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que

RÉPONSE.

23. On accorde à M. de Cambrai, puisqu'il le veut, qu'il pouvoit avoir bien d'autres vues celle d'être archevêque de Cambrai, et que 'c'étoit là peut-être la moindre de ses prétentions: mais quand on veut tout concilier avec madame Guyon : quand on veut la faire servir, par une nouvelle oraison, à une direction plus fine et plus absolue quand on a des engagemens qu'on ne peut plus rompre sans perdre ses meilleurs amis ; et qu'enfin on hasarde tout dans la confiance de tourner tout à ses fins par son éloquence: alors, malgré qu'on en ait, on prend de fausses mesures, et on change souvent de conduite.

:

§. VII. Autres mauvaises raisons.

M. DE CAMBRAI.

24. « Il falloit donc sans doute que j'eusse d'ail» leurs de bonnes raisons de me cacher à M. de » Meaux seul, à qui j'avois voulu me soumettre >> autrefois avec une confiance sans bornes ».

RÉPONSE.

25. On voit dans la Relation (1) des raisons bien naturelles de ce changement : c'est qu'on vouloit sauver madame Guyon : c'est qu'en tournant les pensées de cette femme, on lui préparoit une secrète apologie: c'est que l'on commentoit à sa mode les Articles où sa doctrine

(1) Relat. 17. sect. n. 25, etc. v. sect. n. 1, 6, 14, 17, 23. etc.

étoit trop visiblement condamnée : à peine furentils signés qu'on songeoit à y trouver ce qui n'y est pas c'étoit depuis un long temps, et dès le commencement, qu'on méditoit cet ouvrage. Dans ce dessein M. de Meaux étoit incommode, parce qu'on sentoit, dans sa conscience, que le livre qu'on préparoit, étoit contraire aux principes dont on étoit convenu avec lui. En un mot, il étoit suspect: on le sentoit opposé aux illusions, et prévenu contre les mystiques (1) de la nouvelle manière, contre madame Guyon, contre Molinos à qui on vouloit donner de belles couleurs. Dans un état privé et particulier il avoit bien fallu garder avec lui quelques mesures : mais dès qu'on est archevêque, et qu'on peut parler avec plus de force et moins de crainte, on ne songe qu'à s'affranchir d'un joug importun.

26. M. de Cambrai me veut faire accroire qu'en parlant ainsi je me donne pour plus éclairé que les autres le trait est malin, mais grossier. Veut-on nier ce qui est dit dans la Relation (2), que chacun a ses yeux et sa conscience: qu'on s'éclaire les uns les autres ; et que celui dont l'espérance est dans la surprise, veut avoir le moins de témoins qu'il peut? Voilà pourquoi on m'éloignoit : quand, avec la liberté et la confiance que donne la vérité, j'aurois osé dire, comme moins sage, que mon âge, mon expérience, mon application à cette affaire que j'avois vue dès son origine, me pouvoit mériter peut-être quelque (1) Rép. ch. 1, p. x4. — (2) Relat. v. sect. n. 1.

égard particulier, qui me reprendroit? Quoi qu'il en soit, demandois-je trop en demandant le concours et le concert pour ne point hasarder la paix de l'Eglise? Encore un coup, demandois-je trop en demandant le concert que j'avois pratiqué moi-même en soumettant mon livre à la correction de M. de Cambrai? C'est de quoi il falloit rendre de bonnes raisons, et non pas jeter en l'air de belles paroles. Voyons néanmoins ces raisons pressantes que nous vante M. de Cambrai.

M. DE CAMBRAI.

27.« M. de Meaux me donnoit à tous ses amis » pour un homme qu'il alloit faire rétracter une » seconde fois sous un titre spécieux (1) ».

RÉPONSE.

28. Où est la preuve? M. de Cambrai me parle ainsi : « Si j'ai donné les livres de madame Guyon » à tant de gens, il n'aura pas de peine à les » nommer: qu'il le fasse donc (2) »? Je pourrois lui dire de même : Qu'il me nomme un seul de ces amis qui m'ont déféré à lui? Il en revient trente fois à cette rétractation sous un titre plus spécieux qu'on lui proposoit en approuvant mon livre: qu'il montre ce beau projet par une seule de mes paroles: qu'il y pense bien : c'est lui qui m'accuse, et c'est à lui à prouver. On n'oblige point celui qu'on accuse à prouver une négative: je le ferai pourtant, et bientôt; mais en atten(1) Rép. ch. vi, p. 117. —(2) Ibid. ch. 1, p. 21.

dant, il faut qu'il porte la confusion de m'accuser

sans preuve.

M. DE CAMBRAI.

29. « Il m'avoit tendu (M. de Meaux) un piége >> très-dangereux pour me jeter entre deux ex» trémités, et me réduire à son point (1) ».

RÉPONSE.

30. Ce piége très-dangereux étoit de condamner avec moi les livres de madame Guyon « dans » leur sens vrai, naturel, propre, unique, selon » toute la suite du texte et la juste valeur des >> termes », sans vouloir distinguer ce sens de l'intention de l'auteur. Ces deux extrémités étoient

ou de rompre avec ses confrères pour favoriser madame Guyon, ou de sacrifier les livres de cette femme à l'unité de l'épiscopat. Ce point où je voulois le réduire, étoit de continuer notre saint concert dans l'explication comme dans la signature des Articles: c'étoit en effet un piége trèsdangereux à qui vouloit les éluder.

M. DE CAMBRAI.

31. « Il étoit vivement piqué de mon refus, et >> il le faisoit assez entendre ».

RÉPONSE.

32. Il a déjà dit la même chose presque en mêmes termes; et je le remarque pour faire voir

(1) Rép. ch. v1, p. 117.

que

que destitué, comme on voit, de bonnes raisons, il croit faire valoir les mauvaises à force de les répéter.

M. DE CAMBRAI.

33. « Il ne songeoit plus à garder le secret. » Quoi: disoit-il, il va paroître, etc. tout le » monde verra, etc. quel scandale! quelle flé» trissure! Il comptoit donc que mon secret al»loit devenir public en ses mains ».

RÉPONSE.

34. Il est vrai je parlai ainsi à celui qui me vint déclarer de sa part qu'il me refusoit son approbation de peur de condamner madame Guyon. Ce n'étoit pas moi qui étoit à craindre dans la fâcheuse divulgation de ce secret; nous avons vu que c'est lui-même qui le faisoit éclater par l'effet inévitable de son refus.

M. DE CAMBRAI.

35. «En cet état devois-je encore une fois me » livrer à lui: je ne m'y étois que trop livré ».

RÉPONSE.

36. En quoi trop; et qu'avois-je fait, il y avoit déjà long-temps, et dès le commencement, lorsqu'il se cachoit de moi avec tant de soin? Qu'avois-je fait, encore un coup, sinon de lui proposer avec M. de Paris et M. Tronson la signature des Articles? il commençoit donc à se reBOSSUET. XXX.

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