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l'autorité du concile de Trente, Sess. vi, chap. xi, et Can. 31.

par

Vous citez souvent Sylvius, et vous paroissez déférer à ses sentimens. Vous y trouverez la même conclusion (1), en y ajoutant qu'elle est de foi par la parole de Dieu écrite et non écrite, et en particulier par la décision expresse du concile de Trente au chapitre en question, et au canon 31.

Tout cela se dit par ces auteurs, en vue d'établir la bonté et l'honnêteté de l'acte de l'espérance, vertu théologale, où l'on désire la récompense éternelle.

Suarez, dans le Traité de cette vertu, demande (2) : « Si c'est un acte honnête de l'espé»rance, que d'agir en vue de la récompense » éternelle? Utrum operari intuitu æternæ retri»butionis, sit actus Spei honestus? et il répond en >> cette sorte: « Lutherani damnant actum illum » tanquam omnino malum: primò quia non licet » illam spem ponere in operibus et meritis. Se» cundò, quia quod non procedit ex puro amore, » ordinat Deum ad nos, quod est inordinatum. » Nihilominus dico: operari propter retributio» nem æternam, per se bonum est et honestum ; » c'est-à-dire, les Luthériens condamnent cet acte » comme tout-à-fait mauvais; premièrement, » parce qu'il n'est pas permis de mettre cette es» pérance dans les œuvres et dans les mérites; et » secondement, parce que ce qui ne procède pas » du pur amour, rapporte Dieu à nous; ordinat

(1) 2. 2. quæst. 27. 3. p. 170.— (2) De spe, Disp. 1, sect. 5, n. 1.

» Deum ad nos; ce qui est désordonné ». Voilà donc les Luthériens fondés sur le pur amour, aussi mal à propos que les Quiétistes, quoique par un autre tour: et voici la résolution de Suarez sur cette difficulté : « Je dis néanmoins qu'il >> est bon et honnête de soi d'agir pour la récom» pense éternelle » : à quoi il ajoute, que cette proposition, où il s'agit, comme on voit, de l'acte de l'espérance chrétienne, est de foi; à cause qu'elle est définie dans le concile de Trente. Sess. vi, chap. xi, et Can. 31.

XI,

En un mot, sans perdre le temps à nommer les théologiens l'un après l'autre, on met en fait qu'il n'y en a point, depuis le concile de Trente, qui, bien éloigné de votre interprétation, n'ait suivi positivement le contraire, que les paroles de ce saint concile présentent seules à l'esprit.

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Après cela on s'étonne des paroles de votre Lettre (1)« Supposons que je me sois trompé » dans cette explication du concile, et que je l'aie » mal cité; c'est un fait qui n'importe rien au dogme ». Quoi, Monseigneur; une explication que vous donnez seul, où vous avez contre vous tous les docteurs, où vous n'en sau iez citer un seul pour vous, n'importe rien au dogme: une explication d'un décret de foi contraire à l'intention de toute l'Eglise sera un fait indifférent: où en est la foi, si on laisse passer cette maxime?

Mais vous apportez une raison : « c'est, ditesvous (2), que si le concile avoit parlé de l'espé(1) I.re Lett. à M. de Chartres, p. 43. — (») Ibid.

»rance, vertu théologale, il ne se seroit pas con» tenté de dire qu'elle n'étoit pas un péché >>: donc, concluez-vous, il vouloit parler d'une autre chose, et de l'imparfaite mercénarité. Quoi, dans une affaire de dogme, où vous ajoutez au concile un terme qui n'y fut jamais; pour toute preuve, et au préjudice du consentement exprès et unanime de tous les docteurs, vous alléguez un raisonnement pris dans votre esprit? Est-ce ainsi que vous traitez la théologie? Mais encore, combien est foible ce raisonnement? Le concile dit seulement que l'action dont il parle n'est pas un péché ; donc il ne parle pas de l'espérance, vertu théologale (1). Mais si c'est de cette espérance que parlent les Protestans, contre lesquels vous convenez que décret est dressé; s'ils ont osé assurer que cet acte de l'espérance étoit illicite, indigne d'un chrétien, et par conséquent un péché; le concile ne pourra-t-il pas condamner la contradictoire, et décider que c'est une erreur contraire à la foi orthodoxe, de dire qu'un tel acte soit péché? Où prenez-vous, Monseigneur, ces nouveaux principes, et quelle règle nous donnez-vous pour expliquer les conciles?

