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VII.

Derniére ressource

ses à M. de Chartres.

votre systême la variation est démontrée. Radoucissez vos termes tant qu'il vous plaira appelez-la négligence, complaisance, accommodement, langage emprunté pour dissiper les alarmes et les ombrages d'un ami : à travers ces belles paroles, et la finesse de vos tours, et à travers toutes vos délicates couvertures, tout le monde perce le fond, excepté ceux qui, tout-à-fait engagés dans le parti, déterminément ne veulent pas voir.

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Il nous faut encore un moment pour examiner votre dernière ressource. C'est qu'en parlant à des répon- M. de Chartres de l'intérêt propre, bonum mihi; ou du salut, vous avez pris cinq ou six fois la précaution de dire qu'on l'appelleroit, si l'on veut, mon intérêt. « Si on le veut, poursuivez» vous, marque clairement que ce n'est pas moi qui le veut : et que je sors de mon vrai langage » pour m'accommoder à celui d'autrui qui le » veut. J'ajoute, poursuivez-vous, que je n'ai garde de disputer sur les termes. Ce n'est donc » que pour éviter une dispute sur les termes, que » j'entre sur ce langage emprunté et contraire au » mien (1) ». Mais pour dissiper ces fausses lueurs, il ne faut que vous entendre vous-même. « Je » n'aurois eu garde de donner ainsi mon Expli»cation au public comme le vrai sens de mon » livre du moins si je l'eusse donnée, j'aurois » marqué bien plus expressément qu'encore » qu'elle fût vraie en elle-même, elle n'étoit » pourtant, pas celle que j'avois eu dans l'esprit

(1) I.re Lett. en rép. p. 64. Prem. rép. impr. par M. de Chartr. après sa Lett. past.

» en écrivant mon livre; j'aurois fait là-dessus » dans les formes toutes les protestations les plus » fortes pour ne déroger pas au vrai langage de >> mon livre en le réduisant au vôtre (1) ». A vous entendre, Monseigneur, on diroit que ces précautions et protestations dans les formes demandoient un long discours. Mais il ne falloit que trois mots. Ces argumens, où l'on procède par les principes des autres, et, comme on dit, ad hominem, ont leur formule réglée. Elle consiste à marquer une fois du moins ce qu'on emprunte de l'adversaire, et ce qu'on pense soi-même. Qu'y avoit-il de plus court et de plus aisé que d'ajouter à votre discours ces quatre lignes : « J'ai en» tendu par intérêt propre un amour naturel de » nous-mêmes: mais quand j'entendrois comme » vous, par ce mot, mon salut et mon propre » bien, ce qui n'est pas, je ne laisserois pas de pouvoir, selon vos principes, justifier mon sys» tême ». Si vous vous croyez obligé, pour déclarer la sincérité de vos intentions, de prendre cette précaution avec le public; pourquoi la négliger dans une lettre si grave à un ami intime, à qui vous écriviez avec le même sérieux et le même esprit que si c'étoit à l'Eglise pour lui rendre raison de votre foi?

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Vous avez encore recours à la négligence d'une lettre écrite à la hâte à un intime ami. « J'ai omis » dans cet esprit, dites-vous, toutes ces précau» tions rigoureuses, et j'ai parlé votre langage,

(1) I.re Lett. en rép. p. 67:

» comme s'il eût été effectivement le mien pro» pre». Quel moyen donc restoit-il à M. de Chartres, dans un langage si semblable, d'imaginer de la différence dans les sentimens? De si foibles excuses ne répondent pas à l'importance de la matière: il n'étoit pas ici question de parler à la hate: et si la facilité de votre génie devoit produire une prompte Réponse, il ne s'ensuit pas qu'elle dût être négligée, sous prétexte que vous la donniez en forme de lettre, puisqu'on traite en cette manière les affaires les plus sérieuses. Ainsi vos raisons sont vaines, et vous n'en aviez aucune d'épargner à un ami si intime, à un si grave théologien, trois ou quatre lignes. D'autant plus que vous en vouliez venir à la fin, à la protestation qui l'a étonné, où vous prenez « à témoin celui qui sonde les cœurs, comme » si j'allois, dites-vous (1), paroître devant lui, » que votre Explication contient tout ce que vous » avez prétendu que ce sont là les sentimens >> que vous portez dans le cœur, et le systême » que vous croyez avoir donné à votre lettre ». Vous ne disiez point, dans cette sérieuse protestation, que vous parliez à la háte et avec négligence; vous paroissiez faire sérieusement tout l'effort de votre esprit : vous développiez toutes les distinctions et tous les tours. Vous parlez encore moins de complaisance, d'accommodement, de langage emprunté, d'argument ad ho

