici. Après les otages venaient les sus

(1) Dossier Letourneau, sous-lieutenant au 84 bataillon, condamné aux travaux forcés à perpétuité.

(2) Affaire Chaudey, 6 conseil.

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