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voir les Universités : il les a sérieusement averties de prendre garde à un prélat qui « par de secrètes » machinations avoit entrepris de détruire leurs » communes notions (1) » : il a tâché d'exciter l'Eglise romaine : « Voilà, dit-il (2), mes senti» mens sur la charité; voilà ce qui mérite d'être » examiné de bien près par l'Eglise romaine, et » ce que je suppose que M. de Meaux lui soumet » aussi absolument que je lui ai soumis mon livre. » C'est là-dessus, dit-il ailleurs (3), que nous pou>vons demander au Pape un prompt jugement : > c'est là-dessus que M. de Meaux doit être aussi > soumis que moi c'est cette soumission : qu'il » devoit avoir promise il y a déjà long-temps, » par rapport à toutes les opinions singulières » que j'ai recueillies de son premier livre » : c'est celui sur les Etats d'Oraison. Vain artifice pour introduire une nouvelle question, et faire donner des examinateurs à mon livre comme au sien. Mais il crie en vain rien ne s'émeut: ma foi, qui n'est suspecte en aucun endroit, ne demande point de déclaration particulière de ma soumission; c'est que je m'attache au chemin battu par nos Pères : je ne veux point donner un spectacle au monde ami de la nouveauté, ni étaler de l'esprit, en montrant qu'on peut tout défendre. On a vu ailleurs (4) ce qui s'est passé sur mon livre: et les récriminations de M. de Cambrai n'ont eu d'autre effet que de faire voir d'inutiles ten

(1) Resp. ad Sum. p. 5. — (2) Rép. p. 109. — (3) Ibid. p. 169. — (4) Relat. vi. sect. n. 7.

Déclaration à M. de Cambrai.

Vain argu

de Cambrai

Sorbonne.

tatives pour embrouiller une affaire toute en état.

18. Nous déclarons donc à M. l'archevêque de Cambrai qu'on ne lui fera jamais de procès sur des opinions d'Ecole : tous les passages qu'il cite de moi, au préjudice d'une déclaration si expresse, sont tronqués ou pris manifestement à contre-sens je ne puis pas entreprendre ici cette discussion déjà faite; que le lecteur en fasse l'épreuve : il verra qu'on m'impose partout, et que les passages contre lesquels M. de Cambrai se récrie le plus, sont justement ceux où son tort est plus sensible.

19. Il fait connoître que ma foi sur la charité ment de M. lui étoit suspecte il y avoit déjà long-temps, et dès tiré de mes le commencement qu'il me mit en main l'affaire disputes de de madame de Guyon. « Je n'ignorois pas, dit-il (1), » son opinion sur la charité, qu'il avoit déjà pu» bliée avec beaucoup de vivacité dans les thèses » où il présidoit ». Malheureuse vivacité, s'il en reste encore à mon âge, qui m'attire tant de reproches de M. l'archevêque de Cambrai! Il faudroit pourtant marquer les excès où elle m'auroit emporté. Mais quoi, mes disputes de Sorbonne seront une preuve contre moi; et si, selon la coutúme, pour exercer un habile répondant, je m'avise de lui proposer avec force quelque argument contre de saines doctrines, M. de Cambrai m'en fera un crime? C'est ce qu'on présume quand on

(1) Rép. p. 24.

se voit en état de faire valoir par son éloquence jusqu'aux moindres choses.

Autre ar

20. Si je suis suspect sur la charité par mes argumens de Sorbonne; d'autre part je suis outré gument tiré de mes thêsur cette matière dans les thémes que je donnois mes. à monseigneur le Dauphin (1). C'étoit en abrégé l'Histoire de France: M. de Cambrai n'y trouvoit rien à reprendre, puisque cette Histoire abrégée a fait partie des leçons de monseigneur le duc de Bourgogne, et souvent on m'a fait l'honneur de m'admettre à cette lecture. Voici maintenant ce qu'on y trouve : c'est que j'y ai rapporté l'Instruction de saint Louis à sa fille Isabelle, où il lui disoit : « Ayez toujours inten>>tion de faire purement la volonté de Dieu par » amour, quand vous n'attendriez ni punition » ni récompense ». Qu'y a-t-il de nouveau dans ces paroles? ce sont là de ces suppositions impossibles qu'on trouve dans tous les livres : la question est, si en les faisant on peut s'empêcher de nourrir secrètement dans son cœur le chaste amour de la récompense, qui est Dieu même : et si cette récompense, au lieu d'affoiblir le pur amour, n'est pas un moyen de l'enflammer, de l'accroître, de le purifier davantage. N'est-ce pas amuser le monde, que de tirer un avantage particulier des paroles dont tout le monde est d'accord? J'en dis autant de cette femme tant

