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vous plaît dans les oreilles crédules: vous hasardez tout sur cette confiance, et sur le fond inépuisable d'explications dont vous vous sentez plein. Faut-il se taire sur cela, ou bien avertir les peuples d'y prendre garde?

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REMETTONS le fait en peu de mots. Pressé par

J.

On remet

M. de Chartres, sur l'espérance chrétienne que le fait.
vous ôtiez aux parfaits dans vos Maximes, sous
le nom d'intérêt propre, vous lui envoyâtes une
ample Explication, où, sans songer à votre clef
d'amour naturel, ni à celle de motif pris pour
principe intérieur, où vous mettez maintenant
votre confiance, vous tâchiez de sauver l'espé-
rance selon les notions communes que tout le
monde avoit prises d'abord dans votre livre :
vous faisiez donc voir que vous entendiez comme
les autres, ces deux termes sur lesquels tout le
livre roule ce qu'ayant changé depuis par de
nouvelles explications qui n'avoient plus rien de
commun avec celle-là, deux vérités se sont dé-
couvertes; l'une que votre première Défense vous
a paru însoutenable, puisque vous étiez contraint
de l'abandonner et l'autre, que vos secondes
Défenses d'amour naturel et de principe intérieur
n'étoient pas du premier dessein de votre livre,
puisque votre Explication aux pressans Argumens
de M. de Chartres, n'en disoit mot.

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Démonstra

Chartres

tre pastorale;

pe de cette démonstra

tion.

La Démonstration de M. de Chartres consiste

tion de M. de principalement dans les oppositions que ce prélat a montrées entre cette première Explication et dans sa Let celles qui ont commencé à paroître après dans Aveu du pre- votre Instruction pastorale (1). Il ne faut point ici mier princi- perdre le temps à prouver cette opposition. Votre Instruction pastorale fait rouler, comme on vient de voir, tout le dénouement de votre livre des Maximes sur deux choses, qu'il faut toujours avoir devant les yeux : Premièrement, sur l'intérêt propre, que vous prétendez avoir pris pour un amour naturel de nous-mêmes (2) : et secondement, sur le terme de motif, que vous dites avoir entendu non comme l'objet ou la fin qui nous détermine à vouloir, mais comme le principe (intérieur) d'amour par lequel on agit, et la passion qui remue le cœur (3); tout cela ne se trouve point dans votre première Explication adressée à M. de Chartres; vous en convenez, et c'est aussi ce qui paroît par la seule lecture; par conséquent de votre aveu propre, vous avez manifestement varié sur le fond de votre livre, et vos secondes Explications ont démenti les premières.

Cet aveu est évident par votre première Lettre en réponse à la Lettre pastorale de M. de Chartres; puisque, pour sauver la variation manifeste de vos écrits dans le dénouement essentiel de votre systême, votre seul expédient est de convenir, que dans cette première Explication, ce

(1) Lett. past. de M. de Ch. p. 66, 67, 68, 69. — (2) Inst. past. de M. de Cambrai; p. 9, 12, 93, 100, 101, 103. (3) Ibid.

p. 10, II.

n'est pas votre véritable sentiment que vous avez exposé à ce prélat; « que vous vous êtes accom» modé à sa pensée et à son langage: et que vous » avez procédé avec lui par cette sorte d'argu»ment que l'Ecole appelle ad hominem (1) ». Voilà toute votre Réponse, et il s'agit maintenant d'examiner si cela est ainsi que vous prétendez dans votre Lettre.