le

C'est un fait constant que Luther ne reconnoît la vraie vertu de l'espérance que dans l'acte, où en adhérant aux promesses de la rémission des péchés, on se les applique en particulier par la croyance certaine qu'ils sont remis à chacun de nous, et que c'est là ce qui constitue notre justification. Pour l'acte où l'on regarde le repos et

(1) Max. p 19.

bien invinci

ble.

la récompense éternelle, Luther et les Luthériens soutiennent qu'en les pratiquant on est de ceux dont saint Paul a dit: Omnes quærunt quæ sua sunt on cherche son intérêt, et non pas celui de Jésus-Christ. Telle est la doctrine de Luther, comme Suarez l'a posée en très-peu de mots. N'est-il pas permis au concile d'opposer la contradictoire à un dogme si pervers?

:

Mais quoi qu'il vous plaise de supposer, encore êtes-vous bien loin de votre compte. Il n'est pas vrai que le concile se soit contenté de dire que l'espérance de la récompense n'est pas un péché il la met au rang des désirs les plus vertueux, quand il l'attribue à des ames aussi parfaites que celle de David et de Moïse, dont l'un a dit, qu'il a incliné son cœur à garder les commandemens divins, à cause de la récompense (1); et saint Paul a dit de l'autre, qu'il y regardoit (2), dans l'acte éminent, où il préféra l'opprobre de Jésus-Christ à tous les trésors de l'Egypte, et à toutes les grandeurs du monde. Aspiciebat enim in remunerationem.

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III. Il faut avouer que M. de Chartres vous presse Argument de M. de Char- ici d'une manière bien vive voici vos paroles tres, com- qu'il produit (3): « Parler ainsi, dites-vous, c'est » parler sans s'éloigner en rien de la doctrine du » saint concile de Trente, qui a déclaré contre » les Protestáns, que l'amour de la préférence, » dans lequel le motif de la gloire de Dieu » est le motif principal auquel celui de notre » propre intérêt est subordonné, n'est point un (1) Ps. cxvIII. 112.- − (2) Heb. x1. 26. — (3) Lett. past. p. 45.

» péché ». Sur ces paroles expresses de votre livre des Maximes (1), où vous parlez du propre intérêt comme de la chose dont le concile a défini, contre les Protestans, que ce n'est pas un péché, ce docte prélat a formé ce raisonnement :

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Joignons, dit-il (2), présentement les paroles > du concile de Trente à la définition de l'amour » mélangé, et de préférence donnée par le livre, » et mettons la preuve dans la forme de l'Ecole. >> Le motif moins principal, qui est l'intérêt pro» pre, rapporté et subordonné à la gloire de » Dieu, est la même chose que la récompense » éternelle, que le saint concile de Trente subor

donne au désir principal de la gloire de Dieu, » (dans le passage cité): or, est-il que ce second >> motif de la récompense éternelle, dans le sens » du concile de Trente, est un motif surnaturel » qui excite la paresse des justes, et les encourage » à marcher dans la carrière, tel qu'il étoit dans » Moïse et dans David; donc le motif de l'intérêt >> propre dans le livre de l'Explication des Maxi» mes, est un motif d'intérêt surnaturel, et non >> une affection naturelle, laquelle n'est plus, se>> lon l'auteur, dans les parfaits, comme Moïse et » David ».

Voilà contre vous, Monseigneur, la plus claire et la plus complète démonstration que l'on pût faire. Il s'agissoit de montrer que l'intérêt propre, selon votre livre, étoit quelque chose de surnaturel, et non pas votre affection naturelle. On (2) Lett. past. p. 46.

(1) Max. p. 19.

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