louée par saint Louis, « qui vouloit brûler lẹ

(1) III. Lett. de M. de Cambrai pour servir de rép. à celle de M. de Meaux, p. 49.

Etranges paroles de M.

» paradis, et éteindre l'enfer, afin qu'on ne ser» vît Dieu que par le seul amour ». Quoi, le paradis qu'elle vouloit brûler, étoit-ce l'amour éternel causé par la vision de la beauté infinie, et par la parfaite jouissance du bien véritable? Vouloit-elle éteindre dans l'enfer la peine d'être privé de Dieu; et son dessein étoit-il de rendre les hommes insensibles et indifférens à cette pris vation? S'ils n'y sont pas insensibles, ils sont donc sensibles au désir de cet amour éternel qui rend les hommes bienheureux. Si l'on dit que le désir de cet amour, au lieu d'enflammer l'amour pur, l'affoiblit et le dégrade, ou qu'on le puisse séparer de l'amour de Dieu, on confond toutes les idées et de la raison et de la foi. Je n'en veux pas davantage; et avec cette seule vérité toutes les exclamations de M. l'archevêque de Cambrai tombent dans le froid.

21. Je suis étonné de ces paroles: << Pour moi l'archevêque » je n'ai jamais proposé ce pur amour à monseide Cambrai » gneur le duc de Bourgogne (1) » : par où il sur ces the- achève de nous montrer qu'il n'y a rien de sé

mes.

rieux dans ses discours car en premier lieu comment peut-il dire qu'il n'a jamais proposé cet amour à monseigneur le duc de Bourgogne ? n'étoit-ce pas lui en parler assez, que de lui faire lire avec attention et approbation cet abrégé de l'histoire, qui avoit fait le sujet des thêmes de monseigneur le Dauphin? En second

(1) Rép. p. 50.

lieu, quelle finesse trouve-t-il à n'avoir jamais parlé d'un tel amour au grand prince qu'il instruisoit? où étoit l'inconvénient de lui faire lire les sentimens de saint Louis? Ne sont-ils pas en effet, comme il remarque lui-même que je l'ai dit dans cet abrégé, un héritage que ce saint roi a laissé à ses descendans, plus précieux que la couronne de France? pourquoi priver de cet héritage monseigneur le duc de Bourgogne si capable de le recueillir? En troisième lieu, ce pur amour, que saint Louis enseignoit à ses enfans, est-il d'une autre nature que celui que toute l'Ecole attache à la charité toujours désintéressée selon saint Paul? En quatrième lieu, il montre donc que sous le nom de pur amour il entendoit son pur amour du cinquième rang : c'est celui-là que j'accuse d'être la source du quiétisme; et nous devons louer Dieu s'il ne l'a jamais enseigné à monseigneur le duc de Bourgogne, puisqu'il n'a jamais dû ni le défendre lui-même, ni l'enseigner à personne; n'y ayant rien de plus indigne de la théologie chrétienne, que d'établir un pur amour qu'on n'ose proposer aux enfans de Dieu, ni même en entretenir un âge innocent.

Dernière

conclusion

22. C'est néanmoins pour ce pur amour que combat M. de Cambrai : il combat pour un pur contre le pur amour, qui non-seulement est inaccessible aux amour de M. saintes ames; mais encore les trouble et les scan- de Cambrai. dalise (1). Nous lui laissons ce pur amour, puis(1) Max. des SS. p. 34, 35.

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