IH.
Sur le dou-

ble sens du

livre des Ma

ximes, selon

Pour amener vos lecteurs à votre pensée, vous proposez un systême étrange de votre livre des Maximes: vous supposez « que sans avoir jamais » voulu donner un double sens à ce livre, il ne la nouvelle >> laisse pas d'être vrai qu'il a été pris en deux » sens différens (2) »: non point par des ignorans, ou par des personnes indisposées contre vous, mais par vos meilleurs amis et vos défenseurs: car vous ajoutez ces paroles : « Divers habiles

théologiens que je consultai, dites-vous, depuis » le grand éclat contré mon livre, me pressèrent >> beaucoup de me borner à la première Explica» tion », qui étoit celle où l'intérêt propre se prend pour le salut éternel et pour l'objet de l'espérance chrétienne, « et ils m'assuroient tous » qu'ils soutiendroient sans peine le texte du livre » dans le même sens, sans recourir à l'autre » ; qui étoit celui de l'intérêt propre pris pour l'amour naturel. Bien plus : «< dans la suite, pour» suivez-vous (3), il me revint de Rome que divers » savans théologiens y pensoient précisément la » même chose », c'est-à-dire, qu'ils soutenoient (1) I. Lett. de M. de Camb. en rép. p. 55, 56, 59, 67, 76. (2) I.Te Lett. p. 55. (3) Ibid. 63. p.

Lettre à M.

de Chartrcs.

le texte du livre au sens de l'intérêt propre pris

pour ·le salut, mais vous êtes, dites-vous, demeuré ferme au sens de l'amour naturel, qui, selon vous, étoit le vôtre. Voilà déjà une étrange idée: un livre qui a un double sens, non point en un endroit seulement, mais dans tout son texte, que d'habiles théologiens veulent soutenir dans un sens qui étoit contraire à l'intention de l'auteur qu'ils avoient dessein de favoriser : que de savans défenseurs du même auteur à Rome étoient de même sentiment, persuadés par conséquent qu'ils entendoient mieux l'auteur que l'auteur ne s'entendoit lui-même. Un pareil systême est unique dans le monde, et vous n'en sauriez rapporter d'exemple. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est que vous-même vous soutenez ces deux sens, et que tout fidèle que vous vous fassiez au sens de l'amour naturel, qui dès le commencement, à ce que vous prétendez, étoit le vôtre; vous faites de si grands efforts dans toute une longue Explication à mettre le sens contraire dans l'esprit de M. de Chartres.

>>

Voici la raison que vous en rendez, et il la faut rapporter dans vos propres termes. « Je ne voyois, >> dites-vous (1), nul inconvénient de dire qu'un » livre pût être catholique en deux divers sens. Quand un livre, poursuivez-vous, est suscep»tible de deux sens, dont l'un est catholique et » l'autre hérétique, on a sujet de craindre que » le bon ne serve à déguiser le mauvais. Mais quand il ne s'agit tout au plus que d'une équi(1) I. Lett. p. 56,

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» voque, dont les deux sens sont catholiques, » elle n'a rien de dangereux ni de suspect. Je ne >> trouvois donc nul inconvénient à tâcher de » vous montrer, pour finir vos alarmes, que dans » le sens même que vous donniez aux termes d'in» térêt propre et désintéressé, mon livre pouvoit » être expliqué d'une manière correcte ».

Vous croyiez donc alors, c'est-à-dire, depuis très-peu, et dans vos dernières Réponses à M. de Chartres, que votre livre pouvoit s'expliquer d'une manière correcte, sans le dénouement d'amour naturèl. Mais vous oubliez ce que vous aviez écrit un an auparavant à M. de Meaux, qu'en prenant l'intérêt propre pour le salut, qui est le sens que vous proposez à M. de Chartres, et sans l'amour naturel, vous ne pouviez qu'extravaguer de page en page, et de ligne en ligne (1). Mais maintenant ce qui emportoit tant d'extravagances, est le même sens que vous donnez depuis, comme correct, à M. de Chartres.

Non-seulement vous dites à M. de Meaux, « que ce sens est de page en page et de ligne en ligne plein d'extravagance » ; mais vous ajoutez que, pour soutenir ce sens, « il faudroit à tout » moment soutenir que l'on espère sans espérer,

qu'on désire pleinement sa beatitude dans un >> renoncement absolu à sa béatitude; ce qui, » ajoutez-vous, n'est pas un systême, mais un » songe monstrueux et une extravagance impie ». Ainsi ce que vous marquiez à M. de Meaux, nonseulement comme insensé, extravagant, mons(1) 1.TM Lett. à M. de Meaux, p. 46.

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