(1) Lett. past. p. 69, 79, 80. Explic. p. 12, 14, 15. I.re Lett.

minem. C'étoient les sentimens de votre cœur que vous portiez sous les yeux de Dieu, dans le cœur d'un saint évêque, d'un si grave théologien, et d'un ami si intime, qui attendoit de votre cordialité, non point une doctrine étrangère, mais la vôtre, pour régler sur cette connoissance les sentimens qu'il prendroit avec ses confrères et les vôtres sur votre livre.

Au surplus, Monseigneur, ne croyez pas que nous prenions pour restriction du terme d'intérét propre, ces clauses de l'Explication à M. de Chartres que vous nous donnez pour preuve que vous parliez ad hominem bonum mihi, sera, si l'on veut, mon intérêt propre; et les autres de même nature que nous avons déjà remarquées (1). Vous voudriez qu'on crût qu'en mettant ces clauses vous aviez en vue votre dénouement d'intérêt propre, pris pour amour naturel. Mais vous expliquez trop formellement un autre sens. En effet, vous laissez en doute si l'espérance peut être fondée sur l'intérêt propre; parce que vous distinguez l'espérance simple ou commune qui ne s'élève point au-dessus de son bonum mihi, de son intérêt, de son motif propre, d'avec l'espérance commandée par la charité, qui la rapporte à son objet propre qui est la gloire de Dieu; vous dites donc, je l'avoue, de cette espérance commandée, qu'à raison de son motif on peut en un sens la nommer notre intérêt propre, en tant qu'elle enferme le bonum mihi comme son objet spécifique; et vous laissez ce langage libre. Ainsi

(1) Ci-dessus, n. 7.

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IX.

et réflexion

testations

sous les yeux de Dieu.

les deux sens dont vous voulez parler dans votre Explication à M. de Chartres, signifient la même espérance, suivant qu'elle est commandée ou non commandée (1). Vous n'aviez donc point dans l'esprit d'autre intérêt propre que le motif de l'espérance que vous nommez simple, commune et non commandée, et votre restriction ne porte que sur celui-là, sans qu'il y ait le moindre vestige de l'intérêt propre pris pour l'amour naturel.

Au reste, pour revenir à vos solennelles protesConclusion, tations sous les yeux de Dieu, qui ont tant étonné sur les pro- M. de Chartres; le sujet de son étonnement est qu'il a vu ce que vous disiez, que vous aviez toujours eu devant les yeux les mêmes choses que vous avez tant de fois changées; vous les expliquez en cette sorte: « Je n'ai jamais, dites-vous (2), » voulu faire entendre par-là, que le langage en » question fût le vrai langage que j'avois voulu » parler dans mon livre; mais seulement que la » doctrine en question étoit toute la doctrine à » laquelle je bornois le systême de mon ouvrage », C'étoit pourtant du langage de votre livre qu'il s'agissoit directement; c'étoit bien assurément par le langage qu'il falloit juger du vrai sens, de la vraie Explication de ce livre. Quand donc vous réduisez la protestation que vous n'avez point changé, au langage et non au fond, la restriction mentale est trop violente : c'est une foible défaite que croire avoir satisfait en répondant, Je l'entends ainsi, si l'on veut en un sens, en un cer

(1) Prem. rep. de M. de Camb. impr. dans la Lett. past. de M. de Ch. p. 2, 8, 11, 12, 13. — (2) I.re Lett. en rép. p. 68.

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