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trueux, mais encore impie, tout d'un coup est devenu correct et catholique, quand vous avez écrit à M. de Chartres.

Il vaudroit bien mieux ne pas tant écrire, et parler plus conséquemment. Mais quand on se sent enveloppé de mille sortes de difficultés insupportables, et que, pour parer à tant de coups, on ne songe qu'à multiplier ses écrits, en se couvrant d'un côté, on s'expose de l'autre, et l'on ne peut rien dire de suivi.

Quoi qu'il en soit, et laissant à part les réflexions quoique justes sur vos embarras inévitables, vous trompez votre lecteur, en lui disant que votre livre étoit susceptible de deux sens corrects; puisqu'il y a un de ces sens, et c'est celui que vous donnez à M. de Chartres, qui, selon vous-même, est plein d'extravagance et d'impiété.

Mais ajoutons, qu'outre ces deux sens que vous avouez, il faut de nécessité en reconnoître un troisième, qui est le mauvais, dont les prélats vous ont accusé. Leur Déclaration, pour ne point parler de leurs autres écrits, montre que sous le nom d'intérêt propre vous excluez l'espérance et le désir du salut'; et sans entrer dans le fond, si vous leur donniez une réponse certaine, votre défense pourroit avoir de la vraisemblance. Mais il est constant que vous n'avez rien de fixe à leur opposer: le sens de vos défenseurs n'est pas le vôtre. Celui de vos amis de Rome est différent de celui que vous soutenez en France et à Rome même. Celui qui est correct et catholique, en écrivant à M. de Chartres, étoit impie et mons

trueux, en écrivant à M. de Meaux. Ainsi vous vous défendez douteusement, tout irrésolu et sans principe. Votre incertitude fait tomber votre réponse, et il n'y a plus qu'un seul sens dans votre livre, qui est le mauvais qu'on y trouve naturellement, et qui enferme l'exclusion et le sacrifice de l'espérance.

Dès-là, notre dispute est vidée par votre propre aveu, et ce n'est plus que par abondance de droit que j'entrerai dans le reste; mais il faut pourtant vous montrer, dans le détail et par vous-même, en plusieurs manières, l'inconvénient où vous vous jetez par votre prétendu argument ad hominem.

IV.
Sur l'argu-

Cet inconvénient est sensible par la définition que vous faites de cet argument. « Cessez, dites- ment ad ho» vous à M. de Chartres (1), de m'objecter la con- minem. » trariété qui est entre ma Lettre imprimée dans » votre ouvrage, et mon Explication suivante : » ces deux pièces doivent être évidemment con>>tradictoires dans le langage » : parce que telle est la nature «< d'un argument ad hominem, où » un auteur quitte son propre langage, et où » il emprunte celui d'un autre homme, pour tâ» cher de le persuader à sa mode, et en suivant » ses préventions; ce qui, dites-vous, ne doit pas » être conforme à l'autre Explication, où l'au»teur parle naturellement dans l'usage contraire, » qui est le vrai sens de ses propres paroles ».

Mais, Monseigneur, vous dissimulez que lorsqu'on parle d'une manière si évidemment contradictoire à soi-même, la première chose à quoi l'on (1) I.re Lett. p. 76.

pense, c'est à prendre ses précautions, et qu'on croiroit visiblement amuser le monde, si l'on finissoit son discours sans exprimer une fois du moins sa propre pensée; au lieu, Monseigneur, par malheur pour vous, que dans toute une explication si longue et si étendue, où durant quinze grandes pages vous parlez ce langage étranger, vous ne dites pas un seul mot qui explique le seul sentiment que vous prétendez avoir dans l'esprit.

