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§. XIV. Erreur de M. de Cambrai, qui fait dépendre sa réputation de celle de madame Guyon.

M. DE CAMBRAI.

57. « Approuver le livre de M. de Meaux, » c'étoit, comme nous l'avons déjà vu, me cou» vrir d'une éternelle confusion, pour les temps » où j'avois estimé cette personne (1) ».

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58. En effet, il dit ailleurs : « M. de Meaux >> croit répondre d'un seul mot, en disant que » madame Guyon n'est plus abominable si elle » a quitté ses erreurs. Mais pendant qu'elle les enseignoit avec tant d'art, par un systême suivi » et soutenu, n'étoit-elle pas abominable? n'étoit» elle pas digne du feu? M. de Meaux se contente » de répondre qu'il ne la faut point brûler si elle » a renoncé à ses impiétés: mais IL SE GARDE » BIEN DE RÉPONDRE pour les temps où elle les » croyoit et les enseignoit, etc. (2) ».

RÉPONSE.

59. Il oublie tous les endroits de la Relation où j'excuse madame Guyon (3), par le repentir qu'elle témoignoit, et les temps passés par son ignorance. Quand il dit que l'ignorance n'excuse

pas des maximes si monstrueuses (4); il ne songe pas aux spécieuses paroles dont le quiétisme les couvre. Elles ne lui sont pas inconnues: lorsqu'une femme ignorante et trompée par ses directeurs

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revient de bonne foi, on l'humilie devant Dieu ; mais devant les hommes, on aime mieux la plaindre que de la blâmer: loin qu'on charge sur les ignorans, on excuse même les savans qui ont été éblouis s'ils se corrigent, on oublie ce qu'ils ont été, et on admire ce qu'ils sont.

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60. En tout cas, il n'y a point de réplique à ces argumens de la Relation (1): toute la chrétienté condamnoit ces livres : il les falloit condamner avec toute la chrétienté personne ne les excusoit sur l'intention de l'auteur: il ne falloit point leur chercher une si mauvaise excuse : si on ne savoit pas que M. de Cambrai eût laissé estimer ces livres, sa réputation demeuroit entière en approuvant le livre de M. de Meaux: si on le savoit, M. de Cambrai n'en étoit que plus obligé à se déclarer et à sacrifier sa réputation à la vérité qui la lui auroit bientôt rendue.

§. XV. Encore sur le secret.

M. DE CAMBRAI.

61. « Qui est-ce qui a parlé? Ai-je dit dans le » monde que M. de Meaux m'avoit proposé d'ap» prouver son livre? C'est M. de Meaux qui s'est » vanté de me faire approuver son livre pour » avoir une rétractation cachée sous un titre plus >> spécieux : c'est lui qui a publié ensuite que j'a>> vois refusé cette approbation promise: sans lui, » qui auroit jamais su que je ne voulois pas

(1) Relat. ibid. n. 18.

» achever de diffamer la personne de madame » Guyon (1) »?

RÉPONSE.

62. Avec tout son esprit, M. de Cambrai ne dira jamais que des minuties. On ne fait point un mystère d'avouer qu'on a demandé l'approbation d'un ami, c'est-à-dire qu'on s'est soumis à son jugement. J'ai pu dire sans façon, et aussi sans affectation, que j'avois demandé à M. de Cambrai la même grâce qu'à M. de Paris et à M. de Chartres; c'étoit pour l'Eglise un avantage qu'il ne falloit pas taire, de voir sur le quiétisme l'unanimité dans l'épiscopat entre ceux qui avoient traité cette matière.

63. Mais vous demandiez mon approbation comme une rétractation cachée : par où prouvet-on ce fait? Mais vous vous êtes vanté de cette approbation? En vérité et de bonne foi, étoit-ce tant de quoi se vanter, que M. de Cambrai approuvât mon livre? Ce prélat me fait bien enfant; mais avouons qu'il se fait en même temps Dien petit. Si le monde devoit entendre que l'approbation de mon livre fût une rétractation de la doctrine de madame Guyon par M. de Cambrai, qui n'avoit jamais rien donné sur ce sujet, le monde savoit donc bien qu'il lui étoit favorable.

64. Il veut que j'aie deviné qu'il avoit la réputation de madame Guyon si fort à cœur, qu'il en faisoit dépendre la sienne propre; et enfin que

(1) Rép. ch. v, p. 107.

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pour la sauver il inventeroit cette nouvelle question de fait, qui apprend à séparer l'intention d'un auteur d'avec toute la suite de ses paroles, et l'unique sens de son livre. S'il y a quelque exemple dans le monde d'une pareille illusion, je veux bien que l'on m'accuse de l'avoir prévue.

65. Mais qui sauroit, poursuit-il, qu'il avoit ménagé madame Guyon, si M. de Meaux ne l'avoit publié? comme si l'on ne savoit pas les choses qui parlent d'elles-mêmes. M. de Cambrai s'est bien aperçu que son nom ne paroissant pas avec les deux autres, on en verroit bien les raisons sans que personne se mît en peine de les publier: c'est par-là qu'il s'est engagé à composer son Mémoire, où, sans m'accuser d'avoir divulgué ce que tout le monde voyoit de soi-même, il remue tout pour s'excuser; mais en s'excusant, il s'engage; et il a si bien démontré que pour agir conséquemment il lui falloit soutenir madame Guyon, que tout le monde l'a cru.

ARTICLE VIII.

Sur les raisons de me cacher le livre des Maximes.

1. Tour ici se réduit à un seul point : si M. de Cambrai peut rendre raison pourquoi il m'a caché si soigneusement son livre des Maximes, qui ne devoit être qu'une plus ample explication des Articles et des principes de deux prélats dont j'é

tois l'un. Considérons les prétextes qu'il oppose aux raisons de la Relation (1).

§. I. Premier prétexte, tiré de ce qu'il m'avoit refusé son approbation.

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2. « J'aurois souhaité de faire examiner mon » livre par M. de Meaux; mais quelle apparence a de lui demander son approbation pendant que j'étois réduit à lui refuser la mienne (2) » ?

RÉPONSE.

3. Comme s'il disoit : J'avois manqué envers ce prélat en lui préférant madame Guyon et ses livres; il falloit manquer encore à toute la justice que je lui devois, en lui cachant ce que je disois pour expliquer ses principes, et en mettant au hasard la paix de l'Eglise.

§. II, Second prétexte : que j'étois piqué.

M. DE CAMBRAI.

4. « Je savois, par des voies certaines, combien » il étoit piqué de mon refus (3) »,

RÉPONSE.

5. Il vouloit croire que j'étois piqué de son refus, qui ne faisoit tort qu'à lui seul, à cause qu'il sentoit bien que j'avois raison de m'en plaindre, et il se montre du nombre de ceux qui

(1) Relat. Sect. v et v1. — (2) Rép. ch. v1, p. 113. — (3) Ibid.

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