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c'est cet amour que j'attaque comme chimérique; comme dangereux, comme ruineux à l'espérance chrétienne. M. de Cambrai, qui ne cesse d'alléguer l'Ecole, ne sauroit nous produire un seul théologien pour son amour du cinquième rang distingué de l'amour du quatrième. Il ne s'agit pas de tirer ici des conséquences qu'on lui conteste il s'agit de nous nommer un théologien qui ait connu ce cinquième amour qu'il a distingué du quatrième, et qui fait tout le sujet de son livre il ne l'a pas fait, il ne le fera jamais. Ainsi il donne le change, quand il nous fait attaquer le vrai pur amour de l'Ecole, sous prétexte que nous rejetons le sien qui est faux.

:

Fausses im- 6. Sans entrer ici dans le fond, il me suffit de putations que me fait montrer qu'il change visiblement tout l'état de la M. de Cam- question, puisqu'il dit « que M. de Meaux met brai dans sa » encore le quiétisme dans la définition de la

Réponse.

Suites af

>> charité reconnue de toutes les Ecoles (1) ». On ne peut pas m'imposer plus visiblement. La source du quiétisme n'est pas la définition de la charité qui constitue son quatrième degré, que je reconnois avec lui: mais la source du quiétisme est dans son cinquième degré, que ni l'Ecole, ni moi, ni aucun auteur ne connoissent. Ainsi il nous impute en termes formels tout le contraire de ce que nous disons, pour se donner à l'Eglise comme le seul défenseur du pur amour qui n'est point attaqué.

7. Le pur amour qu'il établit a des suites (1) Rép. p. 41.

pur amour de M.

affreuses, puisqu'il prépare la voie à des désirs freuses du généraux des volontés connues et inconnues de faux Dieu; à l'indifférence du salut; au sacrifice ab- de Cambrai. solu; aux convictions invincibles; aux acquiescemens simples à sa juste condamnation; à l'abandon absolu de l'ame, jusqu'à ne se laisser aucune ressource; à la séparation de ses deux parties, pour faire compatir ensemble l'espérance et le désespoir. Ainsi quand M. de Cambrai répond sans cesse, que son amour pur n'est qu'abstrac tif, il abuse manifestement de la foi publique, et d'une distinction qui est bonne, mais mal appliquée.

8. Son amour pur est exclusif en deux manières : en premier lieu, parce qu'il exclut le motif de l'espérance dans l'ame parfaite; ce qui se démontre en ce que tout son progrès aboutit enfin au sacrifice absolu du salut et à un vrai désespoir.

Que l'amour pur de M. de

Cambrai est

exclusif du motif de l'esl'état parfait. pérance dans

Le désir de

exclus du

9. Il est exclusif d'une autre manière, en tant qu'il exclut de l'acte de charité le désir de la la jouissance jouissance, où consiste la perfection de l'amour faux acte d'acausé par la claire vue ; ce qui contraint à sépa- mour pur. rer de l'amour pur le désir d'aimer parfaitement à jamais comme qui diroit que pour aimer purement, il faut cesser de désirer d'aimer purement ce qui est le comble de l'illusion et de l'erreur.

Principe contraire à l'amour pur

10. Pour déraciner à fond une illusion si absurde et si dangereuse, il faut absolument déterminer que la charité, outre le motif primitif et de M.deCam

brai.

Démonstra

tion par la parole de

Dieu.

principal de la gloire de Dieu considéré en luimême, a pour motif second et moins principal, et qui se rapporte à l'autre, Dieu comme communicable et comme communiqué à sa créature: mais pour être le motif second et moins principal, il ne s'ensuit pas qu'il soit séparable; de sorte que le dénouement de toute la difficulté, est que l'Ecole, comme je l'ai dit (1), a bien ordonné et arrangé, mais non jamais séparé les motifs d'aimer.