Oseroit-on, Monseigneur, vous demander si vous avez relu avec attention cette Réponse, que vous nous donnez pour un argument ad hominem. Si vous l'avez relue, je ne comprends pas ce qui vous a empêché de remarquer non-seulement qu'il n'y a pas un seul mot qui marque que vous argumentiez par les principes de M. de Chartres; mais encore que, depuis le commencement jusqu'à la fin, vous écrivez comme un homme qui parle naturellement, et qui exprime ses propres pensées. On trouve à toutes les pages de votre Explication; Je crois que l'acte de charité, etc. Je crois que l'acte d'espérance, etc. Je dis : je crois : je suppose (1): vous parlez toujours en votre nom, et il n'y a rien qu'on ressente moins dans tout votre discours qu'un air et un langage étranger. Vous commencez par ces mots : « Je dois, mon très» cher prélat, être plus prêt que le moindre de tous >> les fidèles, à rendre compte de ma foi à toute » l'Eglise, et surtout à vous, qui êtes mon confrère, >> mon bon et ancien ami ». Est-ce par-là que l'on

(1) Prem. rep. de M. de Camb. après la Lett. past. de M. de Ch.p. 2, 4, etc.

commence un langage de complaisance et d'accommodement qui doit être contradictoire avec son propre langage? Vous continuez: « Pour mes » sentimens, les voici tels qu'ils sont dans mon » cœur, et que je crois les avoir mis dans mon » livre (1) ». Avez-vous mis dans votre livre les sentimens de M. de Chartres? On ne trouve dans cet écrit aucune distinction de ce que vous dites de vous-même, et de ce que vous prétendez avoir emprunté. Ce style est uniforme et perpétuel dans toute votre Explication, tout y est emprunté et feint, ou rien ne l'est : en parlant du bonum mihi: (ce qui m'est bon et avantageux) voilà, ditesvous (2), ce que j'appelle des actes intéressés ; et vous mettez ces actes parmi ceux de vraie espérance, par conséquent, selon vous, très-surnaturels. Le public croira-t-il que vous expliquez les sentimens de M. de Chartres, quand il voit que vous ne cessez de répéter que vous expliquez les vôtres? Il faudroit réimprimer tout votre discours, pour marquer ici les endroits où l'on voit que vous ne parlez que votre langage naturel : mais en voici un qu'on ne sauroit oublier : « Voilà donc, dites-vous (3), précisément, mon très» cher prélat, ce que j'ai pensé, en faisant mon livre, sur les actes que j'ai nommés intéressés », qui sont rapportés un peu après, parmi les actes de vraie espérance. Ce que vous pensiez en faisant votre livre, est-ce, Monseigneur, ce que pensoit ou penseroit M. de Chartres, ou pensiez-vous dès

>>

(

(1) Prem. rep. de M. de Camb. après la Lett. past. de 01. de Ch. p. 1.— — (2) Ibid. p. §. — (3) Ibid, p. 8.

V.

Embarras

M. de Char

tres.

lors à lui faire un argument ad hominem? Oh! qu'il en coûte, quand on veut défendre l'erreur, et soutenir une fausse excuse! Votre embarras est extrême sur cette première Explication que M. de Chartres a imprimée. Vous ne pouvez la reconnoître sans vous condamner vous-même, comme un homme qui nie l'espérance : vous ne pouvez la rejeter, parce que vous l'avez donnée à M. de Chartres avec tous les témoignages que vous y pouviez attacher de votre croyance. Vous n'osez absolument ni l'approuver, ni la renoncer; et ne sachant quel nom lui donner, vous lui appliquez à la fin celui d'argument ad hominem, que personne ne connoît en cette forme, ou, comme vous l'appelez, argument d'accommodement et de complaisance, qui ne se trouve que chez vous.

Qui veut voir votre embarras sur cette objecvisible dans tion, n'a qu'à lire votre Réponse : « J'avoue, la Réponse à » dites-vous (1), qu'il règne partout dans cette » lettre (dans celle où est contenue votre pre» mière Explication à M. de Chartres) un grand » défaut de précaution; et si c'est une faute, que » de n'en avoir pris aucune en écrivant une sim»ple lettre à un ami intime, j'avoue que j'ai » parlé improprement, et avec la négligence d'un >> homme qui ne craint pas de n'être pas bien en>> tendu : mais il vous est moins permis qu'à un >> autre de me faire un crime de cet excès de con>> fiance ». On ne comprend rien dans ce discours. Souvenez-vous, Monseigneur, que vous étiez (1) Ire Lett. p. 63, n. 8.

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