11. La parole de Dieu y est expresse : « Vous >> aimerez le Seigneur votre Dieu (2) » : le Seigneur : il est excellent et parfait dans sa nature : votre Dieu : il est communicatif : il vous ordonne de l'aimer, << afin que vous soyez heureux : ut bene » sit tibi: parce qu'il vous est uni : patribus tuis conglutinatus est Dominus: aimez donc le Sei» gneur votre Dieu : ama ergo Dominum Deum » tuum ». Voilà les motifs unis et inséparables exprimés dans le précepte : l'Ecole vient là-dessus, et arrange ces motifs sans les séparer le premier et le spécifique, comme elle parle, est l'excellence de Dieu considéré en lui-même : le second et moins principal, mais néanmoins inséparable dans le précepte même, est qu'il est nótre, ce qui emporte qu'il est communicatif: la charité regardée dans son motif primitif et spécifique est indépendante de ce motif; l'Ecole le dit, et on l'en peut croire sans péril : la charité est indépendante de la vue de Dieu communicatif, (1) Rép. à quatre Lett. n. 14. — (9) Deut. VI, X, XI,

comme d'un motif second et moins principal excitatif et augmentatif, mais néanmoins inséparable du premier; l'Ecole ne le dit pas, et il n'étoit pas permis à M. de Cambrai de l'a

vancer.

Ma pensée

12. Ainsi quand il me reproche à toutes les pages (1) « que je mets la source du quiétisme mal prise. » dans l'amour indépendant de la béatitude », et de Dieu communicatif et communiqué; il m'impose, comme on vient de voir, puisque je ne fais que rejeter un mauvais sens que je démontre contraire à toute l'Ecole.

Preuve de mes senti

mens par M.

13. Telle est la doctrine que nous soutenons contre Molinos, contre Malaval, contre madame Guyon, contre M. de Cambrai qui est venu le de Cambrai dernier de tous leur prêter toutes ses plus belles même. couleurs. J'ai montré (2) qu'il est lui-même demeuré d'accord que je distinguois les objets de la charité « premiers et seconds, et que j'établis » l'excellence de la nature divine mise en elle» même comme l'objet primitif et spécifique de » la charité (3) », qui est le but de l'Ecole : tout ce que dit ce prélat pour obscurcir mon sentiment appartient au fond, et n'empêche pas qu'il ne soit constant dans le fait, de son propre aveu, que l'autorité de l'Ecole est entière dans tous mes écrits.

14. Quand donc il me dit ailleurs (4): « Il est

(1) Rép.p. 6, 157, etc.— (2) Rép. à quatre Lett. n. 16.— (3) III. Lett. à M. de Meaux, p. 5, 6, 7, 8, etc. — (4) III. Lett. pour serv. de rép, etc. p. 35.

Autre fausse imputation.

Vain discours et fait mal posé.

Offre de M.

de Cambrai.

» visible que vous n'admettez le motif secondaire » de la charité que pour appaiser l'Ecole par » cette mitigation apparente », il me donne un dessein indigne d'un théologien : mais en même temps il oublie que j'ai pris ces termes et cette doctrine des deux princes de l'Ecole, saint Thomas et Scot, comme je l'ai démontré ailleurs (1),

15. Et quand ce même prélat veut qu'on croie sur sa parole et sans preuve, que j'ai voulu condamner l'amour désintéressé (2), dans la défense duquel expressément je fais concourir tous les docteurs scolastiques, comme il paroît par tous les endroits qu'on vient de citer; la bonne foi lui devoit avoir imposé silence.

16. Lorsqu'il met en fait cet article : « L'E» cole, qu'on m'opposoit sans cesse, s'est tournée >> contre M. de Meaux sur la charité (3) »: on diroit qu'il a obtenu contre moi le décret du moins de quelque fameuse Université; mais cela n'est pas, et il a tenté vainement de soulever les plus célèbres.

17.

Il me fait pourtant ailleurs une belle offre, et c'est d'assembler l'Ecole, pour lui faire dire ce qu'elle a cru depuis cinq cents ans. Que prétend-il? quoi, de mettre ensemble toutes les Ecoles, ou d'en consulter quelques-unes sur une matière qui va être jugée par le Pape? C'est ce qu'il demande; et il ne cesse de nous proposer quelque nouveau procédé. Il a fait ce qu'il a pu pour émou(1) Schola in tut. q. IV, n. 82, 83, etc. (2) Rép. p. 39. ➡ (3) Ibid. p. 161. (4) III. Lett. pour servir de rép. etc. p. 27.

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